C'est le 20 novembre dans le cadre de la première journée nationale des droits de l'Enfant, qui devait donner lieu également à de nombreuses initiatives associatives et de manifestations, que le Premier ministre a détaillé son programme gouvernemental « Agir pour la protection des enfants maltraités » dont il avait déjà révélé les grandes lignes (1). A cette occasion, il a annoncé que la protection de l'enfance maltraitée serait « grande cause nationale » en 1997.
Le programme d'action comprend un projet de loi renforçant la prévention et la répression des atteintes sexuelles sur mineurs (voir ci-après) et un plan d'action de cinq volets.
Tout d'abord, concernant l'aide aux victimes, le numéro vert « Enfance maltraitée » sera remplacé, au 1er janvier 1997, par un numéro d'urgence simplifié à trois chiffres. Et il n'apparaîtra plus sur les factures de téléphone. En outre, une circulaire conjointe des ministères de la Justice, de l'Intérieur et de la Défense limitera les auditions et confrontations multiples d'enfants victimes de violences sexuelles, au besoin par l'utilisation de l'outil vidéo avec ou sans enregistrement. Le projet de loi élargira les possibilités de désigner un administrateur ad hoc pour les mineurs victimes et étendra aux infractions commises par toute personne, la règle selon laquelle la prescription des crimes et délits commis à l'encontre des mineurs ne commence à courir qu'à partir de leur majorité. En outre, une circulaire du ministère de la Justice précisera les mesures à prendre dans le cadre de la procédure judiciaire pour améliorer les relations entre les juges des affaires familiales et les juges des enfants, imposer si possible une séparation physique entre l'enfant et le prévenu dans le cabinet du juge, permettre que l'adresse des mineurs victimes n'apparaisse plus systématiquement dans les dossiers et informer les victimes de leurs droits. Un livret de procédure de l'enfant victime sera élaboré.
Le projet de loi prévoit également l'amélioration de la prise en charge des victimes :c'est ainsi que les soins délivrés seront pris en charge à 100 %. Des pôles de référence, disponibles 24 heures/24, seront institués dans chaque région, voire dans chaque département important. Ils seront chargés d'accueillir et prendre en charge les victimes, de former les professionnels de santé, de coordonner les différents intervenants et d'établir un bilan régional.
Autre chapitre : la sensibilisation et l'information des publics. Dès la fin du premier trimestre 1997, une campagne de communication rappelant l'interdiction de toute relation sexuelle avec un enfant sera organisée, a ainsi affirmé le Premier ministre. Avec des actions de sensibilisation spécifiques pour les journalistes, parents, jeunes adultes, enfants et assistantes maternelles. Pour ces dernières, une brochure élaborée par la DAS sera distribuée.
Concernant les professionnels, l'obligation de formation initiale et continue, déjà prévue pour de nombreux intervenants dont les travailleurs sociaux par la loi du 10 juillet 1989, sera étendue aux assistantes maternelles ainsi qu'à l'ensemble des responsables d'encadrement d'enfants et de jeunes, moniteurs et animateurs de clubs sportifs ou de loisirs. En outre, l'ensemble des formations initiales comprendront un module sur les mauvais traitements et les violences sexuelles à enfants. Quant à la formation continue, elle sera soumise à l'élaboration d'un cahier des charges, conditionnant le financement par l'Etat ou les collectivités locales.
La coordination des acteurs devrait être également renforcée. Le groupe permanent interministériel pour l'enfance maltraitée (GPIEM) sera ainsi élargi aux ministères des Affaires étrangères, de la Coopération, de la Culture, du Tourisme, des Postes et Télécommunications ainsi qu'au secrétariat d'Etat chargé de l'action humanitaire d'urgence. Un centre-ressources (CIDEF) devrait être institué à partir de la fusion du Centre international de l'enfance et de l'IDEF. En outre, Alain Juppé a annoncé la création d'un comité de ministres pour l'enfance maltraitée avant la fin de l'année et d'un comité des directeurs d'administration centrale. Dans les départements, la coordination devrait également être renforcée grâce à l'association de l'ensemble des acteurs concernés. Et les protocoles d'accord sur le contenu et les circuits de signalement existants dans dix départements devraient être multipliés.
Enfin, au niveau international, la France va intensifier ses efforts en vue de la signature d'un protocole additionnel à la Convention internationale relative aux droits de l'Enfant, visant à harmoniser les critères de poursuite des auteurs d'infractions à caractère sexuel.
(1) Voir ASH n° 1995 du 1-11-96.