Le secteur des services aux personnes à domicile a longtemps été partagé en deux champs distincts : l'aide à domicile (financée par la collectivité publique et confiée, le plus souvent, à des associations agréées) et les services domestiques (le particulier étant l'employeur clairement identifié). Mais avec la multiplication des modes de gestion - notamment le chèque emploi service - et des intervenants - les associations mandataires et intermédiaires -, on assiste aujourd'hui à une complexification croissante du marché du travail des emplois familiaux. A tel point que « les intervenants ne savent pas toujours qui est leur véritable employeur quand ils ont affaire à une association mandataire qui fait office d'employeur, sans l'être », constatent les chercheurs. Même chose en ce qui concerne les « clients » qui, « tout en bénéficiant des avantages accordés aux particuliers-employeurs », veulent également profiter des garanties qu'offrent les associations mandataires et intermédiaires. Une évolution qui, certes, s'est accompagnée d'une forte création d'heures de travail mais, aussi, d'un net « recul de la relation salariale ». En effet, de 1987 à 1995, près de 70 000 emplois équivalents temps plein ont été générés dans le secteur des services domestiques et moins de 7 000 dans celui de l'aide au maintien à domicile traditionnelle. Mais ces emplois, occupés quasi exclusivement par des femmes, « sont de plus en plus souvent le résultat d'interventions réalisées sous plusieurs statuts ». Autrement dit : les professionnelles doivent jongler avec les employeurs et les missions afin d'obtenir un revenu mensuel proche du SMIC.
En outre, ces formes d'emploi très parcellisées apparaissent « peu compatibles avec la professionnalisation du secteur ». Car, soulignent les chercheurs, au-delà de la formation initiale, les intervenantes ont besoin de temps de travail collectif (formation continue, supervision d'équipe... ) afin de « sortir de leur isolement » et de « prendre de la distance ». Or, soit le financement de ces périodes renchérit le coût global de l'intervention, creusant l'écart entre le salaire de l'intervenant et le prix d'achat de la prestation, soit il n'est pas prévu, comme dans la formule du chèque emploi service qui est la moins onéreuse pour le particulier mais « fait l'impasse sur la construction des professionnalités des intervenants ». La généralisation du chèque emploi service va ainsi « à l'encontre du bon développement de ces services, car il remet le serveur dans la position dominée, sans défense devant une multitude d'employeurs ponctuels pour des relations non durables, sans garantie et sans possibilité de processus qualifiant » (2). Quant au dispositif d'insertion du secteur, en dépit des fonds qui lui sont consacrés, son efficacité semble assez relative dans la mesure où les personnes formées préfèrent souvent travailler en établissement afin de bénéficier de conditions d'emploi plus classiques. Afin de freiner cette tendance, certains acteurs locaux réfléchissent d'ailleurs à la possibilité de mettre en place des parcours d'insertion en sortie de formation. Reste que, pour les chercheurs, seuls de « véritables engagements contractuels » entre les groupements d'employeurs et les salariés concernés permettront d'intégrer les temps de formation continue et d'échange à l'activité professionnelle.
(1) Centre d'études et de recherches sur les qualifications - Bref n° 125 - CEREQ : 10, place de la Joliette - BP 176 - 13474 Marseille cedex 02 - Tél. 04 91 13 28 28.
(2) Ouvrage cité par le CEREQ : Le concept d'emploi de proximité - A. Fouquet - Etudes et recherches de l'Isère n° 141 - 1995.