Le député du Doubs (RPR), Claude Girard, a présenté, mercredi à l'Assemblée nationale, un rapport sur l'évolution du RMI dans lequel il note d'emblée un ralentissement du nombre d'allocataires en 1995, ce qui correspond à une hausse de 4,5 % (contre 15 % les années précédentes). Une modération confirmée par le ministère des Affaires sociales, le même jour, qui estime à 949 000 le nombre de titulaires fin 1995 (dont 105 000 dans les DOM). Chez Jacques Barrot, on reste cependant prudent, remarquant que « l'augmentation du nombre de demandeurs d'emploi depuis l'automne laisse présager une reprise du mouvement de hausse des effectifs dés le début de 1996 ».
Le député souhaite que le RMI soit « recentré vers une véritable insertion, simplifié et mieux contrôlé » et présente, en ce sens, 12 propositions axées autour de ces trois idées, dans la mesure où le coût total du dispositif (allocation + insertion + emploi) devrait atteindre 32 milliards de francs en 1996, dont 23 milliards pour le seul versement de l'allocation.
Faciliter l'insertion. D'une façon générale, le rapporteur considère que le RMI ne constitue plus une réponse adaptée à l'ensemble des bénéficiaires. Il souhaite ainsi distinguer une « logique de revenu minimum pour les personnes qui doivent surmonter de graves handicaps sociaux, impliquant un devoir d'insertion tant pour l'allocataire que pour la collectivité nationale » et la mise en place d'un « revenu minimum d'activité pour les personnes susceptibles d'une insertion professionnelle rapide ».
L'insertion des allocataires devra être facilitée non seulement vers le secteur à but non lucratif, par le décontingentement du nombre de contrats emploi-solidarité (CES), mais surtout vers l'entreprise. Dans cette dernière hypothèse, une insertion spécifique en deux étapes, pour éviter que ne joue un simple effet de substitution, devrait être développée. Dans un premier temps, l'allocataire bénéficierait, sous la responsabilité d'un tuteur, d'une formation et d'une intégration dans l'entreprise. Dans un deuxième temps, équivalent au premier en durée, il travaillerait pour un salaire au minimum égal au SMIC, l'entreprise ne conservant à sa charge que la différence entre le salaire versé et le montant du RMI.
L'action des entreprises d'insertion et des associations intermédiaires, qui sont « un bon sas vers l'insertion professionnelle », devra aussi être renforcée. Elles bénéficieraient ainsi de contrats d'objectifs à plus long terme, trois ans par exemple, dans le même esprit que la mesure présentée par Alain Juppé au CNVA pour contractualiser les subventions aux associations (3). Un quota prioritaire sur les marchés publics pourrait également leur être attribué. Par ailleurs, les fonds d'aide aux jeunes en difficulté pourraient davantage être orientés vers des projets d'insertion.
Simplifier le dispositif. Préalablement à tout dossier, un véritable bilan médical et social du futur allocataire, avec entretien personnalisé, devrait permettre une réelle prise en charge de la personne à insérer. Les dérives comme les « instructions de dossier par téléphone » n'ayant plus lieu d'être. La commission locale d'insertion (CLI), déchargée du traitement des cas individuels, pourrait ainsi se concentrer sur un travail d'orientation, par le biais de commissions à thème (logement, emploi, santé...), laissant au « terrain » la responsabilité des initiatives. L'instruction relèverait alors du ressort total du service social, la CLI se contentant de valider le contrat d'insertion ou, le cas échéant, de proposer la radiation de l'allocataire.
Mieux suivre l'allocataire. A l'instar de ce qui est fait pour l'insertion des personnes handicapées au travers d'équipes de préparation de suite du reclassement (EPSR), l'allocataire du RMI serait suivi, tout au long de son parcours d'insertion, de manière personnalisée par un interlocuteur unique. Claude Girard ne veut pas « plaider pour des mesures inquisitoires qui viseraient à mener une chasse systématique aux fraudeurs éventuels [mais] une connaissance concrète des intéressés est indispensable à un suivi efficace des actions entreprises à leur intention. [Ainsi]des contacts réguliers entre l'allocataire et les services sociaux [permettraient] de s'assurer de la présence en France du bénéficiaire et de déceler des éléments (dérobade, refus de travail...) indiquant l'opportunité d'un contrôle approfondi ». La généralisation d'une carte de santé personnelle et infalsifiable pourrait également être un bon moyen de pallier les risques de fraude.
Conscient des moyens nécessaires, notamment à la mise en place d'un suivi personnalisé des allocataires et du décontingentement des CES, Claude Girard estime que « la gravité de la situation doit faire prendre conscience à chacun de ses responsabilités ». Des moyens financiers sont nécessaires si l'on veut assurer de manière efficace la « lutte contre la fracture sociale ». Le député, rapporteur l'année dernière du budget « Ville et intégration », nous a par ailleurs précisé qu'il n'excluait pas, si ces propositions n'étaient pas retenues, d'amender la future loi contre l'exclusion ou le projet de loi de finances pour 1997 dans un sens favorable à ses propositions.