Si la pauvreté a peu augmenté depuis une dizaine d'années, touchant environ 10 % de la population, la population pauvre s'est, en revanche, considérablement transformée et rajeunie, indique l'Insee dans son étude 1996 sur les revenus et patrimoine des ménages (1).
En effet, depuis 1984, les personnes âgées et les agriculteurs sont moins touchés par la pauvreté, à l'inverse des ouvriers, des employés, des familles monoparentales et, surtout, des jeunes ménages. « Dans les années 70, les inégalités entre les différentes classes d'âge étaient principalement dues à la faiblesse du niveau de vie des ménages de plus de 80 ans. Dans les années 90, ce sont les moins de 30 ans qui disposent du niveau de vie le plus bas », constatent les chercheurs. Ainsi, entre 1984 et 1994, la proportion des personnes dont les revenus ne dépassent pas 39 800 F par an - soit 3 300 F par mois - a doublé chez les moins de 30 ans, passant de 9 à 18 %. Explications :l'arrivée plus tardive des jeunes sur le marché du travail et, surtout, la baisse des salaires. Les personnes de moins de 25 ans qui travaillent perçoivent, en moyenne, un salaire de 5 000 F contre 5 800 F en 1984. Cette faiblesse économique semble cependant assez souvent temporaire, les taux de sortie de pauvreté étant, chez les 20-29 ans, de plus de 40 % par an. Toutefois, préviennent les chercheurs, il se pourrait que « cette génération connaisse durablement un niveau de vie plus bas et conserve les traces d'une conjoncture défavorable à l'entrée sur le marché du travail ».
Par ailleurs, constate l'Insee, au cours des 15 dernières années, « la baisse des inégalités a cédé progressivement la place à une légère hausse des inégalités », sauf chez les retraités. Autrement dit, le niveau de vie stagne chez les ménages modestes (+ 0,5 % par an) alors qu'il progresse nettement au sein des ménages les plus aisés (+ 3 %). Un phénomène que les statisticiens jugent tout juste significatif mais qui est encore amplifié par le poids des revenus du patrimoine qui représentent actuellement, avant impôt, 13 % du revenu des ménages contre 10 % il y a 10 ans.
Toutefois, pour les ménages actifs, les revenus sociaux ont contribué à tempérer cette hausse des inégalités. Ainsi, suivant la dégradation de la situation de l'emploi, les revenus liés au chômage ont triplé sur les 15 dernières années. Avec un poids de plus en plus important des indemnités de licenciement et une tendance à la diminution de l'allocation chômage par bénéficiaire. Autres sources de revenu : les prestations familiales, qui sont restées stables en francs constants (19 000 F en moyenne par ménage bénéficiaire), et les aides au logement qui, elles, ont plus que doublé depuis 1979 (4 500 F en moyenne par ménage bénéficiaire). Quant au RMI, auquel s'ajoutent les aides sociales, il représentait seulement 0,2 % de la masse des revenus en 1993, soit 17 000 F en moyenne pour chaque ménage concerné.
(1) Revenus et patrimoine des ménages - Edition 1996 - Disponible auprès des délégations régionales de l'Insee - 91 F.