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Volet travail social du projet de loi-cadre : les propositions de la DAS

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Quelle est la doctrine officielle de la DAS sur les professions sociales ? Quelles suites souhaite-t-elle donner au rapport d'évaluation du dispositif de formation en travail social (1)  ? On en sait davantage aujourd'hui sur ces questions avec les propositions rédigées l'été dernier par la direction de l'action sociale et intégrées dans le chapitre consacré au travail social du rapport Fragonard. Même si l'on ignore encore ce qu'il en sera finalement retenu, ces recommandations, dont le détail demeure confidentiel, n'en constituent pas moins un document.

« Le travail social a subi une évolution considérable depuis 20 ans, sous la pression de l'évolution économique et sociale, avec la montée de la pauvreté et de l'exclusion  parallèlement, la décentralisation, la mise en œuvre de nouveaux dispositifs (RMI, loi Besson, loi Neiertz...) ont fortement modifié les conditions d'exercice du travail social », soulignait Bertrand Fragonard, délégué interministériel au RMI, dans le chapitre X, consacré au travail social, de son rapport élaboré en vue de la préparation de la loi-cadre contre l'exclusion et remis au Premier ministre à l'automne dernier.

Aussi, proposait-il de réagir en deux temps. A un premier socle, proposé par la DIRMI et consacré aux mesures d'urgence  (voir encadré), s'ajoutaient sept propositions de fond, rédigées par la direction de l'action sociale, ayant pour objet de « retracer des perspectives durables » et que nous révélons ci-après.

Depuis la remise de ces premiers travaux, la réflexion interministérielle s'est poursuivie, sans rien laisser filtrer des options qui vont être finalement choisies. Seule certitude aujourd'hui : le projet de loi-cadre contre l'exclusion comportera un volet « travail social ». Mais, en l'absence des arbitrages définitifs, on en ignore encore la teneur exacte et l'étendue. Un indice toutefois, l'optimisme affiché par Pierre Gauthier laisse entendre que les propositions, relevant du domaine législatif, rédigées par son administration, pourraient être finalement adoptées, telles que celles concernant les professions sociales, les centres de formation et la coordination. Les autres mesures, qui avaient été versées au dossier Fragonard, constituent davantage des réflexions en cours à la DAS et ne semblent pas devoir être retenues dans l'immédiat.

Réforme législative de l'exercice des professions sociales

Cette proposition, encore désignée sous l'intitulé « accompagnement social et travail social », va dans le sens d'une reconnaissance, au moins symbolique, de l'ensemble des travailleurs sociaux puisqu'elle intègre la notion de « professions sociales » dans la loi. Ainsi, ces dernières seraient-elles définies comme concourant « à la définition et à la mise en œuvre des politiques d'action sociale. Leurs interventions individuelles ou collectives, en direction des personnes ou des groupes, [ayant] pour objectif premier le plein exercice de leurs droits par les personnes destinataires de ces interventions ». Les titulaires de diplômes d'Etat ou de certificats d'aptitude concernés - qui pourraient se voir délivrer une carte professionnelle -seraient, sans aucun doute, les professions de niveau III et IV (AS, ES, CESF, animateurs, EJE, ME...) ainsi que, pour le niveau V, les travailleuses familiales. La question n'est pas tranchée pour les AMP ou encore les aides-ménagères.

Explications de la direction de l'action sociale : il faut reconnaître aux professions sociales « l'indépendance professionnelle qui leur est nécessaire pour être des médiateurs reconnus et acceptés des usagers ». Corollaire obligé, la protection de l'intimité et de la vie privée des personnes auprès de qui elles travaillent. Et « dans le cadre des missions des employeurs publics et privés dans lesquelles elles s'inscrivent, les professions sociales doivent disposer de la liberté d'action que suppose la réalisation des interventions sociales individuelles et collectives dans le respect des règles déontologiques de ces professions ». Autre précision, « la définition des modalités et objectifs de l'accompagnement individualisé et collectif des personnes et des groupes, l'élaboration et la gestion des offres d'insertion ainsi que les politiques de développement social locales ou nationales ne sauraient se concevoir sans la participation active des professions sociales dont l'expertise et les savoir-faire doivent être mobilisés[...] ».

Consolider les fondements juridiques et financiers du dispositif de formation des professions sociales

Très argumenté, ce volet se base sur le rapport d'évaluation du dispositif de formation. Il reprend d'ailleurs certaines de ses recommandations totalement (celles concernant les étudiants), ou partiellement (en particulier sur le financement des centres). En revanche, il rejette l'idée d'un statut des formateurs.

Ainsi, si les projets d'articles rédigés par la DAS étaient retenus, on trouverait dans la loi la définition suivante : « La formation initiale, permanente et supérieure contribue à la qualification professionnelle et à la promotion des professions sociales et des personnes intervenant dans la lutte contre l'exclusion, la prévention et la réparation des handicaps ou inadaptations, le développement social et œuvrant dans les domaines social, éducatif, culturel, sanitaire et économique. [...] »

De même, la reconnaissance législative d'une mission de service public, qui ne repose actuellement sur aucun texte législatif ou réglementaire, serait accordée aux établissements de formation publics ou privés agréés. Ceux-ci devraient passer un contrat avec l'Etat (selon le modèle d'un contrat type), à la place d'une convention.

Quant au financement des centres de formation, la DAS propose d'introduire explicitement dans la loi, le principe du cofinancement des écoles par les employeurs et les collectivités publiques (équipement et actions de formation professionnelle continue pour les jeunes de moins de 26 ans). En outre, elle précise les modalités du financement de l'Etat, par référence aux lois relatives à l'enseignement agricole, sans toutefois aller jusqu'à une transposition complète. Autrement dit, il s'agirait d'une subvention couvrant, d'une part, la masse salariale des formateurs, d'autre part, les autres dépenses pédagogiques et administratives sur la base d'un forfait par étudiant. Cette option a été retenue, explique la DAS, du fait « de l'absence de statut de référence pour les formateurs sociaux et de l'hétérogénéité de leur situation. Ce qui ne permet pas de dégager des bases de calcul et des indicateurs précis ». S'il était souhaitable, reconnaît-elle malgré tout, « pour sortir de la précarité actuelle, d'inscrire dans la loi les principes d'une indexation de l'évolution de l'aide financière de l'Etat, cela n'a pas été fait en raison de la difficulté de fixer l'assiette de la subvention et d'en chiffrer l'impact ». Mais, se rassure-t-elle, sa proposition « constitue un réel progrès par rapport à la rédaction de la loi de 1975 ». Coût net de la mesure, 46 millions de francs.

Corollaire indispensable à l'engagement financier de l'Etat, l'élaboration d'un schéma national des formations sociales, qui implique un cadrage des effectifs en formation par rapport aux besoins d'emplois du secteur et un cadrage de l'appareil de formation, ainsi que l'affichage d'une politique de formation élaborée en concertation avec le milieu professionnel et les employeurs.

Par ailleurs, l'administration centrale ne se montre guère favorable à l'intégration de mesures concernant le statut des formateurs dans la loi. En effet, explique-t-elle, le corps des formateurs permanents est peu nombreux (2 239 dont 567 à temps plein). En outre, en l'absence d'obligation de « retour sur le terrain » et compte tenu des déroulements de carrière offerts par la convention collective de 1966, elle craint que la création d'un statut ne « fige le corps des formateurs en travail social », le risque étant de « l'éloigner des évolutions du terrain et de reproduire sur les étudiants des modèles professionnels dépassés ». D'où, précise-t-elle, le choix d'une procédure « liste d'aptitude nationale », d'éventuelles dispositions relatives au statut des formateurs étant renvoyées à un décret ou à une renégociation de la convention collective.

En revanche, dans le projet de la DAS, on trouve deux articles concernant les étudiants. L'un garantit le montant de leur participation à la formation (droits de scolarité fixés par le ministère), l'autre reconnaît leurs droits dans l'établissement de formation (liberté d'expression) et améliore leur situation. Le texte proposé légitimant l'existence des bourses et harmonisant totalement le système actuel sur celui de l'enseignement supérieur.

Les mesures d'urgence

Il faut « pourvoir rapidement les postes vacants de travailleurs sociaux et notamment des assistants en polyvalence de secteur. [...] Il y a urgence [...], car c'est la mise en œuvre des politiques publiques qui est en cause », insistait le délégué au RMI qui envisageait de :

 permettre aux employeurs que sont les conseils généraux d'accorder une prime mensuelle aux travailleurs sociaux dans les secteurs peu attractifs et notamment les quartiers difficiles ;

 augmenter les capacités des centres de formation, par l'octroi de crédits supplémentaires, que le rapport ne chiffre toutefois pas  ;

 augmenter sensiblement le nombre d'étudiants bénéficiaires de bourses en incitant les conseils généraux à les financer contre un engagement à travailler trois à cinq ans pour le département, notamment en polyvalence de secteur pour les assistants sociaux. Un accord-cadre avec l'APCG pourrait être la mesure incitatrice.

Formations sociales et promotion sociale

La DAS souhaite développer la validation des acquis (niveau d'études ou possession de diplômes, expérience professionnelle ou encore militantisme et engagement associatif) qui se traduit par une facilité d'accès à la formation et un allégement des enseignements théoriques ou pratiques et, dans certains cas, par des aménagements de la délivrance du diplôme.

Articulation des formations sociales et des formations universitaires

Certains centres de formation ont mis en place des articulations des formations sociales de niveau III (ASS, ES, EJE) et des cursus universitaires (DEUG, licence ou maîtrise) dans des disciplines connexes ou complémentaires du travail social (administration économique et sociale et sciences de l'éducation notamment). L'intérêt du dispositif « ne fait aucun doute », estime la DAS, qui déplore que, malgré quelques expériences intéressantes (à l'image de la convention IRTS Montrouge/université d'Evry), ces collaborations demeurent insuffisamment développées. Par contre, note-t-elle, les partenariats des écoles avec l'université semblent s'intensifier sous d'autres formes (mises en commun de moyens pédagogiques, échanges d'enseignants, organisation de colloques...). Afin de renforcer cette dynamique, elle propose de relancer l'accord-cadre avec la direction de l'enseignement supérieur et d'encourager les centres de formation à passer des conventions avec les universités.

Promotion des nouveaux métiers liés au développement social urbain

« La reconnaissance et l'intégration des nouveaux intervenants sociaux dont les postes ont été créés par les nouveaux dispositifs de lutte contre l'exclusion et les politiques de développement social urbain, s'avèrent nécessaires. » Aussi, est-il suggéré de mettre en place une formation diplômante en alternance à visée professionnelle de niveau II. Celle-ci serait ouverte, dans un premier temps, aux intervenants sociaux en situation de responsabilité en milieu urbain, disposant de diplômes professionnels en travail social de niveau III ou de diplômes et titres universitaires de niveau équivalent. A condition qu'ils aient une expérience professionnelle d'au moins trois ans dans le domaine du développement social, de la gestion de projets sociaux, d'animation de dispositifs de lutte contre l'exclusion. Autrement dit, seraient visés les chefs de projet, les responsables de PAIO et de mission locale, les animateurs de dispositifs d'insertion/formation ainsi que les responsables de circonscription et de dispositifs sociaux d'accueil d'urgence.

Promouvoir la coordination des pratiques et interventions sociales dans le département

Constatant l'insuffisance des dispositifs actuels de coordination, l'administration prône la création d'une obligation de coordination départementale. Il s'agirait « d'éviter un blocage politique au nom de l'autonomie de la politique sociale de chaque institution ». Concrètement, un comité de coordination des interventions sociales serait créé dans chaque département. En cas de conflit négatif d'attribution empêchant durablement l'exercice régulier d'un droit à prestation, le comité, ou à défaut le préfet, désignerait l'organisme compétent.

Promouvoir la coordination des pratiques et interventions sociales au niveau des services de l'Etat et des organismes dans sa mouvance

Selon le même principe, il est proposé de créer une instance administrative de coordination dénommée « conseil de coordination des interventions sociales et de la lutte contre l'exclusion ». Celle-ci permettrait d'élaborer un corps de doctrine et de propositions susceptibles de rendre plus efficaces la collaboration interinstitutions et « le partenariat obligé avec les collectivités locales ».

Hélène Morel et Jérome Vachon

Notes

(1)  Voir ASH n° 1923 du 21-04-95.

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