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Quelle place pour les directeurs ?

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Entre gestion et innovation, quelle marge de manœuvre pour les directeurs d'établissements confrontés aux restrictions budgétaires et à la problématique de l'exclusion ?

Comment être acteur de la cohésion sociale, alors que les cadres conceptuels et législatifs des structures sociales correspondent à une autre problématique ? Comme l'expliquait, lors d'un colloque à Beaune (1), François Faucheux, directeur du CREAI de Bourgogne : « Les établissements sociaux et médico-sociaux accueillent ou prennent en charge environ 300000 personnes handicapées et autant de ceux qu'on appelle personnes en difficultés sociales. Mais en dehors de nos institutions, on voit croître le nombre d'individus qui, du fait du chômage, sont en voie d'exclusion. Or, le directeur doit-il continuer à s'inscrire dans la législation existante, c'est-à-dire la loi sur les institutions sociales et médico-sociales de 1975, avec ses catégories de populations déterminées- handicapés, inadaptés sociaux, etc. - et les institutions correspondantes, ou bien doit-il regarder la problématique sociale et inventer des solutions nouvelles ? »

Animateur ou gestionnaire

Pour le sociologue Michel Crozier, par ailleurs président du comité scientifique de l'ENSP, il est en effet impossible d'appréhender les problèmes des populations marginalisées sans comprendre la révolution des activités humaines à laquelle nous assistons. « Nous n'avons plus besoin aujourd'hui de gens qui soient de simples exécutants », explique-t-il, insistant sur la nécessité de l'innovation, seule capable de permettre le développement économique ou social. Conséquence pour le directeur, les qualités requises ne sont plus les mêmes qu'auparavant. « Il ne faut pas abuser du mot "réseau ", prévient le sociologue, mais la seule chance de succès c'est aujourd'hui d'être capable de faire travailler des gens ensemble, soumis à des hiérarchies différentes, et dans la gestion des contradictions. »

D'accord pour l'innovation, mais comment susciter et accompagner les changements nécessaires quand on travaille dans le court terme, voire dans le brouillard ? Restrictions budgétaires, multiplication des circulaires administratives, inadaptation des dispositifs, qui sont le lot commun des directeurs d'établissements, les obligent à développer plus que jamais leurs qualités de gestionnaires. Jusqu'à parfois en oublier leur fonction politique. «Notre métier de directeur face à "la fracture sociale ", analyse Pascal Dorival, président du Centre des jeunes dirigeants de l'économie sociale, c'est de passer d'une fonction instrumentale à une fonction politique. Les solutions ne viendront pas d'ailleurs, c'est à nous de prendre des décisions. Il s'agit certes de bien gérer, mais afin de dégager des marges de man uvre pour l'innovation. " Et d'inviter les directeurs à'bousculer" leurs conseils d'administration et les élus de leurs associations.

' Nous sommes dans un secteur qui ne cesse de demander des recadrages, remarque de son côté Karl Garber, responsable de la formation de directeurs à l'ENSP, et qui en même temps ne cesse de se plaindre des excès de cadrages administratifs. " Reste que si l'absence de lisibilité des politiques sociales, voire leur absence, est fortement déplorée, celle de l'inadéquation de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales est loin de faire l'unanimité. Quant au certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement (CAFDES), beaucoup souhaitent voir intégrer de nouvelles options, comme par exemple la direction de projet social (2).

' Les directeurs, regrette François Faucheux, ne sont en effet pas véritablement formés à diriger un établissement au sens de travailler de manière transversale. Par ailleurs, les aspects matériels sont tellement dominants qu'ils sont trop souvent de bons gestionnaires d'équipements, mais l'invention de réponses par rapport à des problématiques différentes n'est pas souvent possible. Aussi un discours comme celui de Michel Crozier, s'il est bien accueilli, n'a pas réellement d'ancrage dans les pratiques. C'est un paradoxe. "

Pour Karl Garber, les attentes d'une réforme de la formation délivrée par l'ENSP, comme celle portant sur la loi de 1975, sont plutôt la rançon du succès : devenu incontournable, le CAFDES ne peut, selon lui, prétendre répondre à toutes les situations.' Directeur de projet, d'accord, mais cela commence où et finit où ?, s'interroge-t-il. Il faut remettre en question cette idée d'un secteur bien protégé où la crise n'entrerait pas, et celle d'une fragilité qui serait l'apanage des nouvelles pratiques en direction des exclus. N'oublions pas qu'on peut tout à fait innover en établissement, même public ! "

Ceux à qui l'on reproche parfois de n'être que des'managers ", soucieux exclusivement d'une bonne gestion, ne doivent-ils pas plutôt être des pilotes d'automobiles, comme il le suggère en plaisantant ? Car pour eux, ' il s'agit d'arriver vivants sans trop regarder le compteur, et d'inventer des itinéraires alternatifs pour éviter le choc frontal ".

Philippe Jouary

Notes

(1)  ' Le métier de directeur : agir pour la cohésion sociale ", colloque organisé du 19 au 2i juin par l'Association des directeurs certifiés de l'école nationale de la santé publique (ADCIENSP) - François Chaumet, président : Collectif Saint-Simon - 31081 Toulouse cedex - Tél. 61.19.24.40.

(2)  Quatre options sont actuellement proposées : enfance inadaptée ou handicapée, adultes handicapés, personnes en difficultés sociales et personnes âgées - Voir également ASH n°1966 du 15-03-96.

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