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Faut-il former des intervenants du 3e type ?

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Le travail social de demain verra-t-il l'émergence d'une nouvelle spécialisation mariant la culture de l'entreprise et de l'accompagnement social ?

« Quel que soit le travail réalisé en amont pour préparer l'insertion, on a besoin, à un moment donné, d'avoir une personne plus spécialement détachée pour faire la jonction entre le milieu spécialisé et les entreprises, deux mondes étrangers qui se regardent encore du coin de l'œil », indiquait, lors d'une journée d'étude, François Glaziou, directeur des établissements de l'association Vivre, spécialisée dans l'insertion des personnes handicapées (1). C'est ainsi que ses responsables, estimant les relais actuels insuffisants, ont fait le choix de recruter cinq personnes capables d'assurer « ce travail complexe » d'interface entre les mondes du handicap et de l'économique. Et dont les profils sont assez hétérogènes : cadre commercial, animateur, psychologue, éducateur... « Toute notre difficulté étant de parvenir à recruter des candidats ayant une double compétence du social et de l'économique », souligne François Glaziou.

Un constat qui soulève un problème clé : face au hiatus persistant entre la fin du parcours d'insertion des publics en difficulté et l'accès à l'entreprise, faut-il des intervenants spécialement formés à ce rôle de « passeur », de « médiateur d'insertion », « d'interprète »  ? Reste-t-il, comme le soutient le rapport du CSTS du groupe entreprises et travail social (2), « un espace de travail ou d'intermédiation qui ne peut être correctement rempli que par des professionnels relevant d'une culture et de champs de compétences largement hybrides ? » Des personnes à double casquette, mariant l'économique et le social ? Ce qui renvoie à tous les discours, depuis quelques années, autour des nouveaux métiers suscités par l'insertion économique.

« Ne s'agit-il pas plutôt d'une fonction en plein développement du fait de l'accroissement des publics exclus  ?  », s'interroge Eliane Leplay, directrice de l'Ecole supérieure de travail social (Etsup) et membre du groupe de travail du CSTS, irritée par cette idée de « nouveaux métiers ». « Ils existent déjà. Les assistants sociaux du travail, qui possèdent la double culture du travail social et de l'entreprise, répondent exactement aux critères attendus de ces intervenants, sachant qu'ils peuvent exercer également dans des entreprises d'insertion ou associations intermédiaires. Tout le problème, c'est qu'on n'en forme pas assez, en raison du volume insuffisant d'assistants sociaux diplômés d'Etat. »

Des compétences transversales

Ce qui n'empêche pas, comme le souligne le rapport du CSTS, qu'il y ait besoin de permettre à d'autres professionnels venant du social ou de l'entreprise d'acquérir, par le biais de la formation continue, des compétences en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté. Sachant, soutient Eliane Leplay, « qu'il est sans doute plus facile pour quelqu'un du social d'acquérir la culture d'entreprise que le contraire ».

Un besoin d'ailleurs bien repéré, comme l'atteste le développement récent de formations autour de l'insertion professionnelle ouvertes à des travailleurs sociaux, mais également à des personnes exerçant dans les missions locales, PAIO, entreprises d'insertion, voire des entreprises, et tentant, plus ou moins, d'apporter cette double culture du social et de l'économique. Parmi les plus reconnues : le DESS gestion des entreprises d'insertion (université Marne-la-Vallée), la formation des dirigeants et créateurs de structure d'insertion par l'économique (chambre de commerce de Paris) ou encore le diplôme universitaire des professionnels de l'insertion des travailleurs handicapés (Collège coopératif de Bretagne)... « Des formations souvent d'un niveau élevé (bac + 4 ou 5) et sans dimension nationale », estime Jeanine Lerich, responsable de la section surintendantes à l'Etsup. Laquelle devrait ouvrir, dès octobre, avec l'AFPA, une formation intermédiaire qualifiante aux fonctions de l'insertion professionnelle accessible à des travailleurs sociaux diplômés ou à d'autres types de profils. Et dont le diplôme est en cours d'homologation.

Alors faut-il aujourd'hui des intervenants du 3e type ? Une sorte de Janus à double face ? Mais ne risque-t-on pas, en formant des spécialistes de l'insertion professionnelle, de désinvestir le reste de l'équipe de cette question ? Ou encore, comme le souligne Bernard Garro, sous-directeur du travail social et des institutions sociales à la DAS, de renforcer une division du travail entre « les nobles inséreurs » et les travailleurs sociaux de seconde catégorie ?

« Après tout, est-ce bien réaliste de vouloir réaliser une formation hybride mélangeant les deux cultures ? Ne faut-il pas davantage renforcer les synergies entre les deux mondes ? La réponse est loin d'être évidente », souligne encore ce dernier à l'attention de ceux qui verraient là un nouveau créneau pour le travail social. Avant de se poser la question d'une formation spécifique, faut-il encore, au préalable, avoir éclairci les questions théoriques et pratiques relatives à l'insertion par l'économique. Ce qui passe, explique-t-il, par un repérage et une évaluation des formations à l'insertion professionnelle existantes et une définition des fonctions de ces « agents d'insertion ». Renvoyant au cadre plus général des réflexions sur le dispositif de formation en travail social. Isabelle Sarazin

Notes

(1)  Association Vivre : 2, square Lamartine - 94230 Cachan - Tél. 1 45.46.33.61.

(2)  Voir ASH n° 1961 du 9-02-96.

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