ASH : Vous avez visité plus de 150 structures dans 24 départements. Quel bilan dressez-vous au terme de ce tour de France de l'accueil d'urgence ? M.T. : Au plan quantitatif, l'effort d'accroissement des capacités a porté le dispositif à un niveau satisfaisant. Il n'en demeure pas moins que certains secteurs restent insuffisamment équipés. Les progrès ont également été qualitatifs. Ainsi la coordination institutionnelle du dispositif s'est plutôt améliorée. De même, les structures mobiles se sont multipliées. Pas simplement les SAMU sociaux mais aussi des services plus légers - notamment des équipes de rue - assurant le maintien d'un lien social ainsi qu'une aide de première nécessité auprès des personnes sans abri. J'ai aussi noté le développement des soins infirmiers et, plus généralement, des permanences médicales ou sociales dans les lieux d'accueil et d'hébergement. Et puis les lieux d'accueil de jour ont essaimé, au point de voir leur nombre doubler en seulement un an. ASH : Le dispositif est-il également mieux coordonné ? M.T. : La coordination est effectivement en progrès. La proposition du rapport Quaretta concernant la création d'une coordination départementale se concrétise tout doucement. Il existe, dans ce domaine, des réalisations qui marchent. Même si elles sont très diverses par leur organisation institutionnelle et administrative. La dynamique impulsée par le numéro vert a souvent beaucoup aidé à la mise en place de cette coordination. Ce qui ne veut pas dire, d'ailleurs, que le numéro vert soit partout très utilisé. ASH : Le dispositif ne souffre-t-il pas, cependant, de certaines insuffisances ? M.T. : Malheureusement. Par exemple, il reste encore des problèmes concernant l'accueil des familles. Cependant, la tension est peut-être moins forte aujourd'hui, notamment grâce au développement de l'aide au logement à caractère temporaire et aux plans de Charette et Périssol. En revanche, d'importantes difficultés persistent, en particulier pour les jeunes toxicodépendants, les sortants de prison ou encore les étrangers en situation irrégulière. Notamment parce que les structures d'accueil ne vont pas au bout de leur logique. Il faut vraiment pratiquer un accueil sans condition. Bien sûr, c'est assez problématique concernant les toxicomanes, pour lesquels une liaison avec le système hospitalier apparaît tout à fait nécessaire. ASH : Quelles sont vos principales propositions en vue d'améliorer le système ? M.T. : Elles s'articulent autour de quelques grands axes. Il faut d'abord renforcer l'obIigation d'accueil d'urgence. Ensuite, il est nécessaire d'améliorer les conditions d'accueil en ce qui concerne les locaux, la qualification des personnels et, surtout, la prise en charge des troubles psychiatriques ou psychologiques. C'est vraiment le problème numéro un en matière d'hébergement collectif. Il faut également donner un caractère moins précaire au système. Ce qui implique, notamment, de garder plus de structures ouvertes toute l'année et de transformer en CHRS un certain nombre de lieux d'hébergement réalisant déjà un minimum d'actions d'accompagnement social. Enfin, il faut encourager, législativement et réglementairement, la coordination des initiatives. A condition, toutefois, de préserver la souplesse des formules existantes et que l'on n'impose pas un modèle standard. Il faudrait pouvoir créer une sorte de service départemental - un réseau de l'urgence - mais au sens fonctionnel et non pas administratif du terme. Celui-ci regrouperait, par conventions passées avec le préfet, les différentes organisations concernées, publiques et privées.
(1) Voir ASH n° 1944 du 13-10-95.