Alors que le nombre d'allocataires du RMI flirte avec la barre symbolique du million, 62 % des Français (contre 57 % il y a un an) considèrent que le RMI peut donner le « coup de pouce » nécessaire pour s'en sortir. Mais ils sont presque autant (61 %) à trouver que le niveau de la prestation est aujourd'hui insuffisant. C'est ce double constat qui ressort de l'étude publiée par le Crédoc concernant l'opinion des Français sur le revenu minimum d'insertion (1). Réalisée en 1995 à la demande de la caisse nationale d'allocations familiales, cette enquête montre en effet que, pour les personnes interrogées, le traitement de la pauvreté et de l'exclusion arrive en tête des actions à mener. Parallèlement, elles sont 73 % à trouver que les pouvoirs publics n'en font pas assez vis-à-vis des plus démunis. Pour les enquêteurs, cette attente n'est pas sans lien avec le fait que 45 % de la population déclarent connaître personnellement un allocataire du RMI, contre seulement 33 % en 1992. Une situation qui touche de plus en plus les catégories socio-professionnelles favorisées (43 % des cadres supérieurs disent connaître un bénéficiaire).
Autre enseignement : pour les trois quarts des personnes interrogées, la situation de pauvreté provient davantage d'un « manque de chance » que d'une « absence d'efforts » . Et la confiance dans l'aptitude des allocataires du RMI à se réinsérer -si on les aide - est largement partagée (77 %). En outre, pour la première fois depuis 1989, le discours sur les « effets pervers » du RMI enregistre un léger recul (il touche encore 37 % de la population, notamment chez les personnes âgées et les travailleurs indépendants). Toutefois, la recherche d'un travail ou la réalisation d'une activité apparaît comme une contrepartie nécessaire au versement de la prestation. En effet, avec 89 % d'avis favorables, la condition d'insertion liée à la prestation rencontre une quasi-unanimité. Un pourcentage qui s'est accru de 17 % en cinq ans. « La solidarité envers les plus démunis s'accroît, les exigences aussi », souligne le Crédoc. Pourtant, 47 % des personnes interrogées expriment un doute quant aux possibilités réelles d'insertion du RMI. Pour elles, « la prestation constitue surtout un moyen d'existence, un revenu ».
Au final, on voit ainsi se dessiner des groupes aux opinions assez disparates, voire opposées. Parmi ceux-ci, on trouve aussi bien les « partisans » du RMI (ils jugent la prestation vitale mais se révèlent sceptiques quant à sa capacité à permettre une véritable insertion) que les « inconditionnels » (pour eux, l'aide aux plus défavorisés constitue un droit qui ne devrait être soumis à aucune condition d'attribution en matière d'insertion) ou encore les « réfractaires » (ils estiment que les bénéficiaires pourraient trouver du travail mais ne font pas l'effort nécessaire pour s'en sortir).
(1) Consommation et modes de vie - n° 107 - Avril 1996 - Georges Hatchuel et Anne-Delphine Kowalski - Disponible sur abonnement au Crédoc : 142, rue du Chevaleret - 75013 Paris - Tél. (1) 40.77.85.01.