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Une révolution culturelle ?

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L'aide aux aidants vient bousculer le fondement même de l'action sociale gérontologique. Alain Villez, conseiller technique à l'Uniopss, analyse ses enjeux.

ASH  : Comment expliquer le faible développement des actions d'aide aux aidants ? Alain Villez  : Toutes les initiatives -accueils de jour, accueils temporaires, actions d'aide à l'entourage - sont encore très confidentielles (1). Tout simplement parce qu'elles ont du mal à se caler dans des dispositifs gérontologiques encore dominés par une conception manichéenne de la prise en charge des personnes âgées dépendantes : ou les professionnels l'assument entièrement, ou pas du tout. Or ces formules hybrides imposent à ces derniers d'abandonner cette tentation de toute-puissance et d'accepter de venir en complément de l'entourage. De même, elles supposent que les familles triomphent de cette culpabilité latente qui les submerge, dès lors qu'elles cherchent à se décharger, même partiellement, de leur parent âgé. ASH  : Comment se situe la France par rapport aux autres pays ? A. V.  : Nous sommes assez en retard par rapport aux pays anglo-saxons qui ont une approche plus pragmatique et plus respectueuse des solidarités de proximité. Ce type d'initiatives s'ancre donc mieux dans leur dispositif d'action gérontologique. Par exemple, en Grande-Bretagne, à côté des formules de soutien psychologique, les pratiques d'accueil temporaire des personnes âgées chez des particuliers sont très répandues. Le défi, si vous voulez, c'est que les professionnels et les non-professionnels, ou bénévoles, puissent travailler ensemble autour d'une problématique commune. Ce qui, dans notre culture française, est très difficile à obtenir. ASH  : Les actions d'aide aux aidants seraient donc une révolution culturelle ? A. V.  : Je crois, en effet, qu'on peut parler à leur propos d'une petite révolution culturelle. Car elles bousculent le fondement même de l'action sociale gérontologique qui s'est construite, en fait, sur le postulat de l'abandon de leur parent âgé par les familles. Et l'idée que ces dernières étaient plutôt à la recherche de solutions visant à les décharger complètement. Ainsi pour beaucoup d'intervenants, s'apercevoir, statistiques à l'appui, que les familles participaient très activement, et souvent seules, au soutien de leur parent âgé, fut une espèce d'état de choc ! Mais cette révolution culturelle n'a pas encore suscité toutes les initiatives qu'on serait en droit d'attendre. Parce que, précisément, on touche à ce qui est un élément fondateur de notre vie sociale :l'organisation des solidarités à l'égard des vieillards qui, encore aujourd'hui, est réputée être à la charge des familles. C'est d'ailleurs le sens de l'obligation alimentaire. ASH  : Peut-on espérer que la future prestation d'autonomie favorise la reconnaissance de l'aide aux aidants ? A. V.  : On est en droit de l'espérer dans la mesure où les plans d'aide peuvent permettre une reconnaissance du rôle des aidants familiaux auprès de leur parent âgé et la nécessité de les soutenir en prévoyant, par exemple, des interventions d'aide à domicile ou en proposant des solutions d'accueil de jour... La prestation d'autonomie pouvant même aller, du moins c'est ce que prévoyait le projet de loi présenté en octobre par Colette Codaccioni (2), jusqu'à salarier l'entourage (excepté le conjoint) à condition qu'il y ait un véritable contrat de travail. Ce qui constitue un paradoxe dangereux... ASH  : Pourquoi ? A. V.  : Parce qu'on est à la limite de l'aide aux aidants puisque cela revient pratiquement à professionnaliser l'entourage. Avec tous les risques d'ailleurs de générer des emplois sous-qualifiés. Et de sacrifier la qualité de la prestation à l'objectif sous-jacent de création d'emplois. Aussi peut-on espérer qu'une disposition aussi ambiguë ne soit pas retenue dans le nouveau texte qui devrait être présenté en juin. ASH  : Mais au-delà de la prestation d'autonomie, comment développer les initiatives ? A. V.  : Il faut d'abord éviter d'agir de façon désordonnée ou cloisonnée. L'aide aux aidants doit s'inscrire dans une prise en charge gérontologique locale cohérente et harmonisée. Et il reste beaucoup à faire, pour que des initiatives soient prises en étroite connexion avec les demandes des familles et de façon concertée par les acteurs locaux, pour développer des accueils temporaires, de jour, mais aussi et surtout, des lieux d'information et d'écoute des familles. Ces derniers manquent cruellement. Or, ils constituent, à mon avis, la première forme d'aide aux aidants. ASH : Que voulez-vous dire ? A. V.  : Que, pour moi, l'aide aux aidants, c'est d'abord être en situation d'écoute et d'accueil des familles. Les aider, c'est avant tout les reconnaître pour mieux les soutenir psychologiquement et les associer. En ce sens l'aide aux aidants est un concept qui doit complètement imprégner et renouveler l'ensemble de la prise en charge gérontologique, que les personnes âgées soient à domicile ou en établissement. Parce que l'une des clés de leur autonomie passe nécessairement par la prise en compte de leur entourage. Prendre en charge une personne âgée, c'est de plus en plus prendre en charge une situation familiale. Propos recueillis par I. S.

Notes

(1)  On compte actuellement près de 6 000 places d'accueil temporaire, une cinquantaine d'accueils de jour et une trentaine d'actions spécifiques d'aide aux aidants.

(2)  Voir ASH n° 1943 du 6-10-95.

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