ASH : Comment est né le Collectif social unitaire ? C.P. : Les premières réunions du collectif datent de l'année dernière, au moment du plan Juppé. A l'époque, des travailleurs du social, syndiqués ou non, se sont regroupés autour d'un petit noyau de gens déjà engagés dans les luttes pour l'accès au logement. Le point de départ, ça a été le constat des énormes problèmes que connaît aujourd'hui le travail social. En effet, on nous demande de gérer la précarité et, nous-mêmes, nous commençons à connaître sérieusement la précarité. Par exemple, on embauche aujourd'hui, dans le secteur, du personnel pas forcément qualifié. Et, au quotidien, nous rencontrons des gens qui ont de multiples problèmes - emploi, logement, santé - pour lesquels nous n'avons pas de solution miracle. Globalement, on peut dire que certains droits fondamentaux ne sont plus respectés. C'est ce qui nous unit. Sans parler des menaces qui planent actuellement sur les conventions collectives. Nous sommes également inquiets parce que le travail social ne fait plus envie. A une époque, certains pensaient, à juste titre, que c'était un espace où il fallait travailler, qu'il y avait des choses à faire avec les populations. Même s'il aurait peut-être fallu se situer davantage en tant que salariés - nous ne sommes pas des bénévoles -, c'était quand même quelque chose d'aller dans le travail social. Je pense que ça n'est plus le cas maintenant. Il est vrai que les conditions de travail ne sont pas forcément évidentes. En prévention, par exemple, le travail est dur. ASH : Quels sont vos objectifs ? C.P. : C'est d'abord d'essayer de réunir plus de personnes que la cinquantaine qui gravite actuellement autour du collectif. C'est aussi d'essayer de voir ce qui se passe un peu partout dans les institutions et les services, et de centraliser ce que pensent les uns et les autres concernant, par exemple, les problèmes de papiers, de chômage, de logement, du handicap... A partir de là, nous pourrons voir quel type de structure on se donne pour aller plus loin. Ce que nous souhaitons, c'est que les travailleurs du social reprennent la parole. Car beaucoup de gens parlent en leur nom mais eux ne s'expriment pas assez. Nous souhaitons donc retrouver un espace où ils puissent le faire et défendre des intérêts bafoués au jour le jour. Concrètement, nous espérons aboutir à une coordination nationale des travailleurs sociaux qui pourrait être créée en lien avec différents collectifs, notamment ceux de Toulouse, de Montpellier et d'Avignon. ASH : Qu'est-il ressorti, finalement, de la réunion du 7 décembre ? C.P. : Environ 80 personnes sont venues, essentiellement de la région parisienne, surtout des assistantes sociales et des éducateurs spécialisés, mais aussi quelques formateurs. Compte tenu de la frilosité actuelle des travailleurs sociaux, ce n'est déjà pas si mal. Pour ma part, j'ai constaté une véritable volonté de parole. Les gens souhaitaient avant tout s'exprimer sur leur métier, avec un mélange d'indignation et de réflexion de fond sur le travail social. Pour l'instant, nous en sommes à une période de déballage. Pas encore à l'élaboration de propositions. Ce devrait être le rôle de la coordination nationale à propos de laquelle nous avons décidé de contacter les autres collectifs. Certains sont plus avancés que nous et, d'ailleurs, il n'y a pas de raison que Paris impose sa façon de voir.
(1) Le Collectif social unitaire a été créé par des professionnels du secteur sanitaire et social avec le soutien du syndicat CRC, de la CNT, de syndiqués CGT, du CASIF et de l'ARADTS. Adresse provisoire : 23, rue de la Mare - 75020 Paris - Tél. 01 43 49 28 18. Voir ASH n° 1999 du 29-11-96.