Fort de quelques bons indices économiques qu'il juge « encourageants » - croissance au premier trimestre, recul du chômage en avril pour le deuxième mois consécutif (voir ce numéro), stabilisation des dépenses d'assurance maladie -, Alain Juppé a donné, le 3 juin, « le coup d'envoi de la réforme des impôts », selon ses propres termes.
Se gardant bien d'avancer le moindre chiffre, notamment sur le montant des baisses d'impôts qui pourraient être consenties dès l'an prochain, le Premier ministre a énoncé quatre orientations prioritaires et précisé le calendrier de la réforme fiscale. La concertation avec le Parlement et les partenaires sociaux va s'engager courant juin, sur la base du rapport du groupe de travail sur la réforme des prélèvements obligatoires, présidé par Dominique de la Martinière, commandé au mois d'avril (1) et remis le 3 juin. Le gouvernement présentera ensuite « autour du 15 septembre », en même temps que le projet de budget pour 1997, un programme quinquennal « d'évolution des dépenses publiques et de baisse des impôts ».
Le chef du gouvernement a en premier lieu annoncé une baisse, pendant cinq ans, de toutes les tranches du barème de l'impôt sur le revenu, actuellement au nombre de sept. Alain Juppé a indiqué que le gouvernement « s'intéresserait particulièrement au cas des personnes qui deviennent imposables lorsqu'elles retrouvent un travail et aux familles modestes ». Il a précisé que le barème des cinq prochaines années serait soumis au vote du Parlement à l'automne dans une loi quinquennale. Dans son rapport, Dominique de la Martinière préconise d'abaisser progressivement à 40 % le taux le plus élevé de l'impôt sur le revenu (56,8 % actuellement). Cette mesure, dont il estime le coût à 50 milliards de francs, pourrait être financée par la suppression de nombreux abattements, et notamment celui de 20 % dont bénéficient les salariés. Quant aux réductions ou exonérations d'impôt, Alain Juppé a indiqué que « certaines seraient revues ». A terme, seules quatre réductions d'impôts pourraient subsister, toujours selon les recommandations du groupe de travail : les dons aux œuvres ou à certains organismes, les frais de garde à domicile des jeunes enfants, l'emploi d'un salarié à domicile, dont le plafonnement pourrait être ramené progressivement à 40 000 F (contre 90 000 F aujourd'hui), et les frais d'hébergement en établissement de long séjour ou en section de cure médicale des personnes âgées.
Le Premier ministre a ensuite confirmé le transfert progressif de la cotisation salariale maladie vers une cotisation maladie universelle (CMU). Ce transfert débuterait dès 1997 et s'étalerait sur cinq ans. Cette nouvelle contribution sera « à base plus large, et donc à taux plus faible » que l'actuelle cotisation maladie de 6,8 % (le rapport se prononce en faveur d'un taux limité à 4,5 %), a indiqué le Premier ministre. Et sera déductible de l'impôt sur le revenu. Si Alain Juppé n'a rien dévoilé de l'assiette de la CMU, qui sera arrêtée en septembre, il a toutefois indiqué « qu'on ne pouvait pas multiplier à l'infini les assiettes ». Celle-ci devrait donc être proche de celle de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) qui frappe tous les revenus à l'exception notamment des minima sociaux et des revenus du livret A (2). Cette contribution, qui pourrait être amenée à financer le régime universel d'assurance maladie annoncé par Alain Juppé le 15 novembre et dont le projet de loi était annoncé avant l'été (3), serait appelée, à terme, à faire participer « tous les résidents qui le peuvent » à la couverture des charges de solidarité. Le transfert de cotisations maladie vers la CMU se fera « globalement à prélèvements constants », même si « certains revenus, notamment du capital, seront plus touchés », a poursuivi le Premier ministre. Mais « les prélèvements sur les retraités et les fonctionnaires ne seront pas alourdis », a-t-il assuré, « grâce à la baisse de l'impôt sur le revenu ». Un avis loin d'être partagé par certains experts.
Autre voie, la réforme de la taxe professionnelle avec comme objectifs de « taxer moins lourdement les nouveaux investissements » et de limiter « les différences excessives de taux entre communes dans une même agglomération ».
Enfin, « sous réserve d'une croissance économique suffisante », Alain Juppé entend supprimer les prélèvements exceptionnels instaurés en 1995 et notamment la hausse de la TVA qui avait été portée à 20,6 % au 1er août.
Pour mener à bien sa réforme, le Premier ministre a également annoncé son intention « de mettre en œuvre les propositions qui ont été faites » récemment par les députés Charles de Courson et Gérard Léonard pour « mieux lutter contre la fraude » (4), sans toutefois apporter plus de précisions.
(1) Voir ASH n° 1970 du 12-04-96.
(2) Voir ASH n° 1961 du 9-02-96.
(3) Voir ASH n° 1963 du 23-02-96.
(4) Voir ASH n° 1975 du 17-05-96.