Recevoir la newsletter

DDASS-DRASS : le rapport Gauthier

Article réservé aux abonnés

Une « organisation structurée autour d'un échelon régional renforcé permettant simultanément le maintien d'une présence forte au niveau départemental et la suppression des doublons existants entre les deux niveaux » . Tel est l'objectif à atteindre, après les ordonnances du 24 avril, dans la perspective d'une réorganisation des DDASS et des DRASS « qui s'impose » , estime Pierre Gauthier, directeur de l'action sociale, dans le rapport qu'il a présenté le 27 juin à Jacques Barrot (1). Reste à savoir quelle suite - s'il y en a une - sera donnée aux propositions de ce document et quel scénario sera -peut-être - expérimenté. Un dossier qui, de toute façon, ne peut être déconnecté du chantier en cours sur la réforme de l'Etat.

« Les DDASS et les DRASS traversent la crise la plus grave qu'elles aient jamais connue », constate Pierre Gauthier dès les premières lignes de ce rapport commandé, en avril dernier, par le ministre des Affaires sociales (2), afin de tenter de calmer la grogne des personnels des services déconcentrés dont beaucoup étaient alors en grève. Il est vrai que ceux-ci « ne sont pas assurés de trouver leur place » avec les projets de réforme de l'Etat actuellement en cours (voir ce numéro p. 7) et, surtout, la création des agences régionales de l'hospitalisation (3), reconnaît le directeur de l'action sociale. D'autant que - la manifestation du 18 avril dernier l'a amplement démontré (4)  -l'ordonnance sur la réforme de l'hospitalisation est perçue, dans la plupart des services, comme une nouvelle perte d'attributions. Une mutilation de plus après la partition des services, imposée en 1984-1985 par la décentralisation.

La crainte du transfert

Principale préoccupation des personnels : la crainte d'un transfert vers les agences. Un point sur lequel le directeur de l'action sociale se veut rassurant. Pour lui, les agences devant être « des administrations légères de mission », le système de mise à disposition collective prévu dans l'ordonnance devrait en effet prendre le pas sur les mises à disposition individuelles et les détachements (5), favorisant ainsi le maintien en l'état des services. A condition, précise-t-il, que ceux-ci « jouent le jeu de l'agence » et fournissent des prestations de qualité. Ce dont « il n'est pas permis de douter, même si beaucoup tiendra à la qualité des relations que les directeurs d'agence sauront créer ». Autre source d'inquiétude, les processus de décision. Là aussi, Pierre Gauthier table sur des « relations confiantes » entre services et agences afin de résoudre les « problèmes techniques » qui ne sauraient manquer de survenir en matière de partage des compétences. Néanmoins, précise-t-il, « si cela apparaissait nécessaire, les règles du jeu devraient être clarifiées, y compris au plan législatif ».

Reste qu'au-delà des conséquences directes de la création des agences sur le fonctionnement des DDASS et des DRASS, une réorganisation des services déconcentrés « s'impose », affirme Pierre Gauthier, qui voit dans la création des agences l'occasion de mettre en œuvre des « réformes trop longtemps différées ». Toutefois, prévient-il, cette mutation « n'aura de sens que si elle est précédée de la confirmation et de la redéfinition des missions de ces services et que si elle s'intègre dans la réforme en gestation de l'ensemble des services déconcentrés de l'Etat ». Ainsi, pas question de morceler une nouvelle fois les compétences des DDASS et des DRASS. « Une nouvelle partition des services déconcentrés peut difficilement être envisagée, tant au niveau départemental que régional. Il est au contraire indispensable de réaffirmer la présence de l'Etat aux niveaux déconcentrés. » Avant d'insister : « Ce besoin de confirmation d'une légitimité, que les personnels de ce ministère ont vu contesté par la création des agences régionales de l'hospitalisation, peut paraître paradoxal dans la situation économique et sociale actuelle. Il n'en est pas moins une réalité que les responsables politiques doivent prendre en compte. »

Quelle réorganisation ?

Première phase : redéfinir les missions des directions régionales et départementales. Un chantier resté inachevé en dépit des décrets de 1986, puis de 1994 (6). Dans ce domaine, Pierre Gauthier juge « absolument nécessaire de produire de nouveaux textes : dans un premier temps et très rapidement une ou des circulaires d'orientation, puis un nouveau décret fixant missions et organisation ». Et ceci « simultanément à la mise en place des agences régionales ». Un projet que n'a pas rejeté Jacques Barrot, évoquant même la possibilité d'une circulaire sur les missions des DDASS/DRASS. A la DAS, on affirme s'être déjà mis au travail. Sur quelles bases ? A partir notamment des diverses contributions fournies par l'administration en vue d'alimenter le rapport Gauthier (7). Ainsi, possédant une double compétence « santé » et « action sociale », les services déconcentrés ont vocation à être le « pivot d'un pôle social interministériel sous l'autorité du préfet », est-il affirmé dans un document de la DAS sur les fonctions des DDASS et DRASS en matière d'action sociale et médico-sociale.

Pierre Gauthier ne dit d'ailleurs rien d'autre quand, inquiet du risque d'éclatement des services « au nom d'une conception étroitement techniciste et par trop sanitaire de la santé publique », il insiste sur la nécessité de renforcer l'articulation entre « social » et « sanitaire » et de « refonder la légitimité des services en leur donnant toute capacité à intervenir, à la fois, dans le champ de la santé, dans celui du social et dans celui, intermédiaire, du médico-social ». Quant aux fonctions des services déconcentrés, elles pourraient s'organiser autour de trois pôles : la préparation de la décision, l'action et son évaluation, le contrôle et la sanction. La gestion directe devant, en revanche, être « abandonnée progressivement ou réduite au minimum » (sauf en matière de reconnaissance de droits : CDES, Cotorep, contentieux, collation de diplômes). « Dans nos secteurs de compétence, l'Etat n'a pas à être opérateur », affirme l'auteur du rapport. Parallèlement, la diversité « des savoirs professionnels » devrait être renforcée au sein des services « en accroissant le nombre des professionnels, leur qualification et leur aptitude à travailler en pluridisciplinarité ».

Deux scénarios

Seconde étape : réorganiser les services. Une démarche qui, de l'aveu même du directeur de l'action sociale, « ne manque pas de susciter un certain scepticisme dans la mesure où ce problème est posé depuis plus de dix ans et a donné lieu à toutes les études, réflexions et discussions concevables ». Dans ce domaine, et afin d'atteindre à « la meilleure efficacité de l'action de l'Etat », il propose de développer « la mutualisation au niveau régional des moyens et compétences », de créer de « réelles passerelles pour les agents entre les services centraux et déconcentrés », et de déployer « une meilleure présence sur le territoire ». Avec une priorité :préserver « l'unité de mise en œuvre de la politique du ministère ».

Concrètement, parmi les différentes formules de réorganisation possibles, Pierre Gauthier se prononce très clairement en faveur d'une « fusion des directions départementales d'une région et de la direction régionale en une direction unique, sous une nouvelle appellation qui rompe clairement avec la vieille étiquette DDASS ». Dans ce cas de figure, une direction déléguée serait maintenue dans chaque département et dotée d'une « très large délégation » du directeur régional. Une formule qui devrait permettre « une meilleure mutualisation » des moyens et des équipes de techniciens, tout en maintenant les agents dans leur résidence administrative et en assurant « l'indispensable couverture du territoire ». Une option qui satisfait plutôt le Syndicat des inspecteurs des affaires sanitaires et sociales (SNIASS). Lequel juge nécessaire de développer un échelon régional, compétent en matière sanitaire et sociale et capable de faire face aux agences de l'hospitalisation.

D'autres, à l'inverse, se montrent très critiques vis-à-vis de cette proposition. « Il s'agit en réalité de supprimer les DDASS », proteste-t-on au syndicat CGT du ministère des Affaires sociales, où l'on redoute qu'à terme les agences « aspirent » les services déconcentrés. De son côté, Pierre Gauthier prévoit « certaines réactions hostiles » au sein des directions départementales et des « réserves fortes au niveau interministériel ». A tel point qu'il envisage une solution alternative :régionaliser les compétences sanitaires tout en développant, à l'échelon départemental, « un pôle social fort ». Ce scénario présenterait, certes, un risque de clivage entre l'action sociale et la santé publique. Mais il permettrait, en contrepartie, de maintenir une présence forte de l'Etat « au niveau où se joue le social », à savoir le département. A condition toutefois de renforcer les DDASS, notamment par le regroupement avec certaines « petites entités administratives orphelines » (délégation du FAS, SSAE...), et d'élargir leurs compétences, par exemple en leur transférant la responsabilité des clubs et équipes de prévention.

L'impact des autres ordonnances

Outre l'ordonnance sur la réforme de l'hospitalisation, Pierre Gauthier analyse, dans son rapport, l'impact des deux autres ordonnances du 24 avril 1996 sur le fonctionnement des services déconcentrés. Ainsi, explique-t-il, celle relative à l'organisation de la sécurité sociale introduit plusieurs « modifications essentielles », notamment en ce qui concerne le suivi et la gestion de la carrière des agents de direction des organismes de protection sociale, la composition des conseils d'administration des organismes locaux du régime général et la mise en place, au niveau local, des conventions passées entre les organismes nationaux et l'Etat. Quant à l'ordonnance relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins, « elle ouvre des perspectives importantes pour les services déconcentrés », en particulier avec la création des conférences régionales de santé dont le rôle « devrait être essentiel » en termes de santé publique.

Expérimenter ?

Quoi qu'il en soit, souligne le directeur de l'action sociale, ces deux scénarios devraient être expérimentés sur le terrain, dans un petit nombre de départements, avant toute décision définitive. Des essais en grandeur réelle qui pourraient se dérouler dans le cadre des expérimentations sur la réforme de l'Etat prévues pour 1997, avance-t-on à la DAS. Une démarche qui ne satisfait pourtant pas tout le monde. En effet, après l'échec des DRISS, certains, au sein des services déconcentrés, rechignent à s'investir dans des expériences qui n'aboutiront peut-être jamais. « Ça suffit comme ça. Que l'on fasse un choix et que l'on s'y tienne », s'agace ainsi un membre du SNIASS. « Il vaut mieux une expérimentation que rien du tout. Cela permet au moins de toucher du doigt les difficultés et de tenter de faire modifier les textes  », objecte un responsable CGT.

Ce rapport arrive au bon moment, avant que ne soient retenues les expérimentations qui devraient être engagées dans le cadre de la réforme de l'Etat, indique-t-on au cabinet de Jacques Barrot. Où l'on explique que si les deux hypothèses présentées par Pierre Gauthier paraissent intéressantes, la seconde semble « plus en phase » avec les orientations de cette réforme. De toute façon, précise-t-on, le ministre a l'été devant lui pour ajuster ces propositions, en interne et en externe. Une rencontre avec le Commissariat à la réforme de l'Etat est d'ailleurs prévue prochainement.

Jérôme Vachon

Notes

(1)  Voir ASH n° 1981 du 28-06-96.

(2)  Le groupe de travail réuni par Pierre Gauthier comprenait Benoît Péricard, DRASS de Bourgogne et président de la conférence des DRASS, Dominique Peton-Klein, DRASS d'Alsace et président de l'ADIRASS, ainsi que les DRASS d'Auvergne et de Franche-Comté et les DDASS de la Somme, du Rhône, de l'Essonne, du Vaucluse et du Val-de-Marne. Voir ASH n° 1970 du 12-04-96.

(3)  Voir ASH n° 1972 du 26-04-96.

(4)  Voir ASH n° 1972 du 26-04-96.

(5)  Concernant les mises à disposition individuelles, Pierre Gauthier souhaite « avec force » qu'elles soient organisées entre le service d'origine et l'agence afin d'éviter des « stratégies de débauchage ou de promotion individuelle » et qu'elles ne rendent « ingérables » les services ainsi amputés d'une partie de leurs agents.

(6)  Voir ASH n° 1905 du 15-12-94.

(7)  La DAS, la DGS et la direction de l'administration générale du ministère des Affaires sociales ont apporté une contribution écrite aux travaux du groupe Gauthier.

L'ÉVÉNEMENT

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur