Le ministère du Travail et des Affaires sociales publie une étude sur les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) d'autant plus importante que c'est la première enquête réalisée directement auprès d'allocataires et que l'ASS fait l'objet actuellement d'un projet de réforme (1) afin de permettre la reconversion d'une partie de son financement en mesures pour l'emploi (2).
Rappelons que l'ASS est la principale allocation du régime de solidarité et qu'elle est servie, sous certaines conditions notamment d'activité (3), aux chômeurs ayant épuisé leurs droits à l'assurance chômage. Ses bénéficiaires ont donc une ancienneté de chômage indemnisé importante, 1 073 jours en moyenne fin 1995. Selon les statistiques de la DARES, la hausse du chômage de longue durée, en 1993 et 1994, conjuguée avec le raccourcissement des durées de droits à l'assurance chômage pour un certain nombre de ses bénéficiaires a fait croître considérablement le nombre d'entrées en ASS depuis 1993. De 100 000 à 110 000 entrées par an, on passe ainsi à 145 000 entrées en 1993 et plus de 190 000 en 1994 et 1995. Dans le même temps, les possibilités d'accès à l'emploi de ce public baissent. Les reprises d'emploi qui concernaient 40 % des sorties d'ASS jusqu'en 1990 tombent à 20 % en 1993 et 25 % en 1995.
Parmi le panel de personnes interrogées directement (4), près de la moitié sont des manoeuvres ou ouvriers, plus du tiers sont des employés. La majorité est âgée, tant en proportion des autres demandeurs d'emploi que des actifs occupés : 55 % ont 45 ans ou plus. Leur ancienneté de chômage est également élevée. Près des 2/3 déclarent être au chômage depuis cinq ans ou plus. Certains ont connu le chômage indemnisé de façon continue (38 % des cas), d'autres ont alterné chômage indemnisé et courtes périodes d'emploi (32 %) ou ont traversé, à un moment ou un autre, des périodes d'inactivité (12 %).
Les allocataires interrogés ont d'importantes références de travail. Plus de la moitié ont ainsi travaillé au moins huit années, la plupart ayant bénéficié de l'ASS au titre de la période d'emploi. Seuls 9 % ont utilisé l'assimilation des périodes de chômage indemnisé et 8 % celle de périodes d'inactivité. Fait notable, la recherche d'emploi « paraît » active, même à des âges avancés. Alors que les allocataires de 55 ans et plus peuvent être dispensés de recherche d'emploi, seuls 3 % des personnes interrogées déclarent avoir cessé de chercher un emploi.
Au final, cependant, peu d'allocataires parviennent à se réinsérer sur le marché de l'emploi. Ainsi, 58 % des personnes interrogées n'ont eu aucune proposition d'embauche depuis la rupture de leur dernier contrat de travail. Les propositions d'emploi sont plus fréquentes pour les allocataires ayant bénéficié d'une aide à l'emploi (stage, bilan professionnel...). Parmi ceux ayant reçu une réponse, un sur trois a refusé au moins une offre d'emploi pour des raisons d'éloignement du lieu de travail (40 %), d'inadaptation de l'emploi à sa santé (23 %) ou à sa qualification (21 %). A noter que l'insuffisance du salaire proposé n'est relevé que par 18 % des personnes concernées et que le taux de refus baisse lorsque l'ancienneté au chômage augmente. La reprise d'une activité réduite, cumulable avec l'allocation, est également faible. Seuls 13 % des allocataires ont connu une période d'emploi inférieure au mi-temps et 6 % une période supérieure.
L'ASS, d'un montant moyen de 2265 F, constitue donc dans la plupart des cas une source de revenu essentielle : 77 % du revenu pour les célibataires, 34 % pour les allocataires vivant en couple.
(1) Voir ASH n° 1990 du 27-09-96.
(2) Voir ASH n° 1991 du 4-10-96.
(3) En général cinq années d'activité dans les 10 années précédant la rupture du contrat de travail.
(4) 1 013 allocataires interrogés par entretien en face-à-face.