« Toute ma vie jusqu'à l'âge de 58 ans, alors que j'avais un mari et des enfants, j'ai ainsi rêvé debout, dans la rue, dans les gares, à la mer ou à la montagne. Toujours était prête à bondir cette propension à projeter sur des inconnues le fantasme de ma mère. Du jour où je sus qui elle était, quel était le berceau de mes ancêtres, tout fut fini. » Ainsi s'exprime Annette Blain, de son vrai nom Pauline Olivier, née le 10 juillet 1919 à Paris, abandonnée à 2 ans et demi et non adoptée. Dans ce livre témoignage, cri à la fois de souffrance et de révolte, elle raconte son parcours de pupille de l'Etat tourmentée par le secret autour de sa naissance. Un « non-dit » qu'elle vécut pendant la majeure partie de son existence, faisant supporter à son mari et leurs six enfants « une vie discontinue et injuste », entrecoupée de « crises de dépression inimaginables ». Jusqu'au jour où, enfin, elle parviendra à lever le voile du silence après avoir mené un combat obstiné contre l'Assistance publique. Celle qui, aujourd'hui disparue, créa en 1978 l'Association pour le droit des pupilles de l'Etat et adoptés à leurs origines (DPEAO) et, en 1990, Généalogie-abandonnés (Gén-ab), raconte ainsi « cette souffrance difficilement partageable », née de « la confiscation de son passé ».
Il faut lire ce récit, fait de larmes et de colère, pour saisir quels drames humains se jouent derrière les querelles d'experts autour de la levée ou non du secret des origines. Et mieux comprendre ainsi le combat passionné mené par les associations de pupilles et d'adoptés au sein d'un débat extrêmement douloureux, comme vient encore de le montrer le rapport Pascal (voir ASH nº 1965 du 8-03-96).
Née de père et mère inconnus ou Le droit aux origines pour les abandonnés/adoptés - Annette Blain - Ed. L'Harmattan - 190 F.