ASH : Quels sont les principaux objectifs de votre association ? J.-C.G. : C'est clair. Nous souhaitons l'accès aux origines le plus total, comme ça se fait dans tous les pays du monde. On a trop souvent coutume de dire, en France, que l'abandon est inéluctable ou que l'accouchement sous X est un « geste d'amour ». C'est totalement faux. Il s'agit surtout de femmes en détresse qui sont contraintes d'abandonner leur enfant parce qu'elles n'ont pas les moyens de faire autrement. Si elles avaient eu du travail ou un soutien de la part de leur famille, elles auraient pu le garder. Que l'abandon soit parfois indispensable, comme dans les cas de viol, d'inceste ou de maltraitance, c'est évident. Nous ne sommes pas contre. Ce que nous contestons, ce sont les dérives de l'adoption à tout prix, avec les différentes lois promulguées depuis 1941 sous l'incessante pression des fédérations des parents adoptifs. La société ne doit pas un enfant aux couples qui ne peuvent pas en avoir. L'enfant ne sera jamais un dû. Malheureusement, à l'heure actuelle, en cas d'accouchement sous X, c'est un citoyen à qui, unilatéralement, on retire ses origines. Nous avons parfois le sentiment de n'être que de la matière à adopter. Dès notre naissance, nous sommes amputés de notre identité, de nos racines et de notre mémoire. Tout ce dont l'être humain a besoin pour se construire. Et quand nous osons demander à connaître nos origines, nous passons très souvent pour des ingrats aux yeux des parents adoptifs. Pourtant, je ne vois pas en quoi le fait de savoir d'où nous venons changerait quoi que ce soit à l'affection que nous pouvons porter à l'égard de ceux qui nous ont donné un foyer. Tout ce que nous voulons, c'est savoir qui nous sommes. ASH : Que reprochez-vous à la proposition de loi Mattei sur l'adoption ? J.-C.G. : Ce que nous lui reprochons, c'est de vouloir verrouiller encore plus le secret, d'envisager une réduction du délai de rétractation au consentement à l'adoption, qui est pourtant déjà court (trois mois), et d'encourager l'accouchement sous X. Mais quand le professeur Mattei cherche à améliorer les procédures d'adoption, par exemple en proposant de rendre adoptables plus rapidement des enfants effectivement délaissés par leurs parents, nous ne voyons rien de scandaleux à ça. Malheureusement, ce texte a été voté au pas de charge et sans attendre les conclusions du groupe de travail sur l'accès aux origines, qui viennent d'être rendues à Jacques Barrot (2). Nous avons du mal à faire entendre notre voix et je considère que nous ne bénéficions pas de la démocratie la plus élémentaire pour pouvoir faire valoir nos arguments, auprès des médias notamment. ASH : Le groupe sur l'accès aux origines propose, notamment, de supprimer l'acte provisoire de naissance et de créer une instance de médiation. Cela répond-il à vos attentes ? J.-C.G. : C'est insuffisant. La suppression de l'acte provisoire de naissance ne changerait rien sur le fond, c'est-à-dire le maintien de l'anonymat des parents. Quant à l'instance de médiation, ça ne marchera jamais. C'est un étouffoir. Je n'y crois pas du tout. En revanche, je crois à la vérité. Il n'y a pas d'autre alternative. Le reste, c'est de la poudre aux yeux. Ce que nous demandons, c'est l'application de l'article 7 de la convention internationale des droits de l'enfant qui prévoit le droit de l'enfant à un nom et, dans la mesure du possible, « le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux ».
(1) DPEAO : 2, rue de la Censive - 91310 Longpont-sur-Orge - Tél. (1) 69.80.76.99.
(2) Voir ce numéro.