Très attendue dans le secteur, la réforme de la loi de 1975 va donc entrer dans sa phase de concertations et de consultations préalables, en vue de parvenir au dépôt d'un projet de loi au Parlement à l'été 1997. Dans le document préparatoire, intitulé Une rénovation nécessaire pour relancer une action sociale moderne et efficace en l'an 2000, la direction de l'action sociale (DAS) rappelle les enjeux de la réforme. A savoir remédier aux insuffisances, mises d'ailleurs en lumière en avril dernier par le rapport de l'IGAS (1), d'une loi « prenant insuffisamment en compte la place et les droits de l'usager et de son entourage, trop centrée sur la notion d'établissement et d'accueil à temps complet, et insuffisamment organisatrice du secteur social et médico-social », n'ayant pas empêché l'émergence de disparités importantes entre les départements et les régions. Mais il s'agit également de réaffirmer l'identité du secteur social et médico-social « au moment où le secteur sanitaire a, depuis l'ordonnance hospitalière du 24 avril 1996, la possibilité de gérer des institutions relevant de la loi de 1975 ». La DAS considérant qu'il s'agit là d'une réforme sans « risques politiques », en raison du large consensus qui existe au sein du milieu associatif pour rénover la loi, « ni surcoût direct », des économies indirectes pouvant, en outre, être espérées en raison d'une meilleure allocation des moyens.
Mais, préalablement à cette réforme ou dans le même temps, doivent être conduites certaines réformes de tarification ou de procédure budgétaire : l'instauration d'une nouvelle tarification adaptée aux établissements accueillant des personnes âgées dépendantes, qui devrait être intégrée dans un projet de loi spécifique aux personnes âgées déposé au Parlement dès cet automne ; la mise en œuvre de la réforme budgétaire des établissements sociaux soumis à une tarification exclusive des départements (refonte du décret du 3 janvier 1961).
Les propositions de la DAS retiennent quatre orientations principales. Tout d'abord, il s'agit d'affirmer la place des usagers et de leur famille dans les institutions sociales et médico-sociales. La loi de 1975 étant « fondée sur une notion de protection des bénéficiaires d'interventions sociales plus que sur celle du droit de l'usager autonome au sein de l'institution ». Il est donc proposé de rappeler les droits des usagers et d'instaurer dans chaque institution un projet d'établissement global fondé sur un projet de vie, d'animation et de socialisation complété par des annexes spécifiques (projets éducatif, pédagogique, thérapeutique), un règlement intérieur fondé sur un règlement type et un contrat de séjour garantissant à la personne accueillie et à son entourage une prise en charge individualisée.
En deuxième lieu, il est souhaité, afin de prendre en compte les évolutions du secteur, une redéfinition du champ d'application de la loi. Soit dépasser la stricte notion d'établissement et d'accueil à temps complet et développer « une gamme de prestations et de services diversifiés et coordonnés, adaptés aux situations rencontrées ». Ce qui passe par la reconnaissance légale du nouveau champ d'intervention du secteur social et médico-social, des fonctions d'accueil de jour, d'accueil temporaire, familial, des foyers médicalisés ou non, des lieux de vie, des services de maintien à domicile, d'accompagnement social en milieu ordinaire pour les personnes âgées et handicapées. Mais également, des structures et services tels que les SAMU sociaux, les boutiques de solidarité, les points d'écoute, les équipes mobiles au titre de la lutte contre l'exclusion.
C'est ainsi qu'il est proposé que l'établissement, le service ou la prestation sociale ou médico-sociale soit défini « à partir de ses composantes essentielles » : personnes habilitées à créer, gérer et assurer une intervention sociale ou médico-sociale missions et modalités d'intervention ; publics accueillis, normes et conditions de fonctionnement ; modalités et personnes physiques et morales pouvant assurer le financement. De même, il est envisagé de reconnaître l'instauration de filières coordonnées de prise en charge en introduisant dans la loi (à l'instar des mesures prises dans l'ordonnance hospitalière) deux formes supplémentaires de coopération : des réseaux sociaux et médico-sociaux coordonnés, fondés sur des conventions constitutives agréées par l'autorité de tutelle des communautés d'établissements, afin de rationaliser l'offre et rentabiliser les installations et moyens humains, constituées sur la base de chartes pouvant prendre la forme de conventions, GIE, GIP, SIH et agréées par l'autorité de tutelle.
Autre orientation : promouvoir « une organisation et une concertation adaptée » entre les décideurs afin de résorber les disparités départementales et régionales observées dans le secteur des personnes âgées, handicapées ou en situation d'exclusion. Outre la création d'une fonction d'observation sociale et médico-sociale au plan national, il est proposé d'instaurer une conférence sociale et médico-sociale au plan régional (pouvant prendre la forme d'une section particulière de la conférence régionale de santé) et des liens contractuels entre l'Etat et les conseils généraux. Ce qui pourrait passer par l'institution d'une convention nationale type, signée par le ministre des Affaires sociales et le président de l'Assemblée des présidents de conseils généraux (définissant des principes généraux de coopération), et l'instauration de contrats obligatoires signés entre le préfet (à terme, le directeur de l'agence régionale) et le président du conseil général et fixant les objectifs à atteindre et les moyens correspondants.
Enfin, afin de permettre « une meilleure adéquation entre les besoins sociaux et médico-sociaux et les réponses qui leur sont apportées », la DAS envisage l'élaboration de schémas régionaux (ou interdépartementaux) des équipements et services sociaux et médico-sociaux. Ceux-ci (pendants des schémas sanitaires) seraient indicatifs et validés par les comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale (CROSS). Ils seraient articulés à des schémas départementaux généraux (arrêtés conjointement par l'Etat et le conseil général et révisés obligatoirement tous les cinq ans) fixant les grandes orientations de la politique sociale et médico-sociale du département, et à des schémas départementaux sectoriels. Et qui seraient tous deux opposables aux tiers.
Par ailleurs, il est proposé que les CROSS puissent examiner, au cours de périodes déterminées par voie réglementaire, les projets de création, transformation ou extension importante d'établissements, de services sociaux ou médico-sociaux sans tenir compte de l'ordre de dépôt des demandes. Et il est demandé que les établissements soient obligés de procéder à l'évaluation de leur activité.
3 octobre 1996 : lancement de l'opération par le ministre du Travail et des Affaires sociales devant la section sociale du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale (CNOSS).
D'octobre à décembre 1996 : concertation informelle avec les associations, l'Association des présidents de conseils généraux...
De janvier à mars 1997 :concertations interministérielles (Economie, Budget, Intérieur, DATAR...).
Avril 1997 : saisine officielle des instances consultatives (Conseil économique et social, Conseil supérieur du travail social, Conseil consultatif des personnes handicapées, Comité national des retraités et des personnes âgées, section sociale du CNOSS).
Mai 1997 : saisine du Conseil d'Etat (projet de loi présenté en version codifiée).
Juin 1997 : dépôt du projet de loi au Parlement.
Quatrième objectif : améliorer les procédures de « pilotage » et de régulation du dispositif social et médico-social. Afin de mettre un terme aux incohérences et aux contentieux nés de la coexistence du régime d'autorisation prévu par la loi de 1975 avec un régime de simple déclaration préalable pour certaines structures, il est proposé d'instituer un régime uniforme d'autorisation des établissements sociaux et médico-sociaux en le rapprochant de celui du sanitaire. Il s'agirait ainsi de soumettre l'ensemble des établissements et services aux régimes et procédures prévus par la loi de 1975 en maintenant, toutefois, « une procédure dérogatoire bien encadrée pour les structures innovantes et/ou provisoires ». Et parallèlement, de réaffirmer les rôles respectifs du préfet et du président du conseil général en matière de surveillance et de contrôle, d'organiser la possibilité de former un recours hiérarchique auprès du ministre contre les décisions préfectorales de refus d'autorisation, de réviser la procédure de fermeture d'un établissement ou service non autorisé par le président du conseil général. Tandis que la DAS préconise même de prévoir que le silence de l'autorité compétente vaille refus d'autorisation et non plus acceptation du projet, et si nécessaire de s'inspirer du droit sanitaire prévoyant la motivation du rejet.
D'autres pistes sont également suggérées, comme l'introduction de la notion d'évaluation périodique : de la conformité de l'autorisation aux caractéristiques des populations accueillies dans l'établissement de la qualité, de l'organisation et du coût des prestations fournies. Il est aussi demandé d'inciter à la conclusion de contrats d'objectifs et de moyens tant avec les établissements qu'avec les collectivités intéressées. En outre, il est suggéré de valoriser la place et le rôle des institutions relevant des collectivités publiques (près de 20 % des institutions sociales et médico-sociales) par des dispositions plus souples en matière de restructuration, de regroupement et de coopération, ainsi que par des modalités d'autorisation et de fonctionnement harmonisées avec celles du secteur privé. C'est ainsi qu'il est préconisé de permettre aux établissements et services de se regrouper, mais aussi d'adhérer à des syndicats interhospitaliers. Ces derniers ayant, désormais, la possibilité, comme les structures de coopération intercommunale, de créer et de gérer des établissements sociaux et médico-sociaux. En outre, il est suggéré d'actualiser le rôle et la composition des conseils d'administration et commissions de surveillance, ainsi que les dispositions relatives aux incompatibilités et aux contrôles qui leur sont applicables. Et de prévoir la possibilité, pour le directeur, de déléguer ses compétences d'ordonnateur.
Enfin, il est proposé d'instaurer « un lien plus direct » d'une part entre les places « habilitées aide sociale » et leur tarification effective, et d'autre part entre l'autorisation d'ouverture et l'autorisation de financement correspondant. Il s'agit de mettre fin à une situation où, l'autorisation de création et de fonctionnement n'étant pas liée à la mise en jeu des financements provenant de l'assurance maladie ou de l'aide sociale, les collectivités publiques et les organismes de sécurité sociale sont conduits soit à céder devant le fait accompli, soit à engager des contentieux juridiques et politiques. Par ailleurs, la DAS estime nécessaire de réactualiser certaines dispositions relatives à la tarification des prestations délivrées par les établissements, indépendamment de la révision de fond des mécanismes de tarification. Aussi, est-il suggéré de prévoir que les dossiers présentés aux CROSS comprennent non seulement des éléments relatifs à la qualité du projet, mais également les avis des financeurs. Sachant que lorsque le promoteur ne fait pas appel à des financements publics (cas des maisons de retraite à but lucratif), le mécanisme actuel d'autorisation suffit. En outre, il est évoqué la possibilité d'envisager un renvoi ou une mesure de coordination avec les dispositions sur les prix ou la concurrence. Ou encore de prévoir que la tarification arrêtée par un président du conseil général ne soit opposable aux autres départements dont il accueille les ressortissants que dans l'hypothèse où une convention a été, au préalable, conclue à cet effet entre les collectivités concernées.
(1) Voir ASH n° 1970 du 12-04-96.