Rendu public le 3 juillet, à l'occasion de la présentation par Hervé Gaymard du bilan du programme de mobilisation nationale contre le sida (voir ce numéro), le troisième rapport du Professeur Jean Dormont dresse un point précis et réactualisé de la prise en charge des personnes atteintes par le VIH. Mettant ainsi en évidence les principaux problèmes rencontrés par ces dernières. C'est ainsi qu'il balaie un vaste tour d'horizon, assorti de recommandations qui visent tout autant la prise en charge nutritionnelle que l'accès aux soins, l'amélioration du rôle des CISIH, les vaccinations, les risques professionnels, les essais thérapeutiques ou les traitements. Il rappelle notamment la nécessité de la prise en charge précoce et de la continuité des soins. Le professeur Jean Dormont insiste également sur la nécessité de renforcer la prise en charge des personnes atteintes en situation de grande précarité sociale. Leurs difficultés représentant « une part importante de la charge de travail des services sociaux ». Or, si des solutions temporaires et provisoires peuvent être parfois trouvées, elles sont « toujours très coûteuses ». Si la maladie peut induire une précarisation, dans d'autres cas la précarité précède la maladie à laquelle elle rend plus vulnérable, rappelle-t-il. Evoquant notamment le cas des personnes migrantes, prostituées, SDF... « La prévention et la détection des problèmes sociaux est essentielle », estime-t-il ainsi, soulignant la nécessité de développer la prévention de proximité sur les lieux de vie des personnes en améliorant l'utilisation des dispositifs existants, en simplifiant et accélérant les démarches administratives.. Mais également de diversifier des offres ciblées de soins avec des horaires aménagés, d'améliorer l'accès au logement et de renforcer l'action des CHRS. Le rapport évoquant les problèmes spécifiques posés par les personnes atteintes de nationalité étrangère, insitant sur l'égalité d'accès au soins pour tous.
Egalement prioritaire, l'accompagnement des toxicomanes. S'il rappelle les modifications importantes intervenues, le groupe d'experts juge nécessaire d'améliorer la prise en charge hospitalière et de renforcer le dispositif spécialisé ainsi que son articulation avec la médecine de ville : accentuer les créations de places en hébergement thérapeutique, augmenter le nombre de places « méthadone », poursuivre le développement des réseaux ville-hôpital toxicomanie. Il convient également d'accentuer la politique de prévention et de réduction des risques, de rééxaminer les dispositions légales et réglementaires concernant la toxicomanie. Il est proposé ainsi de réaménager le mode de financement par l'Etat des institutions et des prises en charge spécialisées et de revoir la loi du 31 décembre 1970 devenue inadaptée.
Par ailleurs des améliorations doivent être faites vis à vis des détenus contaminés. Il faut « offrir une prise en charge médico-sociale de la meilleure qualité possible pendant et après l'incarcération », souligne le groupe de travail. Evoquant notamment la visite médicale systématique à l'entrée, la nécessité des mêmes modalités de suivi qu'en milieu libre, de gérer les principes de confidentialité médicale et de sécurité ou encore d'apporter une réponse globale aux besoins sanitaires des toxicomanes incarcérés en étroite collaboration avec les centres spécialisés. Proposant également de mettre à disposition des préservatifs et de « reconsidérer éventuellement l'accès aux seringues ». « L'emprisonnement ne pouvant être considéré comme un mode de traitement de la toxicomanie. » Un effort important doit également être fait sur la préparation à la sortie en mettant en œuvre « un projet médico-social » de sortie.
Un autre intérêt du rapport concerne l'accent mis sur « la prise en charge globale ,cohérente et continue sur le plan somatique et psychologique ». Celui-ci distinguant d'ailleurs le besoin d'aide psychologique et le besoin de soins psychiatriques, que le trouble mental soit antérieur ou consécutif à l'infection. Face à l'isolement des malades et de l'entourage, si les psychologues des services médicaux de l'hôpital général assurent au mieux les demandes qui leur sont adressées, les prestations offertes restent largement insuffisantes et les intervenants trop isolés, est-il indiqué. En outre à la sortie de l'hôpital, l'accueil des patients se heurte encore souvent à des résistances dans les centres médico-psychologiques. Aussi les experts proposent-t-ils de reconnaître officiellement la consultation de psychologie et d'établir une nomenclature permettant son remboursement à l'hôpital et en ville. Et ils suggèrent la mise en place d'une consultation de psychologie dans le cadre d'une « équipe mobile » à compétence psychologie-psychiatrie pour tous les hôpitaux généraux en exprimant le besoin. Quant aux soins psychiatriques, le rapport souligne « l'étendue des besoins non couverts » quel que soit le stade de l'infection et le lieu de sa prise en charge. Or à « l'hôpital général, le besoin d'aide est crucial pour un grand nombre de malades, notamment à l'occasion des périodes dépressives, des démences, des situations de crise ».
Aussi les rapporteurs proposent-ils la formation de petites unités mobiles intersectorielles mises à disposition des services ou établissements. Et quand le transfert dans un établissement psychiatrique est nécessaire, de maintenir une liaison étroite avec le service de médecine d'origine. Sachant que les secteurs de psychiatrie publique doivent aussi s'impliquer plus avant.
Membre du groupe Dormont, AIDES (1) se félicite que ce rapport reprenne des « mesures novatrices » et « capitales » qu'elle propose aux pouvoirs publics « depuis de nombreuses années », notamment en ce qui concerne l'accès aux soins, le suivi des détenus, et le renforcement des dispositifs spécialisés. Elle s'inquiète cependant de la mise en œuvre concrète de ces recommandations, estimant que « seule une réelle volonté politique » permettra de les appliquer et de « vaincre les résistances ». Même préoccupation à Act Up-Paris (2) où l'on demande au gouvernement d'appliquer « sans délai » les propositions du rapport Dormont, notamment celles concernant la prise en charge des toxicomanes, des détenus ou encore des personnes étrangères.
(1) 53.26.26.26.
(3) Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse, Rhône-Alpes, Pays-de-la-Loire, Lorraine, Ile-de-France.
(2) Act Up : 45, rue Sedaine - 75011 Paris - Tél. (1) 49.29.44.75. (Rapport non disponible actuellement)