Représentants du mouvement familial et des pouvoirs publics locaux, partenaires sociaux, associations et responsables institutionnels, au total une cinquantaine de personnes se sont réunies, le 6 mai, autour d'Alain Juppé et de onze de ses ministres pour lancer le débat sur une réforme de la politique familiale. Promise par le Premier ministre lors du sommet social de décembre (1), la conférence annuelle sur la famille, dont la tenue est inscrite dans la loi du 25 juillet 1994 (2), se voulait l'occasion d'un débat « approfondi » sur l'ensemble des dossiers familiaux, « sans tabou ni a priori ». Le chef du gouvernement a longuement insisté sur la nécessité « d'une approche globale de la politique familiale ». « Cela doit être une politique horizontale », a-t-il dit, en soulignant qu'il serait « très difficile de dégager des moyens budgétaires supplémentaires de caractère massif » (250 milliards sont consacrés chaque année à l'aide aux familles et le déficit de la branche famille serait de 14 milliards fin 1996). « Il faut travailler en simplifiant, en redéployant », a-t-il encore ajouté.
D'emblée, le Premier ministre avait annoncé la couleur : « La conférence doit être un point de départ et non d'arrivée. » Aussi, en se déplaçant à Matignon, les participants à cette réunion ne pouvaient guère attendre d'autres résultats concrets qu'une méthode et un calendrier de travail, malgré les espoirs nourris, notamment par la CFTC qui attendait un geste du gouvernement (dégel des prestations familiales, mesures pour les grands enfants à charge ou encore pour les familles nombreuses).
La méthode sera identique à celle menée pour la réforme de l'assurance maladie. Cinq groupes de travail vont être mis en place, dont la coordination sera assurée par Hélène Gisserot, déjà chargée de la préparation de la conférence (3). Ils devront avoir achevé leurs travaux « avant la fin de l'année », a indiqué le Premier ministre, afin d'organiser une nouvelle conférence de la famille « fin décembre 1996 ou en janvier 1997 » qui devra, quant à elle, dégager « des propositions concrètes ». Les thèmes abordés seront les suivants :
« les familles aujourd'hui, avec des figures nouvelles », comme les familles monoparentales (voir ci-après)
« la compensation des charges familiales », avec la question délicate de l'éventuelle imposition des allocations familiales, ainsi que de leur simplification (il existe aujourd'hui 21 prestations familiales différentes et une multiplicité d'aides fiscales). Confronté à l'opposition de la plupart des participants, le gouvernement s'est toutefois montré rassurant en indiquant qu'il ne passerait pas outre la volonté des associations familiales et des syndicats « si aucun consensus ne se dégage » sur la fiscalisation des allocations familiales. En revanche, associations et syndicats se montrent plutôt favorables à une simplification des prestations, à l'image de l'UNAF qui plaide pour une réduction à deux prestations, l'une pour l'éducation, l'autre pour les grands enfants. Ce groupe sera présidé par Michel Lagrave, ancien directeur de la sécurité sociale
« l'environnement de la famille, avec les services dont elle a besoin » (scolaires et périscolaires), notamment le dispositif de garde d'enfants
« la gestion du temps avec la conciliation du temps de travail, du temps familial et du temps scolaire » ;
« le lien intergénérations, avec les problèmes du début et de la fin de la vie, notamment les personnes âgées dépendantes », ainsi que le problème des grands enfants encore à charge de leurs parents. Interrogé sur la mise en œuvre de la prestation autonomie, initialement prévue au 1er janvier 1997, Alain Juppé a déclaré « qu'il fallait tenir compte de la baisse des recettes avant de fixer un calendrier ». « Démarche constructive » pour la CFTC, « processus permettant la mise à plat d'un système » pour la CFDT, la conférence de la famille n'aura donc pas été vaine pour certains. D'autres, en revanche, comme la CFE-CGC, ont regretté « la contrainte et la rigueur budgétaire » affichées d'emblée par le Premier ministre. Un point de vue confirmé par la Fédération des familles de France : « Le gouvernement ne veut pas mettre un sou de plus dans la politique familiale, et c'est un point d'achoppement », déclarait-elle à l'issue de la conférence, ajoutant qu'elle souhaitait toutefois, comme la CFTC, que le gouvernement tienne ses engagements et ceux du gouvernement précédent.
(1) Voir ASH n° 1955 du 29-12-95.
(2) Voir ASH n° 1895 du 6-10-94.
(3) Voir ASH n° 1966 du 15-03-96.