ASH : De quelle façon le SSAE est-il intervenu dans le conflit ? M.M. : Nous sommes d'abord intervenus en amont, plusieurs familles aujourd'hui membres du collectif ayant été en contact avec le service pour des problèmes de régularisation. Malheureusement, elles ne remplissaient aucun critère qui aurait permis, au moins, de déposer des demandes de dérogation. Par la suite, devant l'impasse dans laquelle le collectif des familles et les associations se sont trouvés, un collège d'une vingtaine de médiateurs s'est constitué, parmi lesquels quatre administrateurs du SSAE ne représentant cependant pas officiellement le service (2). En accord avec les familles, les médiateurs voulaient obtenir le principe de négociations avec les pouvoirs publics. Au cours de cette phase, il était convenu qu'en tant que service social nous n'avions pas à intervenir. Ce n'est qu'après, les médiateurs ayant accepté le principe d'un examen individuel des cas, que nous nous sommes mis à la disposition des familles qui le souhaitaient. Il s'agissait, pour nous, d'aider au rassemblement d'un certain nombre de pièces en vue des entretiens que ces gens ont eu, individuellement, à la préfecture de police de Paris. A cette occasion, nos équipes se sont mobilisées sur l'ensemble de l'Ile-de-France, en lien avec le secteur associatif. En fin de compte, il y a eu seulement 48 régularisations sur plus de 200 dossiers présentés. Depuis, le mouvement a pris une autre dimension, le collectif et les associations réclamant une décision globale pour tout le groupe. D'où la situation actuelle, dans laquelle nous ne sommes pas actifs puisque les négociations se situent désormais à un niveau politique. Cependant, si un nouveau médiateur était nommé et si certains dossiers devaient être réétudiés, le SSAE jouerait à nouveau son rôle d'appui technique auprès des familles et des associations. ASH : Quelle est la position du SSAE sur le fond de l'affaire ? M.M. : En tant que service social et membre d'un réseau de service social international, nous défendons le droit de vivre en famille pour les immigrés, en France ou dans d'autres pays. Sur le terrain, nous nous situons plutôt en interface entre les différents acteurs (familles, associations, médiateurs, partis politiques) et les administrations. Dans le débat entre la décision du gouvernement de s'en tenir à l'examen individuel des dossiers et la demande des familles d'obtenir une réponse globale, nous pourrions éventuellement soutenir cette dernière position. Mais, comme toujours, il faut se méfier de l'amalgame des situations. Il y a des cas de figure très différents et c'est pourquoi je suis, personnellement, assez sceptique sur la possibilité d'obtenir une décision globale. Ce conflit pose également une autre question. Parmi les membres du collectif, beaucoup de personnes sont exactement dans la même situation que des milliers d'autres qui fréquentent nos bureaux tous les jours et pour lesquels les dispositifs réglementaires ne permettent rien. Va-t-on soutenir davantage ceux qui se sont organisés en collectif que les autres ? C'est une question difficile pour les professionnels du SSAE et qui a d'ailleurs donné lieu à un débat interne parfois très vif. Pour le moment, nous ne nous sommes pas prononcés officiellement, chacun restant évidemment libre de soutenir individuellement le mouvement. Finalement, ce que nous souhaitons, c'est un débat et la redéfinition d'une ligne politique claire en matière d'entrée sur le territoire et, surtout, de politique d'intégration. Parce qu'il est extrêmement difficile de travailler aujourd'hui en tant que service social dans la mesure où nous n'avons que très peu de marge de négociations.
(1) SSAE : 72, rue Regnault - 75640 Paris cedex 13 - Tél. (1) 40.77.94.42.
(2) Stéphane Hessel, Paul Bouchet, Jacqueline Costa-Lascoux et Jean-Michel Belorgey.