La suppression de la cogestion du RMI (Etat/départements) constitue, depuis longtemps, l'un des principaux chevaux de bataille de l'Assemblée des présidents de conseils généraux (APCG). Or, paradoxalement, peu de départements semblent favorables à cette idée, la plupart approuvant même un renforcement de la cogestion, voire son institutionnalisation (par exemple avec la création d'un comité de pilotage commun ) (1). C'est l'un des points forts du rapport d'évaluation sur le fonctionnement du dispositif RMI dans les départements (2), remis début mai à Jacques Barrot avant d'être déposé, ces jours-ci, sur les bureaux de l'Assemblée et du Sénat. Réalisé en vertu de l'article 74 de la loi de finances pour 1995, ce document repose sur un vaste questionnaire adressé courant 1995, par la délégation interministérielle au RMI et l'APCG, aux préfets de départements et aux présidents de conseils généraux (3). Résultat : un bilan assez complet, mais pas vraiment inattendu, des insuffisances du dispositif RMI. Celui-ci continue en effet de paraître « lourd, opaque, onéreux en temps, en personnel, en moyens » tout en étant « à la fois complexe et trop souple ».
Premier constat : l'instruction des dossiers RMI, assurée essentiellement par les services sociaux départementaux et communaux (4), souffre de la surcharge de travail des services, de la complexité du dispositif et, surtout, du manque de formation et d'information des agents instructeurs (en particulier dans les CCAS). « Beaucoup d'instructeurs semblent n'avoir qu'une maîtrise très imparfaite du dispositif et trop peu de compétences spécifiques », indiquent les rapporteurs. Autant de difficultés qui, selon les préfets et présidents de conseils généraux, pourraient être atténuées grâce au renforcement de la formation des services instructeurs, à l'amélioration des circuits d'informations, de demande et de décision, et à la diversification des lieux d'instruction. Quelques départements proposant même d'instaurer une délégation de compétence en direction des CAF, voire de limiter ou de supprimer le système déclaratif. Autre enseignement précieux à l'heure où un rapport parlementaire évoque notamment la fraude au RMI (voir ci-après) : le taux de fraudes avérées après contrôle aléatoire serait extrêmement faible (de l'ordre de 1 %), ce chiffre étant cependant sujet à fortes variations selon qu'il s'agit de fraudes volontaires ou d'indus.
De son côté, l'Etat n'échappe pas aux critiques, la majorité des départements lui reprochant un pilotage insuffisant ainsi qu'un manque de cohérence au sein de ses propres services. Pour remédier à cette situation, certains proposent que le préfet assume désormais un rôle de « chef de file » et que l'on renforce fortement la coordination entre services de l'Etat, le cas échéant, par la création d'un « pôle de compétence » regroupant les personnels concernés au niveau des services déconcentrés.
Au demeurant, les principaux reproches vont aux commissions locales d'insertion (CLI), aux conseils départementaux d'insertion (CDI) et aux cellules d'appui. En effet, précisent les rapporteurs, « dans beaucoup de départements, les CLI ne jouent pas vraiment le rôle d'animateur d'une politique locale d'insertion [...]. Faute de moyens suffisants et de personnels compétents, sans doute, mais aussi parce que leur légitimité n'est pas clairement assurée ». Au vu des réponses, il serait ainsi nécessaire de donner davantage de moyens aux CLI, de repréciser leurs fonctions et d'impliquer davantage les services instructeurs, en leur permettant éventuellement d'assister aux réunions. Quant aux CDI, le jugement est encore plus sévère : « Leur fonctionnement marque un échec patent et généralisé par rapport aux objectifs de leur création. Trop lourds, inefficaces, ils ne sont nulle part un lieu de débats et d'échanges. » A tel point que la moitié des départements ne réunissent leur CDI qu'une fois par an et 6 % plus du tout. Dans ces conditions, faut-il tenter d'améliorer le fonctionnement de ces conseils (notamment en leur donnant un rôle d'orientation politique ou en créant des groupes de travail thématiques) ou mettre en place une « stratégie de contournement » avec la création d'instances intermédiaires ? La question n'est pas véritablement tranchée, même si de nombreux départements déclarent vouloir réactiver les CDI. Enfin, les cellules d'appui sont considérées comme des « instances encore très anarchiques, [...] trop souvent envahies par un important travail au niveau des contrats individuels [...] et ne jouant pas toujours le rôle indispensable de cheville technique au service d'une politique locale d'insertion ». Là aussi, renforcement, clarification et structuration sont largement souhaités.
Par ailleurs, maintes fois décriés, les contrats d'insertion sont considérés comme toujours aussi « malléables » . Et les avis sont partagés pour savoir si leur contenu est, ou non, adapté. En effet, ils sont parfois accusés d'être uniquement formels, de manquer de précision ou encore de négliger le fait que les difficultés sociales du bénéficiaire sont trop lourdes. Quand ce ne sont pas les ressources locales en matière d'insertion qui dictent le contenu du contrat, plus que les besoins de la personne elle-même. « Mais personne ne remet en cause le principe de la contractualisation, et personne ne réclame non plus une rigidification des règles du contrat », précisent aussitôt les rapporteurs. En revanche, pour une forte majorité, l'offre d'insertion doit être améliorée, qu'il s'agisse de l'insertion sociale ou professionnelle, du logement ou de l'accès aux soins. Les propositions reprises dans le rapport sont multiples en particulier en ce qui concerne l'insertion par le logement. Dans ce domaine - où l'action des départements semble la plus faible - les préfets et présidents de conseils généraux souhaitent une meilleure utilisation des outils techniques et un fonctionnement plus clair du dispositif.
Enfin, la santé et l'insertion sociale « apparaissent comme des lieux privilégiés des départements » , 67 % d'entre eux déclarant, par exemple, avoir mis en place une carte santé dont bénéficient généralement les allocataires du RMI.
(1) Cette opinion reste toutefois à confirmer dans la mesure où seuls 33 départements sur 93 ont exprimé leur opinion à ce sujet.
(2) Le fonctionnement du dispositif RMI dans les départements - Rapport d'évaluation réalisé par le Grefoss de l'Institut d'études politiques de Grenoble.
(3) Sur 93 réponses au questionnaire, 61 étaient conjointes Etat/conseil général, 24 séparées (Etat d'un côté, conseil général de l'autre) et 8 émanaient uniquement des services de l'Etat.
(4) Le nombre de dossiers d'instruction RMI déposés en 1994 se montait, au total, à 378 471 avec, en moyenne, 11 % de hausse par rapport à l'année précédente. Ce dernier chiffre masque cependant des écarts très importants entre les départements. En Indre-et-Loire, par exemple, la baisse était de 32 % alors que, dans le même temps, le Puy-de-Dôme connaissait une hausse de 47%.