Recevoir la newsletter

La psychiatrie bousculée par le VIH

Article réservé aux abonnés

De plus en plus fréquents dans l'évolution de la maladie, les troubles psychiatriques liés au VIH restent mal pris en compte. C'est un véritable constat de l'incapacité de notre dispositif de soins à promouvoir une approche globale du patient que dresse le docteur Christiane Charmasson dans son rapport Psychiatrie et VIH , réalisé avec l'appui de la mission sida (1).

Ce dernier met en évidence la méconnaissance respective des mondes du psychiatrique et du médical, la différence de langage étant un obstacle permanent au dialogue et donc à la collaboration. Plus inquiétant encore, en raison d'ailleurs de « la relation complexe et difficile entre le psychiatre et le somaticien », la majorité des « psy »   (2) ne se sentent guère encore concernés par le sida, manifestant généralement une indifférence, voire une inertie. Ainsi « les psychiatres éloignés des services de médecine, dans les centres hospitaliers spécialisés (CHS), ne savent pas faire appel au médecin somaticien ». Il est pourtant « devenu impossible aux psychiatres de secteur public d'ignorer plus avant les difficultés psychologiques ou psychiatriques des sidéens, le désarroi de leurs proches et le questionnement des équipes de soins. Il leur faudra rapidement transformer leurs pratiques et s'adapter », affirme avec force Christiane Charmasson.

Des besoins mal couverts

En effet, alors que les pathologies à composante neuropsychiatrique augmentent, pouvant s'accompagner de graves troubles du comportement, les besoins restent mal couverts. C'est ainsi que sur 34 centres d'information et de soins pour l'immunodéficience humaine  (CISIH) de province, la moitié sont insatisfaits de la réponse qu'ils apportent aux besoins psychologiques et psychiatriques des malades et de leur entourage. Seuls deux ont établi des liens formalisés avec le secteur psychiatrique. Quant aux médecins somaticiens, ils reconnaissent avoir besoin de psychiatres pour les malades en crise aiguë, pour les patients notoirement psychiatriques, pour les périodes difficiles, dépressives et en fin de vie. Une telle présence s'avérant également nécessaire lorsque le patient est installé dans une pathologie chronique, parfois en rupture avec sa famille ou la société, ou pour accompagner l'entourage familial ou soignant.

Or que constate-t-on ? Que la collaboration du médical et du « psy » se heurte à la complexité du système d'admission en urgence en psychiatrie et à l'insuffisant développement de la psychiatrie de liaison, pourtant facteur de la continuité des soins. C'est ainsi que trop souvent « l'absence d'institutionnalisation d'une psychiatrie d'alliance » entraîne les services de médecine, « sensibles aux besoins psy de leurs patients », à mettre en place des réponses ponctuelles et isolées. Entraînant une augmentation du recrutement de vacataires, psychologues ou psychiatres, dans les services de médecine. « Des choix globalement inefficaces mais également éthiquement contestables », souligne Christiane Charmasson. Evoquant, par ailleurs, les difficultés particulières pour les toxicomanes, où « la triple collaboration entre médecins, psychiatres et intervenants en toxicomanie, ne semble pas toujours naturelle », renforcées encore pour les SDF toxicomanes ou pire pour les malades en situation irrégulière.

De leur côté, les intervenants dans le cadre de l'hospitalisation à domicile  (HAD), les réseaux ville-hôpital, les CHRS insistent sur les difficultés rencontrées pour le suivi psychiatrique à domicile des malades et « la nécessité de trouver des solutions appropriées ». Des attentes également formulées par les services de soins infirmiers à domicile et les associations. Ce qui soulève « la question du nombre des intervenants spécialisés et de leurs possibilités de dépasser et franchir le cadre classique des murs de l'hôpital », souligne l'auteur. Tandis que « d'une façon générale, les réponses de soins psy sont le plus souvent ponctuelles, sans avant ni après, ni liens construits avec le patient lorsqu'il rentre chez lui en HAD ou en fin de vie ». Certes quelques initiatives de collaboration existent comme la présence, en Seine-Saint-Denis, d'équipes mobiles « psy-VIH » rattachées au CHS et mises à la disposition des établissements, la création en 1992 d'Espace social et psychologique d'aide aux personnes touchées par le virus du sida (3) ou les réponses mises en place par l'Association de santé mentale du XIIIe à Paris. Mais « elles ne reposent actuellement sur aucun support officiel permettant de les soutenir ». De même, après l'expérience pionnière du CHS de Ville-Evrard, des centres hospitaliers assurant principalement des soins spécialisés en psychiatrie ont développé des comités sida mais ils tiennent trop souvent à l'engagement de quelques personnes.

Eviter l'effet ghetto

Quant aux recommandations, objet d'une circulaire DGS/DH en cours d'élaboration et qui pourrait être diffusée en juin, elles sont guidées par un double souci. Ne pas créer de structure spécifique afin d'éviter l'effet ghetto sida et psychiatrie, mais aussi avoir une approche cohérente tenant compte de l'existant. Bon nombre de propositions tournent autour du renforcement de la collaboration entre les services de médecine et les structures psychiatriques avec toutefois un principe fondamental : les patients doivent rester préférentiellement dans le service qui les suit et, lorsque le transfert en psychiatrie est indispensable, faut-il veiller à la qualité de l'accueil. Tandis qu'est évoquée également la nécessité d'inciter à une réelle prévention de la transmission du VIH en milieu psychiatrique, encore peu mise en œuvre. Autres pistes : développer une présence « psy » dans les centres d'information et de dépistage anonyme et gratuit, créer une commission « psy » dans chaque CISIH, encourager les centres hospitaliers assurant principalement des soins spécialisés en psychiatrie à créer des comités sida. Incontournable, par ailleurs, le développement de la psychiatrie de liaison, la création de petites équipes « psy-VIH » mobiles devant être encouragée. Enfin, faut-il soutenir davantage le rôle des DRASS et des DDASS et mettre en place une mission « psy-VIH » afin de coordonner le maillage existant au niveau régional et départemental.

Isabelle Sarazin

Notes

(1)  A partir d'une étude nationale auprès des CISIH, des DDASS, des DRASS et des psychiatres - Mission d'étude pour améliorer les liaisons entre les services de médecine et les services et établissements psychiatriques  (décembre 1995)  - Mission sida - Ministère du Travail et des Affaires sociales : 8, avenue de Ségur -75007 Paris - Tél. 1 40.56.58.33.

(2)  Selon la terminologie de l'auteur qui englobe tous les intervenants assurant l'aide psychologique et le soin psychiatrique.

(3)  Voir ASH n° 1926 du 12-05-95.

L'ÉVÉNEMENT

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur