Alors que Jacques Chirac affirmait, le 10 octobre lors du 20e anniversaire de la Fédération nationale des clubs d'aînés ruraux (1), que l'instauration d'une prestation autonomie pour les personnes âgées dépendantes était une « priorité », c'est sur une prestation a minima que les sénateurs étaient amenés à se prononcer cette semaine. Le Sénat examinait, en effet, en première lecture les 15,16 et 17 octobre, la proposition de loi Fourcade instaurant, au 1er janvier 1997, une prestation spécifique dépendance (PSD) (2). Selon ce texte, le montant moyen mensuel de la prestation sera égal à 4 300 F, soumis à un plafond de ressources de l'ordre de 7 700 F, alors que le projet de loi initial avait fixé ce plafond à 9 329 F. D'où le mécontentement des associations d'établissements de personnes âgées.
Ainsi, l'Union nationale des établissements privés pour personnes âgées (Uneppa) (3) déplore que la prestation autonomie soit reportée « ad vitam æternam » et note que la PSD est « beaucoup moins favorable que l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) qui était jusqu'alors versée par certains conseils généraux aux personnes âgées ». Selon l'association, la PSD est « un recul » sur deux points par rapport à la législation existante. D'une part, sa gestion est confiée entièrement au président du conseil général « sans aucun contre-pouvoir », puisque celui-ci évaluera la dépendance et fixera le montant de l'aide en fonction du degré de dépendance et de l'environnement de la personne, ce dernier critère étant jugé « flou et subjectif ». D'autre part, le recours sur succession sera « beaucoup plus dur », car il s'exercera sur l'héritage quel qu'en soit le bénéficiaire (y compris le conjoint et les enfants) et à partir de 250 000 F pour les personnes âgées à domicile et au premier franc pour les personnes âgées en établissement. Toutefois, l'Uneppa reconnaît à la PSD deux points positifs, à savoir que « les personnes âgées recevront des services plutôt que de l'argent » (la PSD étant une prestation en nature alors que l'ACTP était une prestation en espèces) et que la grille AGIRR, testée dans 12 départements (4), sera utilisée comme « référence unique d'évaluation de la dépendance ». En outre, elle se félicite de la réforme de la tarification des soins mise en œuvre par la proposition de loi. Elle la qualifie de « fondamentale » au sens où « elle met fin au cloisonnement entre secteur sanitaire et secteur social en harmonisant les règles qui régissent les maisons de retraite et les longs séjours hospitaliers et institue, à l'instar des cliniques et hôpitaux, une sorte d'enveloppe globale qui permettra à l'assurance maladie de mieux maîtriser l'évolution des dépenses et aux établissements (y compris privés) d'avoir enfin les moyens de mieux prendre en charge les soins ».
L'Association des directeurs d'établissements d'hébergement pour personnes âgées (Adehpa) (5) qualifie, quant-à-elle, la proposition de loi de « trompe-l'œil » et de « peau de chagrin » car elle « réduit à l'extrême le projet de loi initial et supprime en partie les aides existantes » en « imposant un plafond de ressources largement inférieur à ceux envisagés précédemment », en instaurant la récupération sur succession ou encore en retirant aux personnes âgées en établissement le droit de toucher une telle prestation. Sur le second volet de la proposition de loi, la réforme de la tarification n'est évoquée, selon l'association, « que pour rappeler la nécessité de fixer le prix de journée en établissement en fonction du degré de handicap de la personne ». En outre, au même moment, ajoute-t-elle, le projet de loi de finances pour 1997 met en place « des dispositifs visant à limiter la progression des budgets des établissements, alors que les pouvoirs publics reconnaissent eux-mêmes que le secteur est sous-doté ». « Une nation se déshonore quand elle exclut de la solidarité nationale les personnes les plus âgées et les plus handicapées », s'indigne l'Adehpa, qui attend « un dispositif législatif cohérent avec l'état de la population âgée en perte d'autonomie ».
Plus positive, la Fédération nationale des associations de directeurs d'établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa) (6) se réjouit des aspects positifs du texte. Lesquels portent, selon elle, sur la reconnaissance de la dépendance comme « un risque social à part entière nécessitant des réponses adaptées », sur la « création d'un droit nouveau reconnu » à toute personne âgée, sur le statut de prestation en nature de la PSD pour « une aide effective, modulable, révisable et non détournable de son objet » et sur la mise en place de dispositifs d'instruction et de suivi « polyvalents et transparents ». Une satisfaction toutefois atténuée par les « probables effets négatifs » de certaines dispositions de la proposition de loi. La fédération s'inquiétant notamment de « l'inégalité de traitement » instaurée entre les personnes âgées à domicile et celles résidant en établissement en termes de montant de prestation -celle-ci pouvant se voir appliquer des « critères de modulation » - ou de récupération sur succession. Elle s'interroge également sur l'avenir des établissements en termes de pérennité des institutions et des emplois.
De son côté, l'Union nationale des associations de soins et services à domicile (Unassad) (7) a adopté, lors de sa 28e assemblée générale, le 10 octobre, une motion visant au retrait de la proposition de loi et à son remplacement par un texte « qui prenne pleinement en compte, dès le 1er janvier 1997, le besoin de soutien et d'aide aux personnes âgées dépendantes ». Elle suggère que l'aide soit effectuée par un aidant familial soumis à une obligation de formation ou d'agrément, ou par un professionnel encadré par un organisme à but non lucratif dûment agréé à cet effet. L'Unassad rappelle aussi « avec force son attachement à une prestation contributive servie dans le cadre d'un cinquième risque de sécurité sociale ».
Enfin, comme l'Uneppa, la Fédération des malades et handicapés (FMH) (8) déplore le nouveau report de la mise en place de la prestation d'autonomie et regrette que la proposition de loi ne soit qu'une solution d'attente, un recul par rapport au projet de loi initial. Elle craint surtout que cette solution provisoire ne devienne définitive.
Pour leur part, 13 organisations syndicales de retraités (9) manifesteront, le 22 octobre prochain, pour « une véritable prestation dépendance » et la garantie de leur pouvoir d'achat.
Toujours devant la Fédération des aînés ruraux, le président de la République a confirmé que la politique de médicalisation des structures d'hébergement pour les personnes âgées serait « poursuivie et amplifiée », grâce au développement des moyens nécessaires à la mise en place effective de 14 000 lits de section de cure médicale « qui avaient été autorisés mais qui n'étaient pas financés et qui sont nécessaires ».
(1) Fédération nationale des clubs d'aînés ruraux : 24, rue d'Anjou - 75008 Paris - Tél. 01 44 56 84 67.
(2) Voir ASH n° 1984 du 19-07-96.
(3) Uneppa : 17 bis, boulevard Pasteur - 75015 Paris - Tél. 01 44 38 52 53.
(4) Voir ASH n° 1941 du 22-09-95.
(5) Adehpa : 3, impasse de l'Abbaye - 94100 Saint-Maur - Tél. 01 42 83 98 61.
(6) Fnadepa : 56, rue du paradis - 13006 Marseille - Tél. 04 91 54 16 60.
(7) Unassad : 108/110, rue Saint-Maur - 75011 Paris - Tél. 01 49 23 82 52.
(8) FMH : 54, boulevard Garibaldi - 75015 Paris - Tél. 01 47 34 48 35. (9 ) Unions confédérales de retraités CGT, CFDT, CFTC, CFE-CGC, la FGR (Fédération générale des retraités), l'UFR (Union fédérale des retraités), la CNR (Confédération nationale des retraités), l'UNRPA (Union nationale des retraités et personnes âgées), la FNAR (Fédération nationale des associations de personnes âgées), ainsi que les organisations d'agriculteurs de la FNSEA et du MODEF (Mouvement de défense des exploitations familiales), de la FEN (Fédération de l'Education nationale) et de la FSU.