Coopération internationale, prévention et réinsertion des victimes. Tels sont les mots d'ordre du premier congrès mondial sur l'exploitation sexuelle des enfants qui s'est déroulé cette semaine, à Stockholm, en présence des délégués de 126 pays et des représentants d'une cinquantaine d'organisations internationales et non gouvernementales (1). Placée sous le signe tragique des crimes pédophiles découverts en Belgique, cette rencontre a débouché, notamment, sur une déclaration commune. Texte de référence mais sans valeur légale, celle-ci fixe trois orientations prioritaires : promouvoir une coopération renforcée entre les Etats et tous les secteurs de la société afin d'empêcher les enfants d'entrer dans le marché du sexe criminaliser, condamner et sanctionner les exploiteurs sexuels dans le pays même ou à l'étranger revoir, mettre en œuvre et promouvoir les lois, programmes et pratiques contre l'exploitation sexuelle des enfants. Par ailleurs, un plan d'action, qui servira de « document de travail » remis aux Nations unies et à tous les gouvernements, a également été adopté. Il définit plusieurs priorités, parmi lesquelles la mise en place de centres d'information, puis d'ici à l'an 2000 de banques de données sur les victimes et les exploiteurs, et une meilleure coopération entre les pays et les organismes spécialisés. Il insiste également sur la création de refuges pour les enfants rescapés, la nécessité d'une approche non répressive à leur encontre et la mise en place d'une aide sociale, médicale et psychologique aux victimes.
Présent à Stockholm, le secrétaire d'Etat à l'action humanitaire d'urgence, Xavier Emmanuelli, s'est prononcé, en particulier, en faveur d'un protocole additionnel à la convention de 1989 sur les droits de l'Enfant, afin de « lutter contre la vente d'enfants, la prostitution enfantine et la pornographie impliquant des enfants ». Et il a annoncé que la France soutiendrait une démarche commune des Etats de l'Union européenne lors du prochain conseil des ministres « justice et affaires intérieures » qui se tiendra, les 26 et 27 septembre, à Dublin.
De leur côté, les équipes d'action contre le proxénétisme (EACP) (2), créées en France en 1956, ont présenté, lors du congrès, cinq propositions en vue de lutter contre la prostitution enfantine et son « environnement ». Elles préconisent, en premier lieu, la création d'un observatoire européen chargé de mesurer l'ampleur et la nature du phénomène. Elles souhaitent, également, la mise en place d'une agence centrale de diffusion européenne des enfants et adolescents disparus, « présumés victimes d'enlèvement pour motifs d'exploitation sexuelle ». Autre proposition : l'élaboration d'une directive européenne instaurant une censure totale sur la production, la diffusion et la détention de tout type de document pornographique mettant en scène des mineurs de 16 ans. Cette interdiction serait assortie, dans chaque Etat concerné, de sanctions pénales et de mesures administratives. Enfin, les EACP réclament l'incrimination pour proxénétisme aggravé à l'encontre des professionnels du tourisme facilitant les rapports pédophiles et la création d'un casier judiciaire européen répertoriant les auteurs et complices de crimes et délits commis sur des mineurs de 16 ans et des actes de proxénétisme s'y rapportant. Egalement représentée à Stockholm, la Fondation pour l'enfance (3) a réclamé, pour sa part, la création d'un véritable ministère des Droits de l'Enfant et demandé que la législation existante en France « contre toute forme d'abus sexuel à l'encontre des enfants » soit appliquée.
Enfin, quelques jours avant l'ouverture du congrès, Anne-Marie Couderc avait annoncé la réunion, pour le 10 octobre, du Conseil supérieur de l'information sexuelle. Le ministre délégué chargé de l'emploi, qui préside cette instance réorganisée par décret le 12 juin dernier, souhaite ainsi réfléchir « sur les questions d'information et de prévention en matière de violences sexuelles » et sur « le problème des thérapies destinées aux agresseurs sexuels » afin de faire « des propositions au gouvernement ». Cette réunion du conseil supérieur sera précédée, le 24 septembre, de la 8e journée nationale de l'enfance maltraitée.
(1) Le congrès a été organisé par le réseau international ECPAT (End Child Prostitution Abduction and Trafficking) - voir ASH n° 1856 du 3-12-93 -, l'Unicef et le gouvernement suédois.
(2) EACP : 21, rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie - 75004 Paris - Tél. (1) 42.72.35.09.
(3) Fondation pour l'enfance : 17, rue Castagnary - 75015 Paris - Tél. (1) 53.68.16.50.