Recevoir la newsletter

Ages et vie soutient les familles

Article réservé aux abonnés

Pour l'association Ages et vie (Val-de-Marne), qui intervient à domicile auprès notamment des personnes âgées dépendantes,  l'écoute et le soutien de l'entourage sont incontournables.

« Ces quatre ans, c'est un cadeau que nous avons fait à ma belle-mère, parce que, à l'hôpital, ils lui donnaient 15 jours à vivre. Mais nous n'y serions jamais arrivés tous seuls », résume avec simplicité Rosa S., en évoquant la période durant laquelle elle et son mari ont pu, avec le soutien de l'association Ages et vie (1), permettre à leur parente de rester vivre à son domicile jusqu'au terme de sa vie - Mme S. mère est décédée l'été dernier. Tout a commencé lorsqu'en janvier 1992, Geronima S., âgée de 91 ans, a été frappée d'hémiplégie et hospitalisée en court séjour à l'hôpital Charles Foix d'Ivry. « Comment s'organiser pour son retour ? Vous savez, quand un événement pareil vous tombe dessus, on ne sait pas ce qu'il faut faire ni à quoi s'attendre », confie Rosa, qui se souvient de son soulagement lorsque des responsables de l'hôpital lui ont signalé l'existence de l'association.

Décider ensemble

Implantée à Vitry-sur-Seine, mais intervenant sur plusieurs communes du Val-de-Marne, celle-ci dispose en effet de services conventionnés et coordonnés de maintien à domicile : un service de soins infirmiers, un service d'aides-ménagères et un service mandataire d'assistantes de vie. « J'ai eu rendez-vous avec Mme Ménajovsky, la responsable du service de soins infirmiers, qui est venue me voir - et rencontrer ma belle-mère - à l'hôpital. On a décidé ensemble de ce qu'il fallait mettre en place pour permettre à la grand-mère de rentrer chez elle », c'est-à-dire au rez-de-chaussée d'un pavillon dont Rosa et son mari occupent le premier étage.

Horaires de passage des infirmières pour les soins et la toilette, de l'aide-ménagère pour les repas et du kinésithérapeute pour la rééducation, c'est un emploi du temps minuté que Rosa a organisé, et où elle a pris toute sa part. Animatrice en centre de loisirs maternel, Rosa a en effet demandé un temps partiel pour pouvoir intercaler, entre ses heures de travail, de larges plages horaires lui permettant de revenir s'occuper de sa belle-mère. Soit une activité professionnelle de 7 h à 9 h, puis de 11 h 30 à 14 h et de 16 h à 18 h 30, le reste du temps étant consacré à Geronima. Epuisant ? « Oh non ! », répond avec chaleur cette dynamique femme de 49 ans, dont le fils aîné est marié mais qui a encore une adolescente à la maison. « Vous savez, la nuit, tout se passait bien. Il ne fallait pas coucher la grand-mère trop tôt, sinon elle trouvait le temps interminable jusqu'à l'arrivée de l'infirmière  c'est donc moi qui la mettait au lit vers 22 h avec son dernier médicament, mais après, je n'avais plus à me lever - et nous n'étions pas inquiets parce que, habitant à l'étage au-dessus, nous l'aurions entendue au premier appel. Et puis en mai ou en novembre, pour nous permettre de prendre une semaine, notre fille prenait le relais. »

Mais ce n'est pas tant de partir, souligne Rosa, qui lui a permis de tenir pendant ces quatre années, c'est d'être tranquillisée et soutenue dans la durée. Un soutien qu'elle a trouvé auprès des professionnels d'Ages et vie, mais aussi en rencontrant d'autres familles, confrontées comme elle à la perte d'autonomie d'un proche âgé. Mises en place par l'association depuis 1992, des réunions trimestrielles d'un « cercle des familles » permettent en effet aux aidants familiaux bénéficiant d'interventions de l'association, ainsi qu'aux personnels d'Ages et vie, de partager leurs problèmes et préoccupations. A ces rencontres, Rosa avait pourtant commencé par ne pas se rendre. « Au début, j'étais trop dans mes problèmes, trop débordée, et je me disais : voilà encore une chose de plus à assumer. Ce n'est qu'environ six mois plus tard, quand la grand-mère a commencé à aller mieux, que j'ai eu envie d'aller y faire un tour. »

Des réunions d'entraide

De ce premier contact avec le groupe des familles, Rosa garde un souvenir ému, notamment parce qu'elle a été touchée de constater que des personnes, ayant eu affaire avec Ages et vie dans le passé, revenaient soutenir les autres en dépit de la disparition du proche pour lequel ils étaient entrés en relation avec l'association -ce qu'elle-même se sent maintenant prête à faire. « Dans ces réunions, explique Rosa, on peut parler avec qui on veut, en étant sûr d'être compris et de ne pas ennuyer son interlocuteur parce que lui-même vit - ou a vécu - le même genre d'expérience. » Bien sûr, tout le monde ne vient pas au cercle des familles : en général les réunions ne regroupent qu'environ une quarantaine de personnes représentant quelque 30 familles, soit environ 6 % de celles avec lesquelles l'association est en contact, et une vingtaine de membres du personnel. Le mari de Rosa, quant à lui, ne participera qu'à une soirée du cercle : « En fait, ça le déprimait tous ces gens qui avaient les mêmes problèmes que nous, alors que moi, au contraire, pouvoir échanger des informations et des tuyaux, et parler à bâtons rompus avec des gens dont je me sentais proche, ça me faisait chaud au cœur. » Au point d'ailleurs que Rosa intégrera rapidement le petit groupe de cinq à six familles chargé de préparer ces réunions avec les responsables de l'association.

Rompre son isolement et avoir la possibilité, en discutant avec d'autres, de prendre du recul par rapport à ses propres difficultés, a été pour Rosa une aide précieuse. « Toute seule, analyse-t-elle aujourd'hui, je sais que bien souvent j'aurai craqué. Sans compter que pouvoir rencontrer les professionnels dans un autre cadre que celui du domicile, de manière plus détendue - on fait toujours un buffet -, cela a été aussi très important pour moi. Car confier une personne qui vous est chère et les clés de sa maison à des étrangers, ce n'est pas non plus très facile à vivre. Là, j'ai vraiment pris conscience que nous, les aidants naturels, on forme une équipe avec les aidants professionnels : seuls, nous ne pourrions rien, mais sans nous, ils ne seraient pas non plus en mesure de permettre à une personne âgée de rester vivre à son domicile. »

Ne pas méconnaître les limites de l'entourage

Ce travail en commun avec les familles, l'association, créée au début des années 80, en avait d'emblée compris la nécessité lorsqu'elle a eu l'idée d'inventer, pour les personnes âgées, une structure intermédiaire entre l'hôpital et le domicile. « Associer les familles et les professionnels de l'aide autour de projets de maintien à domicile nous a toujours semblé essentiel, souligne le psychologue Denis Mennessier, directeur d'Ages et vie depuis 1989. S'il est en effet indispensable de ne pas occulter la parole de la personne âgée, la plupart du temps, objet de la demande qui nous est faite, il ne faut pas non plus méconnaître les capacités et les limites de l'entourage parce que nous intervenons toujours dans le cadre d'une problématique familiale. » Aussi, soutenir psychologiquement les aidants familiaux en instaurant des espaces de communication et de dialogue entre les familles elles-mêmes, et entre les familles et les professionnels, est ce qui a poussé les responsables de l'association à impulser la création du cercle des familles, qui constitue un élément facilitateur de ce travail d'équipe. D'autant que l'entourage n'est pas forcément présent au moment du passage des services d'aide à domicile. Ouvertes à tous, c'est-à-dire aux proches des personnes aidées qui le souhaitent, ces réunions se veulent aussi ouvertes sur l'extérieur : une association ou une personnalité est invitée chaque trimestre à venir parler, qui de la maladie d'Alzheimer, qui de l'hospitalisation en long séjour, qui encore de l'entrée en maison de retraite. « Nous voulons éviter de “techniciser ” le secteur de l'aide à domicile, commente Denis Mennessier. Pour nous, c'est de relationnel qu'il importe de se soucier et c'est ce à quoi nous nous employons depuis toutes ces années, grâce à l'appui financier d'organismes tels que la Fondation de France. »

Partant donc du principe que l'intervention matérielle ne constitue pas une fin en soi - « on ne se précipite pas pour distribuer des prestations comme on vendrait de la choucroute »   -, c'est à la cellule d'accueil, d'orientation et de soutien de l'association qu'il revient d'apprécier les situations. Parce qu'il est particulièrement angoissant de vivre la diminution physique et mentale de ses proches, il y a à faire avec l'entourage tout un travail de deuil qui passe par l'écoute et n'aboutit pas forcément à une offre de service. De fait, précise Marie-Thérèse Ménajovsky, qui co-anime cette cellule d'accueil avec Denis Mennessier et deux infirmières, « on ne répond techniquement qu'à environ quatre situations sur dix. Dans les autres cas, ce dont nos interlocuteurs ont besoin, ce n'est pas d'une action mais de parler, quitte à revenir vers nous plus tard, lorsqu'une intervention sera réellement nécessaire ». « Il y a une espèce de recul, de distance, ajoute Denis Mennessier, que des familles arrivent à trouver, tout simplement parce qu'elles ont pu disposer d'un temps pour “s'asseoir” avec nous - y compris uniquement par téléphone. » Le besoin de confier ses difficultés tout comme celui d'être informé sur les possibilités d'aide existantes pour pouvoir, le cas échéant, y recourir, s'avèrent ainsi être les principales motivations d'une première prise de contact avec Ages et vie.

Lorsqu'il est nécessaire d'aller plus loin, un entretien plus approfondi est organisé avec la famille par les responsables de l'association, qui se rendent également auprès des personnes concernées par leur intervention. Le but est de faciliter l'émergence de solutions adaptées car tenant compte, de façon réaliste, des possibilités de l'ensemble du groupe familial. « Nous avons appris sur le terrain, explique Denis Mennessier, à travailler avec des ensembles : un couple marié, un couple mère/fille, un groupe familial, un réseau, et non pas seulement avec la personne âgée. » Reste que l'intervention de professionnels dans l'intimité familiale est une affaire délicate : chacun doit trouver sa place, toute sa place, mais rien que sa place. Ce qui signifie travailler en permanence les limites et les garde-fous avec les familles comme avec les professionnels, qui doivent précisément savoir jusqu'où aller pour faire, sans faire à la place de.

Soutenir les professionnels

« Il faut dès le départ et continûment, explique Denis Mennessier, déterminer un cadre précis sans lequel la majorité des professionnels, qui ne bénéficient que rarement d'une formation initiale spécifique, se voient exposer à des réalités et à des pressions à la limite du supportable. Pour moi, l'aide aux aidants familiaux commence par là : l'encadrement et le soutien des professionnels, car ce n'est pas à eux, une fois dans les familles, de décider ce qu'il y a à faire ou à ne pas faire et de prendre psychiquement sur leurs épaules toute la misère du monde. » C'est dire l'importance des réunions organisées au niveau de chaque service de l'association, dans lesquelles les personnels sont invités à mettre en commun expériences et difficultés. En outre, pour travailler de façon approfondie autour d'une situation précise, un groupe de parole animé par une psychanalyste se retrouve chaque semaine, en présence de tous les acteurs concernés par l'intervention et de l'équipe d'encadrement. « Faire que la parole circule, au maximum, entre les professionnels comme entre les familles et entre tous les aidants, à propos de ces projets de vie à domicile ou au-delà, pour préparer et faire accepter un hébergement, tel est l'objectif qui guide notre action », souligne Denis Mennessier.

Caroline Helfter

Notes

(1)  Ages et vie : 2 bis, rue d'Ivry - 94400 Vitry-sur-Seine - Tél. 1 46.81.15.35.

LES ACTEURS

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur