ASH : Quelles sont les raisons de votre inquiétude concernant les 10-12 ans ? C.M. : Depuis deux ou trois ans, nous constatons, à Nantes, que les enfants entre 10 et 12 ans fréquentent de moins en moins les structures de loisirs qui leur sont proposées. Et ceci dans une proportion importante. Des enfants, qui avaient fréquenté des structures de loisirs pendant plusieurs années, n'y viennent plus pendant deux ou trois ans. Et, quand ils réapparaissent dans les structures d'animation jeunes, certains d'entre eux posent des difficultés d'ordre comportemental ou sont difficilement mobilisables. Il faut préciser que l'intervention d'Accoord se situe majoritairement dans les quartiers d'habitat social de la ville. ASH : Comment expliquez-vous ce phénomène ? C.M. : Nous avons l'impression qu'avec les modifications profondes que connaît aujourd'hui la société, en particulier l'évolution de la famille, la vie de ces enfants a considérablement changé. Sont-ils encore des enfants ou déjà des préadolescents ?Il est vrai que certains de leurs comportements nous incitent à penser qu'ils sont désormais plus proches de l'adolescence que de l'enfance. Ils semblent avoir une autonomie plus importante et on leur confie davantage de responsabilités que par le passé. C'est en tout cas l'une des hypothèses que nous faisons et qui semble se confirmer. Il y a également le fait qu'il s'agit, sur le plan scolaire, d'une période de transition entre le primaire et le collège. Car après 12-13 ans, la fréquentation des « clubs jeunes » remonte à un taux normal pour la population concernée. Il faut cependant rester prudent car cette tranche d'âge est mal connue, très silencieuse. D'ailleurs, en termes de prévention primaire - notre axe d'intervention prioritaire -, cette période de l'enfance n'a pas été suffisamment investie, et pas seulement à Nantes. En effet, on s'est beaucoup préoccupé en France, ces dix dernières années, de la petite enfance et de l'adolescence. Mais les 10-15 ans ont été un peu oubliés. Ainsi, très peu de chercheurs se sont intéressés à cette période charnière. C'est ce qui me fait parler d'enfance silencieuse. ASH : Quelles initiatives avez-vous déjà prises ? C.M. : Evidemment, nous nous demandons si les centres de loisirs et les contenus d'animation sont réellement adaptés à cette population. Certains animateurs ont d'ailleurs déjà commencé à mettre en place un accueil beaucoup plus souple et travaillent avec des petits groupes liés à des réseaux affinitaires d'enfants. Mais il est encore un peu tôt pour en mesurer l'impact. Par ailleurs, afin d'essayer de comprendre ce qui se passe, nous avons mis en place, depuis un an, un groupe de réflexion interne « 10-15 ans », constitué d'animateurs socio-culturels, qui a mené une première enquête auprès des enfants. Ce travail se poursuit car l'échantillonnage est encore trop restreint pour dégager des résultats fiables. Les premières données confirment cependant nos hypothèses : à savoir que les 10-12 ans sont très autonomes. Ainsi, même ceux qui habitent en périphérie ont un accès très libre au centre-ville et utilisent en toute indépendance les équipements publics de loisirs. On observe également qu'ils réclament, très fortement, à être associés aux choix des animations et à leur préparation. Ils n'attendent plus que ce soient les animateurs qui établissent un programme d'activités. C'est d'ailleurs l'une de nos pistes de réflexion :associer les enfants au dispositif d'animation et réfléchir à leur implication en termes de citoyenneté.
(1) Organisée du 26 au 28 mars à Nantes par l'Agence municipale pour la réalisation d'activités éducatives, sociales et culturelles (Accoord) : Place de la Manu - BP 1251 - 44023 Nantes cedex - Tél. 40.74.02.52.