...Jacqueline Lorthiois, sur « Travail social et économie solidaire »

ASH  : Pourquoi ce rapprochement avec le travail social ? J.L. : En fait, nous souhaitons nouer le dialogue avec notre environnement en général. En février, on a ouvert le débat avec les communes en leur proposant de faire des pôles d'économie solidaire avec leur appui. Certaines ont répondu présentes... Et de la même façon on se tourne aujourd'hui vers le travail social. Parce que cette profession nous semble au premier rang de la bataille de l'exclusion et du lien social. Les travailleurs sociaux sont en contact quotidien avec les populations dites « en difficulté » qui sont dans l'œil du cyclone, au cœur des questionnements de la société. Et ils sont bien placés pour voir qu'on est au bout des mesures du traitement social et que les moyens proposés ne sont pas à la hauteur des masses de population concernées et de l'ampleur des enjeux. ASH  : L'économie solidaire a-t-elle quelque chose à apporter au travail social ? J.L. : Tout à fait. L'économie solidaire, c'est un nouveau regard, une nouvelle façon de penser basée sur la vision ressources. C'est-à-dire que d'habitude, par rapport à des populations en difficulté, on insiste sur les critères négatifs et on raisonne sur des catégories d'exclusion. Dans l'économie solidaire, on identifie les personnes comme porteuses de ressources et de capacités. On propose donc de changer de regard, de troquer d'autres lunettes pour regarder les banlieues et territoires ruraux sensibles, les populations fragiles. On considère que ces lieux et ces publics sont l'expression des changements de la société. Et qu'ils ont des ressources mais qui ne peuvent pas être optimisées dans le cadre de la relation individuelle. ASH  : Ce qui signifie ? J.L. : Le travailleur social agit le plus souvent dans une situation de face-à-face. Nous proposons de sortir de cet accompagnement individuel parce qu'il ne répond pas à la question du traitement de masse. Au lieu d'accompagner à l'unité des personnes en difficulté, ce qui nécessite un temps long pour obtenir des résultats, nous proposons de repérer dans la population des « militants acteurs » qui ne sont pas en difficulté, mais qui ont envie de participer aux transformations de la société. Et qui, collectivement, créeront de la richesse et tireront vers le haut les populations démunies. Le principe étant de ne pas agir par rapport à des catégories mais de mixer les publics. Prenons ainsi l'exemple d' Amiens : dans un quartier sensible, considéré comme repoussoir, l'action conjointe du REAS et d'un groupe associatif d'échanges réciproques de savoirs a permis de créer un collectif d'habitants porteur de projets. Et ce dernier, grâce à tout un travail d'accompagnement, a réussi à redynamiser le quartier délaissé par les commerçants. C'est ainsi que les pas de porte se sont rouverts les uns après les autres avec un projet de jeunes autour de l'informatique, un restaurant associatif, un local pour les jeunes, un cybercafé... ASH  : Qu'attendez-vous du travail social ? J.L. : On se tourne vers le travail social à la fois pour s'adresser à son public, en vue d'essayer d'outiller les porteurs de projets dans les populations auxquelles il s'adresse. Mais également dans l'idée de former et d'accompagner des travailleurs sociaux à être des animateurs actifs de collectifs de projets. Nous, on amènerait le volet compétence, expertise, et les produits financiers comme ceux de l'épargne solidaire. L'objectif étant de partir du collectif et de l'échange et de créer du sens, de l'utilité sociale, des solidarités.