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Prendre la parole ou « tenir parole » ?

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« Que fait la profession depuis qu'elle existe, sinon prendre la parole et donner la parole ? » , interroge Charles Ségalen, éducateur spécialisé (1), en écho à l'appel lancé dans les ASH en décembre dernier (2). Il invite plutôt les professionnels à « tenir parole » .

« Les ASH ont engagé en décembre dernier un débat sur l'articulation à trouver entre le travail social et la recherche. Un appel était lancé : “Prenons la parole”.

« Les réactions n'ont pas manqué qui, à leur tour, appellent d'autres observations. A entendre certains, le travail social n'aurait d'autre ambition que de contenir, c'est-à-dire garder stable le déséquilibre social que nous connaissons  autrement dit gérer le parc des exclus, en veillant bien sur sa croissance.

« Il est dans la commande de l'Etat, en effet, de maintenir en l'état. Cependant, le choix d'y souscrire, ou non, n'est en aucun cas innocent. D'un côté comme de l'autre, c'est toujours de militantisme qu'il s'agit : celui qui d'un bord s'emploie à faire de la “conserve”, ou celui qui, de l'autre, rappelle que tout emballage, aussi bien conditionné qu'il soit, a sa date de péremption.

« Aussi, prétendre que le militantisme n'a pas sa place dans le travail social revient à imaginer un professionnel sur orbite extraterrestre, hors le champ de la pesanteur, comme dans une position de zen social, en état de lévitation au-dessus de la masse des “usagés”.

« Que fait la profession depuis qu'elle existe, sinon prendre la parole et donner la parole, pour contenir le passage à l'acte et éviter le retour du Même ?S'agissant du système social qui s'enferre lui-même dans ces impasses, le travailleur social aurait-il perdu tout d'un coup ses facultés ?

« Neutralité et action sociale n'ont guère de marché à conclure que de dupes. Il ne s'agit pas ici de pulvériser l'Etat, mais de refuser au contraire l'état de décomposition qui, de la région au département, puis de la ville au quartier, entend éveiller une nouvelle conscience collective qui aboutit dans la cage d'escalier, laquelle réinvente sa police, sa justice et sa culture, sous le regard sidéré de travailleurs sociaux atomisés. C'est être aveugle, sourd et, comme il convient alors, muet que d'ignorer cet état de choses.

« Ne s'agit-il pas tout simplement pour l'acteur social de tenir parole ? Et plutôt que de s'inquiéter de la confisquer aux exclus, que ne s'inquiète-t-il donc de se l'interdire, de se la confisquer lui-même et, partant, de s'exclure ? Curieux miroir. »

Les chercheurs dressent le bilan de l'appel

Environ 330 personnes ont signé l'appel. Et plus d'une cinquantaine d'entre elles se sont réunies à plusieurs reprises à Paris. « Rapporté au mouvement social de novembre et décembre, c'est peu. Mais la diversité des participants a montré que des groupes de travailleurs sociaux actifs existaient à Paris et en province, que cet appel avait sa place au milieu d'un ensemble d'initiatives du même type (DAL, Droits devants, Médecins du monde, l'appel des Sans, Pote à pote...) et surtout que tous posaient de manière réitérée la question de l'organisation des ressources et des moyens militants », indiquent les initiateurs de l'appel dans la lettre ouverte qu'ils viennent d'adresser aux signataires. « Aux avant-postes de la fracture sociale, les professionnels tout comme les “experts” du secteur sont de plus en plus sollicités. Ils ne peuvent se contenter d'être des spectateurs muets et des exécutants dociles. Ils peuvent et doivent aussi être des militants de leur profession. Un mouvement se dessine dans ce sens », insistent-ils en conclusion.

Notes

(1)  Charles Ségalen : 68, avenue Simon-Bolivar - 75019 Paris. A publié dans les ASH (n° 1965 du 8-03-96) une tribune libre intitulée « L'exclusion a-t-elle une âme ? ».

(2)  Voir ASH n° 1952 du 8-12-95.

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