Saisi par le ministre de l'Intérieur du problème général des étrangers sans papiers, suite au mouvement entamé par certains d'entre eux depuis cinq mois (1), le Conseil d'Etat a rendu, le 22 août, un avis nuancé.
A la question de savoir si « des personnes dépourvues de titre de séjour disposent du droit de se voir régulariser leur séjour » face à certaines situations (parent d'enfant français né en France après le 1er janvier 1994, débouté à titre définitif du droit d'asile, conjoint ou enfant d'un étranger résidant en France, proche parent résidant en France, résidant sur le territoire français depuis plusieurs années), le Conseil d'Etat a rappelé tout d'abord que s'il « ne peut exister un droit à régularisation », l'administration a toujours le pouvoir, sauf quand un texte l'interdit, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, de prendre « à titre exceptionnel une mesure gracieuse favorable » à un intéressé justifiant de circonstances particulières.
Dans aucune des situations évoquées « les intéressés ne possèdent un droit au séjour », estime le Conseil d'Etat. L'administration décide donc en pure opportunité de rejeter ou d'accueillir une demande de régularisation. Cependant elle ne peut refuser le séjour et, par voie de conséquence, prononcer une mesure d'éloignement dans trois cas :
lorsque cette décision peut entraîner des conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle des intéressés, notamment lorsque leur état de santé est sérieusement en cause
lorsque les intéressés résident habituellement en France depuis plus de 15 ans ou régulièrement depuis plus de 10 ans, l'ordonnance du 2 novembre 1945 interdisant toute mesure autoritaire d'éloignement. Le même raisonnement que celui adopté dans la circulaire du 9 juillet 1996 pour les parents d'enfants français (2) peut donc leur être appliqué ;
lorsque le principe du droit à une vie familiale normale, énoncé à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme et dans le préambule de la Constitution de 1946, trouve à s'appliquer. Dans cette dernière hypothèse, l'examen individuel des situations s'impose au gouvernement au titre du contrôle de légalité, et non plus de la simple opportunité, le droit en cause devant s'apprécier « indépendamment des règles énoncées par l'ordonnance du 2 novembre 1945 » , précise le Conseil d'Etat.
Parallèlement à cet avis, le gouvernement a annoncé, le 25 août, que les lois sur les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France pourraient faire l'objet « d'aménagements » à la fin de l'automne ou au début de l'hiver, le Premier ministre ayant indiqué que cela permettra de « combler certaines lacunes législatives » mais que ces lois ne seront « ni modifiées ni abrogées dans leur principe ».
(1) Voir ASH n° 1985 du 23-08-96.
(2) Voir ASH n° 1984 du 19-07-96.