Si les salariés du secteur privé sont régis principalement par le code du travail, de nombreuses dispositions, parmi les plus pratiques (salaires minimaux, durée des périodes d'essai et de préavis...), résultent des conventions ou accords collectifs négociés entre employeurs et syndicats de salariés.
Ces textes sont généralement applicables dès leur signature, ou à la date précisée dans l'accord, dans les entreprises dont les employeurs sont adhérents à l'un des syndicats signataires. Ils peuvent être rendus obligatoires à tous les employeurs de la branche professionnelle concernée, même s'ils ne sont adhérents d'aucun syndicat signataire, par le biais d'un arrêté, dit d'extension, du ministre chargé du travail.
Dans le secteur médico-social, l'entrée en vigueur des accords collectifs est subordonnée au respect d'une procédure préalable d'agrément par le ministre chargé des affaires sociales. Le secteur dépendant en effet de financements publics (Etat, conseil général...) ou parapublics (caisses de sécurité sociale, d'allocations familiales...), il est apparu nécessaire aux autorités publiques qu'elles puissent agréer ou non, avant leur application, les accords signés entre les partenaires sociaux, ceux-ci occasionnant le plus souvent des dépenses supplémentaires.
Les conventions ou accords collectifs du secteur médico-social obéissent ensuite aux règles de droit commun quant à la forme et au contenu des textes négociés, à la détermination de la convention collective applicable et aux dispositions permettant aux salariés de prendre connaissance de ces textes.
A noter : on appelle « convention collective » un texte qui englobe tous les aspects de la présence de salariés dans l'entreprise, et « accord collectif » un texte qui ne règle qu'un aspect du régime des salariés (par exemple, les congés payés).
Tout accord professionnel collectif dans le secteur social et médico-social ou dans les organismes de sécurité sociale est subordonné, avant son entrée en vigueur, à un arrêté d'agrément du ministre chargé des affaires sociales ou de la sécurité sociale suivant le cas.
La procédure d'agrément s'applique aux accords concernant les établissements ou services à caractère social ou sanitaire, à but non lucratif, dont les dépenses de fonctionnement sont supportée s, en tout ou en partie, directement ou indirectement, soit par des personnes morales de droit public, soit par des organismes de sécurité sociale, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires (article 16 de la loi nº 75-535 du 30 juin 1975). Pour une liste des conventions concernées, voir le tableau.
Procédure d'agrément Tout accord ou convention conclu dans ces établissements, quel qu'en soit le niveau (national, départemental, entreprise), doit être déposé, immédiatement après sa signature, pour agrément auprès du ministre chargé des affaires sociales.
Il est alors soumis, pour avis, à une commission composée de représentants des différents ministères (Santé, Sécurité sociale, Travail, Agriculture, Economie et Finances, Justice, Intérieur) et d'élus locaux (représentants des conseils généraux et des maires).
Critères d'agrément
Le ministre est libre d'agréer ou non l'accord, pour des motifs qui lui sont propres (financiers, juridiques...). Sa compétence n'est donc pas limitée aux seules clauses qui ont une incidence financière. En revanche, il ne peut agréer certaines clauses et en refuser d'autres la décision d'agrément ne peut être partielle. De plus, le refus d'agrément doit être motivé.
Le principal critère d'appréciation est la conformité des accords avec le droit du travail, toutes les dispositions législatives ou réglementaires et les impératifs économiques.
En ce qui concerne les accords salariaux, trois critères sont pris en compte :
la comparaison avec le secteur public de référence. La parité en masse s'apprécie en prenant en compte, pour les mesures générales, les effets de l'augmentation des valeurs du point pour l'année considérée et le report des augmentations intervenues au cours de l'année précédente. Pour les mesures catégorielles, la comparaison est faite avec les emplois similaires de la fonction publique
le respect des directives gouvernementales ayant trait à la politique salariale dans le secteur public
la conformité avec les données budgétaires gouvernementales (prix de journée, dotation globale, fonds d'action sociale de la CNAV).
L'évolution des salaires se fait ainsi selon un rythme identique, ou avec un décalage dans le temps, à celle des traitements des fonctionnaires.
Décision d'agrément
En l'absence de refus d'agrément dans un délai de 2 mois à compter du récépissé de dépôt ou d'envoi, la décision est réputée acquise. Ce délai peut être prolongé de 2 mois supplémentaires si le ministre l'estime nécessaire. Il prend alors une décision en ce sens.
L'agrément est pris sous forme d'un arrêté notifié aux signataires et publié au Journal officiel.
Effet de l'agrément
Une fois agréée, la décision des partenaires sociaux est obligatoire pour tous les employeurs adhérents à un syndicat signataire, et surtout s'impose aux organismes financeurs, à la date de l'agrément ou à celle fixée dans l'accord.
Attention : agrément ne signifie pas extension. Une convention ou un accord collectif soumis à agrément peut être ou non étendu par arrêté du ministre du Travail (voir ci-après). Mais la plupart des organismes employeurs du secteur étant affiliés à un syndicat patronal signataire, l'extension n'a, en pratique, aucun effet supplémentaire pour les salariés.
Les conventions et accords collectifs fixant les conditions de travail dans les organismes de sécurité sociale sont également soumis à une procédure préalable d'agrément (article L. 123-1 du code de la sécurité sociale ). Tous les organismes de sécurité sociale sont concernés par cette procédure, à l'exception des caisses ayant le statut d'établissement public et de certains régimes particuliers (mines, par exemple).
L'agrément est délivré par le ministre chargé de la sécurité sociale (par le ministre chargé de l'agriculture pour les organismes de mutualité sociale agricole).
Le motif de refus d'agrément reste libre. Ainsi, un accord collectif appliquant des règles plus favorables aux salariés que la convention collective n'a pas été agréé dans « l'intérêt qui s'attache à la sauvegarde de l'unicité des règles régissant le traitement des personnels des organismes de sécurité sociale » (Conseil d'Etat, 1er décembre 1995, ministre des Affaires sociales / CPAM et CAF de Haute-Corse).
Une convention de branche, un accord professionnel ou interprofessionnel, leurs avenants ou annexes, peuvent être étendus, c'est-à-dire rendus obligatoires à tous les employeurs compris dans leur champ d'application. L'opération d'extension est assurée par un arrêté du ministre chargé du travail (article L. 133-8 et suivants du code du travail).
Le ministre doit engager cette procédure, sans délai, dès qu'il est saisi par une des organisations syndicales signataires. Un avis est alors publié au Journal officiel, invitant « les organisations et personnes intéressées à faire connaître leurs observations » dans un délai de 15 jours. La Commission nationale de la négociation collective, rassemblant les organisations patronales et salariales représentatives et des représentants des principaux ministères concernés, est obligatoirement consultée. Elle donne un avis motivé.
Le ministre a une grande latitude d'action. Il peut :
exclure de l'extension les clauses en contradiction avec les textes législatifs et réglementaires en vigueur
écarter les clauses non essentielles, « celles qui peuvent être distraites de l'accord concerné sans en modifier l'économie », qui ne répondent pas « à la situation de la branche professionnelle dans le champ d'application considéré » ;
décider d'étendre, « sous réserve de l'application des textes législatifs ou réglementaires en vigueur », les clauses qui lui semblent incomplètes au regard de ces textes.
L'arrêté d'extension est ensuite publié au Journal officiel. Il est valable pour la durée et aux conditions prévues par la convention ou l'accord concerné. Il peut être annulé par le ministre, à la demande d'une organisation syndicale, ou par la juridiction administrative, saisie par toute personne intéressée.
A noter : si la convention ou l'accord collectif n'est pas étendu, il ne sera applicable qu'aux employeurs adhérents à l'un des syndicats signataires de la convention. Cette obligation demeure même si l'employeur démissionne ou ne renouvelle pas son adhésion après la signature de la convention ou de l'accord collectif.
La convention ou l'accord collectif doit toujours être un acte écrit.
La convention ou l'accord collectif de travail peut comporter des règles plus favorables aux salariés que celles des lois et règlements en vigueur, mais ne peut déroger aux dispositions d'ordre public de ces lois et règlements.
Sont considérés comme favorables aux salariés, par exemple :
l'octroi d'une indemnité de licenciement supérieure au minimum légal
un nombre plus important de représentants du personnel.
Sont considérés comme d'ordre public, notamment :
la durée du mandat des représentants du personnel
la réglementation du droit de grève (cass. soc. 7 juin 1995, bull. civ. V nº 180)
le droit de saisine directe du conseil de prud'hommes, sans passer par des commissions instituées par la convention collective.
La convention ou un accord collectif institue souvent une Commission paritaire nationale. Cette commission, propre à chaque convention collective, donne notamment des avis permettant d'interpréter ou d'éclairer son application. Ces avis ne s'imposent pas aux employeurs et aux salariés sauf si la convention collective a elle-même prévu que « l'avis de la commission paritaire aura la valeur d'un avenant à la convention » ( cass. soc. 11 octobre 1994, bull. civ. V nº 272 ).
En cas de doute sur la convention collective applicable, plusieurs règles sont à considérer tenant au champ d'application de la convention et à l'activité de l'entreprise. Des dispositions spécifiques sont mises en œuvre quand l'employeur applique volontairement une convention, quand l'entreprise change d'activité ou quand la convention est dénoncée par un des syndicats signataires.
Examiner son champ d'application
Chaque convention, ou accord collectif, prévoit, généralement dans son premier article, la liste des activités ou entreprises auxquelles elle s'applique, en faisant souvent référence à la nomenclature d'activité utilisée par l'Insee, à savoir les codes NAF (nomenclature d'activité française) ou APE (activité principale exercée). Le champ d'application de la convention collective doit donc comprendre l'activité de l'entreprise. La plupart des conventions collectives n'utilisent pas encore les codes NAF en vigueur depuis 1993 (4), mais davantage les anciens codes APE utilisés entre 1973 et 1992. En attendant l'adaptation des textes, il est nécessaire de recourir à une table de conversion APE/NAF.
Une convention ou un accord peut être négocié au sein d'une branche professionnelle ou de plusieurs branches (accord interprofessionnel), au plan national, régional ou local. Quand l'accord professionnel a le même champ d'application (territorial et professionnel) qu'une convention de branche, il s'incorpore à cette convention, devenant ainsi un avenant ou une annexe.
Déterminer l'activité de l'entreprise
La convention ou l'accord collectif applicable dépend de l'activité réelle et principale de l'entreprise.
Sauf exception prévue par la loi pour certains salariés, c'est l'activité de l'entreprise, et non la fonction du salarié, qui détermine la convention collective applicable. Ainsi, à partir du moment où une convention est applicable dans l'entreprise, aucun salarié ne peut en être exclu, sauf disposition expresse figurant dans la loi, dans la convention ou l'accord collectif.
Seule l'activité réelle de l'entreprise est prise en compte, et non l'activité mentionnée sur les documents de l'entreprise. Ainsi, tant le code NAF attribué par l'Insee (anciennement APE) que les mentions figurant sur les fiches de paie ou dans les statuts de l'entreprise n'ont de valeur juridique impérative. Ces éléments constituent tout au plus des indices de l'activité réelle de l'entreprise.
L'activité principale exercée dans l'entreprise est déterminante. Lorsque l'entreprise exerce plusieurs activités, l'activité principale est celle qui représente le chiffre d'affaires le plus important (cass. soc. 29 mars 1994, non publié). Ce n'est que si « des salariés exercent une activité nettement différenciée dans un centre d'activité autonome » (cass. soc. 6 décembre 1995, bull. civ. V nº 333) que pourra leur être appliquée une convention collective différente.
Application volontaire par un employeur
L'employeur dont l'activité n'entre pas dans le champ d'application d'une convention collective étendue et qui n'est pas adhérent d'un syndicat signataire d'une convention non étendue peut appliquer volontairement la convention collective de son choix soit par une décision expresse, soit de façon implicite.
L'employeur est libre d'appliquer cette convention à une seule partie de ses salariés (cass. soc. 5 octobre 1993, bull. civ. V nº 222) ou de n'appliquer que certains des avenants à la convention.
Cette application volontaire a valeur d'usage, que l'employeur peut toujours dénoncer sans avoir à le justifier (cass. soc. 14 décembre 1991, bull. civ. V nº 553). Il doit néanmoins respecter un certain délai de préavis, en avertir les représentants du personnel (comité d'entreprise, délégués syndicaux, délégués du personnel) ainsi que, de façon individuelle, chaque salarié concerné.
Changement d'activité ou transfert d'entreprise
Lorsque l'application d'une convention ou d'un accord est mise en cause dans une entreprise en raison notamment d'un changement d'activité, d'une cession, d'une fusion ou d'une scission, cette convention ou cet accord continue de produire effet durant une période transitoire (article L. 132-8 alinéa 7 du code du travail). Cette mise en cause doit respecter néanmoins un délai de préavis de 3 mois (cass. soc. 22 juin 1993, bull. civ. V nº 176).
Une négociation doit alors s'engager, dans les 3 mois qui suivent, entre les partenaires sociaux concernés pour prévoir les éventuelles adaptations de ce statut ou l'élaboration de nouvelles dispositions. Si les négociations aboutissent, l'ancienne convention collective ou l'ancien accord collectif cesse d'être appliqué, étant remplacé par les nouvelles dispositions conventionnelles. Si les négociations n'aboutissent pas, et à l'expiration d'un délai de 15 mois après la mise en cause, les salariés conservent néanmoins les avantages individuels acquis. Dénonciation de la convention
La convention et l'accord collectif de travail peuvent être dénoncés par les signataires. Les effets de cette dénonciation varient suivant qu'elle est effectuée par un ou plusieurs signataires. Dans tous les cas, elle n'entraîne pas immédiatement l'arrêt de l'application de la convention collective. Une nouvelle négociation doit alors s'engager à la demande d'une des parties intéressées, dans les 3 mois qui suivent la date de la dénonciation.
L'ancienne convention ou l'ancien accord continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur d'un nouvel accord ou, à défaut, durant un an à compter de l'expiration du délai de préavis. A l'expiration de ce délai, si aucune nouvelle convention ou nouvel accord n'est intervenu, les salariés conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis.
N.G.
A noter : une convention ou un accord collectif soumis à agrément peut être ou non étendu par arrêté. Mais l'extension n'a, en pratique, aucun effet supplémentaire pour les salariés, la plupart des organismes employeurs du secteur étant affiliés à un syndicat patronal signataire.
(1) Sont également soumis à la procédure d'agrément, les conventions et accords de la Croix-Rouge française, des associations de prévention de l'alcoolisme (ANPA), des centres de soins (UNACS) et des centres de lutte contre le cancer (CLCC).
(2) Les organismes de sécurité sociale sont soumis à une procédure d'agrément spécifique.
(3) Sont également soumis à la procédure d'agrément, les conventions et accords de la Croix-Rouge française, des associations de prévention de l'alcoolisme (ANPA), des centres de soins (UNACS) et des centres de lutte contre le cancer (CLCC).
(4) Voir ASH n° 1813 du 1-01-93.
(5) Sont également soumis à la procédure d'agrément, les conventions et accords de la Croix-Rouge française, des associations de prévention de l'alcoolisme (ANPA), des centres de soins (UNACS) et des centres de lutte contre le cancer (CLCC).
(6) Les organismes de sécurité sociale sont soumis à une procédure d'agrément spécifique.