ASH : Comment réagissez-vous aux nouveaux arrêtés anti-mendicité qui viennent d'être pris ? H.L. : La Ligue des droits de l'Homme réagit à ces nouveaux arrêtés comme elle l'avait déjà fait l'an dernier. C'est-à-dire que nous considérons que, dans la situation actuelle, sous prétexte de préserver je ne sais quelle dignité humaine, on porte en réalité atteinte, de façon très grave, à la liberté de certaines personnes. Et il n'est pas vrai que ces arrêtés répondent à des troubles de l'ordre public. Si c'était le cas, il serait tout à fait possible d'intervenir. Le problème, c'est que les pauvres ne font pas bien dans le tableau. Or, non seulement ces arrêtés sont contraires à la loi, mais, de toute façon, cela ne sert à rien de vouloir effacer les pauvres. Ils existent. Même si le fait de les voir est apparemment gênant pour les riches. En outre, comme l'année dernière, nous observons que ce sont les pauvres qui viennent de l'extérieur que l'on ne supporte pas. Dans la situation actuelle, il faut bien rappeler que la mendicité et le vagabondage, qui ont été des délits pendant tout le XIXe siècle, ne sont plus des infractions. On est bien obligé de constater qu'il s'agit des conséquences d'une situation sociale déplorable. Dans ces conditions, il faut agir sur les causes et non masquer ce que l'on voit. Est-ce en cachant les pauvres que l'on raccommodera la déchirure sociale ? Je crois qu'une société qui refuse de regarder ce qu'elle est, s'interdit de résoudre les problèmes. ASH : Des solutions sont-elles envisageables ? H.L. : La meilleure solution serait, évidemment, de trouver une issue à la crise sociale. On répondra que c'est malheureusement impossible. Je constate pourtant qu'un président de la République s'est fait élire en affirmant qu'il allait résoudre cette crise. On peut dire aujourd'hui que c'était une promesse téméraire. La deuxième solution, plus accessible, consiste à ouvrir des lieux d'accueil et à mettre en place des systèmes d'assistance. Il y a une action d'insertion et d'aide sociale qui est absolument nécessaire et que les municipalités doivent mener. Et pas uniquement pour les gens qui vivent sur place. Certains élus prétendent en effet que s'ils traitent bien les gens qui sont dans la rue, ils vont rester là, alors que s'ils les traitent mal, ils vont aller ailleurs. Mais si tout le monde agit de la même façon, où ces personnes vont-elles aller ? ASH : Que va faire la Ligue ? H.L. : Concrètement, les sections de la Ligue sont mobilisées là où des arrêtés anti-mendicité ont été pris. Nous avons déjà envisagé un recours juridique à Nice. Et, comme l'an dernier, nous allons demander directement aux préfets d'attaquer ces arrêtés que nous considérons comme contraires à la loi. Un certain nombre d'arrêtés pris en 1995 ont d'ailleurs été annulés par les tribunaux administratifs. Nous avons bien tenté, également, d'entrer en contact avec les municipalités concernées mais cette initiative s'est révélée très décevante. Elles se sont braquées derrière leurs certitudes et n'ont pas supporté d'avoir une simple discussion sur ce sujet. Mais, bien entendu, je souhaite que, partout où c'est possible, les sections de la Ligue entament le dialogue avec les élus locaux.
(1) LDH : 27, rue Jean-Dolent - 75014 Paris - Tél. (1) 44.08.87.29.
(2) Voir ASH n° 1980 du 21-06-96.