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Loi de 1975 : l'IGAS pragmatique

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Avant même les transformations législatives nécessaires, le rapport IGAS sur « la loi sociale » de 1975 propose quelques améliorations immédiates.

« S'il n'est pas révolutionnaire, ce rapport se veut concret et ses propositions devraient permettre d'améliorer beaucoup de choses. » D'emblée les auteurs expliquent le caractère mesuré de leurs propos, du fait des incertitudes liées à la future loi-cadre contre l'exclusion et aux clarifications sur le partage des compétences prévues par la loi sur l'aménagement du territoire. Qu'on ne s'attende donc pas, à la lecture du bilan de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales réalisé par la mission de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS), à trouver une révision de fond en comble du dispositif (1). Mais davantage des amorces de travail visant à faciliter des modifications législatives ultérieures. « Des révisions nécessaires », s'accorde à souligner Pierre Gauthier, directeur de l'action sociale, même s'il souligne qu'il n'y a pas « extrême urgence », renvoyant à l'année 1997 la possibilité pour qu'un projet de loi soit déposé. Tout en reconnaissant, par ailleurs, « partager très largement les constats de l'IGAS ». Rien donc dans le rapport, commandé à l'occasion du XXe anniversaire de la loi par Simone Veil, alors ministre des Affaires sociales, qui puisse expliquer les lenteurs de sa diffusion.

Un cadre souple

Première évidence : « l'extraordinaire adaptabilité » de la loi de 1975, issue en quelque sorte de la loi hospitalière du 31 décembre 1970. D'une gestation laborieuse, celle-ci consacre la séparation entre le sanitaire et le social et introduit une notion nouvelle : le médico-social. Le cadre souple de coordination et de régulation qu'elle a prévu, ayant permis le développement d'une constellation importante d'institutions œuvrant dans le champ du handicap, de la vieillesse, des enfants et adultes en difficulté (voir encadré au verso).

Néanmoins, le dispositif a connu d'innombrables toilettages, compléments, et aménagements et surtout subi de plein fouet le choc majeur de la décentralisation « sans que l'architecture du texte de 1975 ait été revue ». C'est ainsi que depuis la loi particulière du 6 janvier 1986, l'autorisation relève, suivant la nature de l'équipement, du représentant de l'Etat ou du président du conseil général, voire de leur décision conjointe. Ce qui laisse déjà entrevoir tous les aléas liés à ce « pouvoir partagé ». De plus, la loi de 1986 intègre dans la loi sociale deux notions nouvelles : le schéma qui souffre d'une série de fragilités (absence de sanction prévue en cas de non-réalisation, périodicité de sa révision non fixée) et l'habilitation. Ainsi, dès 1986, les compromis mis en place contenaient en germe certaines difficultés. Tandis qu'un nouvel élément de déséquilibre est intervenu plus récemment avec la loi du 18 janvier 1994 relative à la santé et la protection sociale (2). Certaines dispositions venant remettre en cause certaines options de la loi sociale.

Or, au regard des travaux nationaux récents, il apparaît que « les évolutions du contexte tendent à transformer ce qui était de simples déséquilibres ou fragilités, en réelles difficultés », constate l'IGAS. C'est ainsi que les équipements et services se sont créés de façon empirique du fait du développement inégal des schémas départementaux, entraînant le maintien ou l'aggravation des disparités. Sur ce point, l'enquête de la DAS menée en 1995 est riche d'enseignements. Les départements seraient dotés d'un schéma relatif aux établissements accueillant des enfants handicapés à 71 %, aux établissements accueillant les personnes âgées à 60 % , aux structures pour adultes handicapés à 53 %, tandis que 51 % disposeraient d'un schéma relatif aux CHRS. Et que 16 %, seulement, en auraient élaboré un pour l'aide sociale à l'enfance. Sachant que la qualité desdits schémas laisse parfois à désirer. Le rapport relevant, également, l'insuffisance des travaux nationaux d'appui à l'estimation des besoins et à la planification.

Enfin, parmi les autres difficultés, faut-il évoquer la remise en cause actuelle des frontières entre le sanitaire et le social du fait des évolutions démographiques, sociales, médicales. Par exemple, le grand âge rend floue la distinction entre l'état de bonne santé et de maladie. Ou encore, l'apparition de nouveaux équipements ou services qui tentent de se développer en marge de la loi de 1975 pour répondre aux problèmes d'urgence et d'insertion, sans disposer d'un cadre de régulation ni de moyens stables de financement.

Une enquête de terrain

Autant de constats confirmés par l'enquête de terrain effectuée par la mission qui a visité quatre régions et neuf départements (3). Deux d'entre eux ayant élaboré un schéma global : la région Midi-Pyrénées qui a réalisé un schéma unique d'organisation sanitaire et social (SROSS) avec une concertation DRASS/CREAI/CODERPA  le département de la Haute-Vienne qui a produit trois schémas enfance-famille/handicapés/personnes âgées avec un partenariat très large.

La mission IGAS relève ainsi l'extrême diversité des méthodes d'estimation des besoins et d'élaboration des schémas. Et « on voit mal, comment le système présent pourrait conduire à une réduction des disparités et constituer un gage de bonne adaptation des équipements sociaux et médico-sociaux aux défis sociaux et financiers qui les attendent ».

En conséquence, le système des autorisations s'appuie sur des éléments très variables d'appréciation discutés au sein des comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale (CROSS). Des structures « dont le rôle régulateur ne peut être nié ». Ce ne sont pas « de simples chambres d'enregistrement », même si le nombre et la proportion des avis défavorables varient beaucoup selon les quatre régions enquêtées (de 8 % à 23 %). Néanmoins, faut-il noter la lourdeur de leur fonctionnement et surtout l'absentéisme des élus qui les fragilise fortement.

Enfin, plusieurs départements visités font état de « difficultés sérieuses » pour mettre en œuvre les dispositions relatives à la fermeture des établissements, et ce, autant du côté des services des conseils généraux que ceux de l'Etat. La fermeture pouvant être décidée, pour une structure fonctionnant sans autorisation par l'autorité compétente pour l'autoriser, ou dans le cadre de ses pouvoirs de police, par le préfet. La mission, à partir de trois exemples très concrets, met en évidence les fréquents jeux de ping-pong entre préfet et président du conseil général générés à cette occasion.

Si de l'avis des interlocuteurs, la loi de 1975 « n'a pas empêché de faire », elle n'en comporte pas moins un certain nombre de lacunes. Et notamment, elle est inadaptée à la création d'accueils de jour, de services d'accompagnement social, de foyers à double tarification, de lieux de vie... Tandis que la séparation du sanitaire et du social vient perturber la continuité des prises en charge, notamment pour les personnes âgées, les jeunes handicapés, les malades mentaux stabilisés, les toxicomanes...

Mais surtout, le rapport met en évidence les difficultés de tarification des DDASS, DRASS et services des conseils généraux. A la multiplicité des modes et l'imprécision des contenus tarifaires s'ajoutent les problèmes d'application des circulaires budgétaires annuelles dans un contexte « pressant » de maîtrise des dépenses. Des difficultés fortement ressenties par les services de l'Etat qui fonctionnent, depuis quelques années, sur un système d'enveloppes qui n'a aucune base juridique. Ce qui explique, en grande partie, le développement du contentieux de la tarification avec une multiplication des recours engagés contre les décisions d'une administration « enlisée » dans un système complexe et lourd.

Quel avenir pour la loi sociale ?

A l'évidence « des changements sont nécessaires » qui ne soient pas de simples toilettages, affirme l'IGAS, retenant cinq orientations principales. D'abord, affirmer la place de l'usager par l'élaboration de réels projets d'établissements, de « projets de vie » fondés sur des contrats, et de schémas prospectifs partant des besoins et non de l'offre existante. Ensuite, s'engager dans une véritable démarche de coordination, de planification et d'évaluation. Le rapport propose également d'adapter la loi au nouveau contexte (définir au niveau réglementaire ce qu'est un établissement, intégrer les notions nouvelles d'accueil et d'accompagnement, revoir les définitions des établissements couverts) et de diversifier les modes de régulation. C'est ainsi qu'elle suggère de prévoir la possibilité de dispositifs moins contraignants que l'autorisation, de renforcer les pouvoirs de contrôle des fonctionnaires des services territoriaux à l'égard des institutions sociales et médico-sociales, notamment lorsqu'elles ne sont pas habilitées au titre de l'aide sociale. Ou encore d'aménager les règles de tarification en s'orientant vers un système basé sur l'état des personnes accueillies (et non sur le statut juridique de l'établissement) et se rapprochant de celles régissant les refus d'habilitation. Autant de points sur lesquels la mission ne tranche pas de façon catégorique, mais propose plusieurs options, soulignant qu'il s'agit d'un domaine sensible, et souvent conflictuel, entre le secteur associatif, les collectivités territoriales et l'Etat.

Bien des améliorations peuvent survenir sans transformation législative, précise l'IGAS. A commencer par l'amélioration de la fonction observation et études. La mission évoquant ainsi l'amélioration des outils informatiques de la CDES ou de la Cotorep ou encore le renforcement du pôle d'observation et d'évaluation du ministère des Affaires sociales.

Par ailleurs, les rapporteurs estiment utile de mettre assez rapidement en place, sous l'égide de la DAS, une procédure de concertation préparatoire aux modifications législatives, impliquant au besoin certaines expérimentations. Ce qui permettrait que les nouvelles règles de régulation soient discutées par les partenaires : promoteurs, financeurs, décideurs, usagers. « On rejoindrait ainsi les origines du texte de 1975 qui a fait suite à un courant très important d'analyse et d'expérimentation. »

Isabelle Sarazin

LA LOI DE 1975 EN CHIFFRES

C'est « avec prudence » que l'IGAS présente « les quelques données de synthèse disponibles », soulignant « les nombreuses insuffisances », de l'appareil de statistiques et d'études sur les institutions sociales.

 En 1994, les dépenses consacrées aux institutions sociales et médico-sociales représentent près de 75 milliards de francs (dont 10 % pour l'Etat, 36 % pour les départements, 54 % pour l'assurance maladie). Des dépenses en accroissement rapide.

 Avec près de 22 000 établissements ou services, près de 1 200 000 lits ou places (ou de personnes suivies), le secteur médico-social et social représente une capacité bien supérieure à celle du système hospitalier (3 810 établissements de santé publics et privés et 680 840 lits ou places).

 Les établissements emploieraient près de 350 000 personnes en équivalents temps plein (dont plus de la moitié dans le secteur des personnes handicapées ou en difficulté).

 On note un quasi-monopole du secteur associatif dans le domaine des personnes handicapées ;une part beaucoup plus importante du secteur public et aussi, fait récent, du secteur privé à but lucratif dans le domaine des personnes âgées. Au total, les associations gèrent 48 % des équipements couverts par la loi de 1975, un pourcentage en légère diminution par rapport à 1984 (51 %). La gestion des services sociaux représente donc un enjeu important pour le secteur associatif.

Notes

(1)  Bilan d'application de la loi du 30 juin 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales - Décembre 1995 - Présenté par Marie-Françoise Guérin, Marie-Thérèse Join-Lambert, Suzanne Morla et Daniel Villain - Voir ASH n° 1954 du 22-12-95.

(2)  Voir ASH n° 1867 du 17-02-94.

(3)  Midi-Pyrénées (Haute-Garonne, Lot), Limousin (Haute-Vienne), Rhône-Alpes (Rhône, Isère, Loire) Alsace (Bas-Rhin, Haut-Rhin), Ille-et-Vilaine.

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