« Quelques mois après l'appel lancé par les chercheurs dans les ASH, suite au grand mouvement de grève de décembre 1995 et au silence qui s'en est suivi, il est urgent pour nous, assistantes sociales scolaires, de contribuer au débat sur les inégalités, l'exclusion, l'avenir des services publics et celui de l'école.
« Dans le débat médiatique actuel sur la violence et l'échec scolaire, trop assourdissant pour être honnête et vrai, les assistantes sociales de l'Education nationale, pourtant au cœur du débat, restent trop silencieuses. La peur du militantisme, l'habitude de ne pas déroger aux règles du secret, une pudeur et peut-être une certaine lassitude, font que trop souvent nous nous taisons. Or, qui sont les plus à même d'exprimer la détresse des gens qui n'ont plus rien et l'angoisse de ceux qui ont encore quelque chose, si ce n'est nous, les travailleurs sociaux !
« Mais, pour porter la parole des plus fragiles, des plus démunis, faut-il encore que notre profession entende cette parole, l'analyse et se positionne, car, il ne suffit pas d'être au front de la misère et de la violence pour la dénoncer.
« Les élèves et leur famille attendent des services sociaux scolaires à la fois de l'écoute, de la reconnaissance, mais aussi surtout des solutions aux problèmes qu'ils rencontrent : souffrance d'être exclus ou bien peur de l'être.
« Les travailleurs sociaux peuvent-ils répondre à ces attentes ?
« L'action sociale est étouffée par l'amoncellement de dispositifs soi-disant d'insertion. Ils s'empilent les uns sur les autres sans aucune cohérence et projet à long terme et au mépris des personnes :politiques de la ville, RMI, comités d'environnements sociaux, fonds sociaux collégiens et lycéens. L'usager du service social n'est pas seulement un Rmiste, ou un élève en échec, mais avant tout un être humain et un citoyen.
« C'est en cassant l'isolement et l'enfermement statutaire dans lesquels la crise retranche les populations, cette “mort sociale”, que l'on pourra aider les plus démunis et les autres.
« L'inadéquation de nos réponses aux problèmes des populations ne doit justifier ni notre silence, ni notre inaction. Il est temps de remettre en question nos pratiques d'accueil, d'écoute et d'aide.
« Il faut inventer ou réinventer des pratiques au service de la population, œuvrer à une vraie reconquête des droits pour tous et aider à l'exercice de plein droit de la citoyenneté de chacun.
« Ne faut-il pas, nous, travailleurs sociaux, orienter les personnes vers des réseaux de solidarités, de luttes, d'amitiés et d'échanges et travailler ensemble (associations caritatives, de quartier, de parents d'élèves, comités de lutte pour le logement, pour les chômeurs, syndicats...) ?
« Inventer ou réinventer une pratique professionnelle collective au carrefour du professionnalisme, du militantisme et de l'humanisme est sans aucun doute l'autre réponse. »
(1) Voir ASH n° 1952 du 8-12-95 du 22-12-95.
(2) Voir ASH n° 1969 du 5-04-96.
(3) Assistantes sociales scolaires syndiquées au SGPEN-CGT et assistantes sociales scolaires non syndiquées - Union nationale des syndicats généraux des personnels de l'Education nationale : 55, rue Pixérécourt - 75980 Paris cedex 20 - Tél. (1) 46.36.76.93.