Créé en 1958, le système du supplément de loyer (ou surloyer) consiste à faire payer aux locataires vivant dans des logements sociaux un complément de loyer dès lors que leurs ressources dépassent un certain plafond. En 1986, ce dispositif avait été aménagé afin de laisser une plus grande liberté aux organismes gestionnaires de logements sociaux pour fixer les barèmes des surloyers applicables en fonction des circonstances locales. C'est ainsi qu'en 1994, 50 % des organismes d'HLM utilisaient le surloyer (75 %dans la région parisienne). Toutefois, ceux-ci ne l'appliquaient qu'à un locataire sur 10.
La loi du 4 mars 1996 relative au supplément de loyer tend à restaurer le principe d'une participation minimale supplémentaire obligatoire pour les ménages dépassant de 40 % les plafonds de ressources HLM au « bénéfice de la solidarité nationale » (1). Entre 10 %et 40 %, le surloyer demeure librement fixé par les organismes d'HLM.
Présentation d'un dispositif qui entrera en vigueur au plus tard le 5 juillet prochain, étant précisé que les enquêtes préalables à l'élaboration des barèmes de surloyer peuvent être lancées depuis le 5 mars.
Comme précédemment, le surloyer est tout d'abord applicable à l'ensemble des logements ayant fait l'objet d'une aide de l'Etat et ouvrant droit à l'aide personnalisée au logement (APL), appartenant à des organismes d'habitations à loyer modéré (HLM) ou gérés par eux (offices publics d'aménagement et de construction, sociétés anonymes d'HLM, offices publics d'HLM, sociétés anonymes coopératives de production d'HLM, fondations d'HLM, sociétés anonymes de crédit immobilier). Ce dispositif est automatiquement applicable aux sociétés d'économie mixte immobilières ou sociétés anonymes immobilières d'économie mixte (2).
La loi mentionne désormais également l'ensemble des logements locatifs ouvrant droit à l'APL et appartenant à des personnes morales autres que les organismes d'HLM et les sociétés d'économie mixte déjà visées. Cela concerne essentiellement les logements conventionnés après réhabilitation Palulos (3) par les collectivités locales, les établissements publics à caractère administratif et les bailleurs du secteur parapublic.
Enfin, le supplément de loyer est également applicable au parc locatif social des départements d'outre-mer, qu'il appartienne aux sociétés anonymes d'HLM ou aux sociétés d'économie mixte (SEM).
Sont exclus du dispositif, en raison de leur nature :
les logements financés à compter du 5 janvier 1977 au moyen de prêts locatifs aidés par l'Etat accordés par le Crédit foncier de France
les logements financés au moyen de prêts conventionnés des banques et établissements financiers
les immeubles à loyer moyen dans les départements d'outre-mer
les logements ayant bénéficié d'une subvention de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.
La seconde exclusion tient à la localisation des logements. Ne sont donc pas soumis au dispositif du surloyer les logements situés dans des :
zones de revitalisation rurale (4)
grands ensembles et quartiers d'habitat dégradé (5). La liste de ces quartiers (renommés zones urbaines sensibles dans le pacte de relance pour la ville) (6), qui doit être prochainement élargie, sera désormais actualisée au moins tous les 5 ans, voire complétée entre deux actualisations, de façon à tenir compte de l'évolution de la situation de ces zones d'habitat. Ces modifications interviendront après avis du Conseil national des villes et du développement social urbain. A noter : les relations entre propriétaires et locataires pouvant dépendre de conventions autres que les baux, le dispositif est applicable « nonobstant toute convention contraire ». Ainsi, le surloyer s'applique même si certaines conventions de financement de logements ne prévoient pas ce dispositif.
Les organismes d'habitations à loyer modéré :
ont la possibilité d'exiger de leurs locataires le paiement d'un surloyer dès lors qu'au cours du bail les ressources de l'ensemble du foyer excèdent d'au moins 10 % les plafonds de ressources en vigueur pour l'attribution de ces logements ;
doivent exiger le paiement du supplément de loyer dès lors qu'au cours du bail le dépassement du plafond de ressources est d'au moins 40 %.
Les plafonds pris en compte sont ceux qui sont applicables à la date à laquelle le supplément de loyer est exigé.
A noter : la loi indique que les plafonds de ressources à retenir pour le calcul du surloyer visés à l'article L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction antérieure, sont ceux en vigueur à la date à laquelle il est exigé, étant entendu que cette « disposition présente un caractère interprétatif ». Il s'agit de lever toute ambiguïté quant à l'interprétation de cet article qui prévoyait que le surloyer pouvait être exigé « des locataires dont les ressources dépassent les plafonds fixés pour l'attribution du logement à loyer modéré qu'ils occupent ».
En principe, les ressources sont appréciées selon les modalités applicables en matière d'attribution des logements HLM. Ainsi, le montant des ressources à prendre en considération au cours d'une année donnée est égal à la somme des revenus imposables au titre de l'impôt sur le revenu de chaque personne composant le ménage, au titre de l'avant-dernière année, ce qui implique un décalage de 2 ans (année N - 2). Ainsi, pour 1996, les revenus retenus seront ceux de 1994 (voir tableau).
Toutefois, afin de tenir compte du changement de situation familiale et/ou professionnelle des locataires, sont retenues les dernières ressources connues de l'ensemble des personnes vivant au foyer lorsque le locataire justifie qu'elles sont inférieures d'au moins 10 % à celles de l'année de référence (à savoir l'année N - 2). Mais cette faculté n'est ouverte que si le locataire en fait la demande.
Il est tenu compte de l'évolution de la composition de la famille intervenue dans l'année en cours, à condition qu'elle soit dûment justifiée.
Notons par ailleurs qu'en cas de sous-occupation du logement, il peut être attribué au locataire un nouveau logement correspondant à ses besoins, même s'il dépasse les plafonds de ressources pour obtenir un logement plus petit. Ainsi, il ne se verra pas appliquer un surloyer.
Nature des documents
Pour déterminer le montant des ressources dont dispose le locataire, l'organisme d'HLM lui demande tous les ans de communiquer :
les avis d'imposition ou de non-imposition à l'impôt sur le revenu
les renseignements concernant l'ensemble des personnes vivant au foyer.
Ces éléments permettent de calculer l'importance du dépassement éventuel du plafond de ressources et de déterminer si le locataire est redevable ou non du supplément de loyer. Toutefois, l'organisme d'HLM n'est pas tenu de présenter cette demande aux allocataires bénéficiant de l'APL.
A titre transitoire, les renseignements détenus par les organismes d'HLM à partir d'enquêtes réalisées au second semestre 1995 et portant sur les ressources de l'année 1994 peuvent être pris en compte pour le calcul du supplément de loyer perçu en 1996.
Défaut de réponse du locataire
A défaut de réponse du locataire, et après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours, l'organisme d'HLM liquide provisoirement le supplément de loyer.
Pour déterminer le montant du surloyer exigible, il est fait application d'un coefficient de dépassement du plafond de ressources égal au coefficient maximal adopté par l'organisme (ou, à défaut, égal à celui adopté nationalement).
L'organisme d'HLM perçoit de plus une indemnité pour frais de dossier dont le montant maximal sera fixé par décret.
Lorsque le locataire a communiqué les documents nécessaires, le supplément de loyer afférent à la période de retard est liquidé définitivement. Le trop-perçu du supplément de loyer est reversé au locataire dans les 2 mois.
Négligence de l'organisme d'HLM
L'organisme d'HLM qui n'a pas exigé le paiement du supplément de loyer ou qui n'a pas procédé aux diligences lui incombant pour son recouvrement, à l'exclusion de celles relevant de la responsabilité propre d'un comptable public, est passible d'une pénalité dont le montant est égal à 50 % des sommes exigibles et non mises en recouvrement.
La sanction est prononcée par le représentant de l'Etat dans le département de situation du logement, après que l'organisme d'HLM ait été appelé à présenter ses observations.
Chaque organisme d'HLM a la faculté de déterminer les modalités de calcul du montant du supplément de loyer à partir de deux facteurs que sont le coefficient de dépassement du plafond de ressources et le supplément de loyer de référence du logement. A défaut d'une telle décision, des valeurs minimales sont fixées nationalement et s'imposent aux organismes d'HLM.
Le supplément de loyer s'ajoute au loyer principal et aux charges locatives. Lorsque le montant cumulé du loyer principal et du surloyer excède 25 % des ressources de l'ensemble des personnes vivant au foyer, le montant du supplément de loyer est plafonné.
A noter : lorsque le locataire achète le logement qu'il occupe, les suppléments de loyer payés au cours des 5 années qui précèdent l'acte authentique s'imputent sur le prix de vente.
Le coefficient de dépassement du plafond de ressources est établi par l'organisme d'HLM en fonction des données relatives aux locataires.
Valeur du coefficient
L'organisme d'HLM fixe, par département, la valeur du coefficient de dépassement du plafond de ressources en fonction de l'importance de ce dépassement. Il peut également tenir compte de deux autres critères que sont le nombre et l'âge des personnes vivant au foyer. Toutefois, la valeur de ce coefficient est au moins égale à celle fixée nationalement .
Seuil de dépassement du plafond de ressources
L'organisme fixe un seuil de dépassement du plafond de ressources sous les réserves suivantes :
en deçà de 10 %, le supplément de loyer n'est pas exigible (soit 190 000 ménages exclus, selon le ministère du Logement)
entre 10 % et 40 %, la mise en œuvre d'un surloyer est laissée à la libre appréciation de l'organisme (soit 340 000 ménages environ)
au-delà de 40 %, le supplément de loyer est obligatoire (soit environ 240 000 ménages concernés) .
Le supplément de loyer de référence est fixé en fonction de données relatives au logement.
L'organisme d'HLM fixe le montant par mètre carré habitable (10) du supplément de loyer de référence en tenant compte de la qualité et de la situation géographique de l'immeuble ou du groupe d'immeubles. Toutefois, le montant moyen par mètre carré habitable du supplément de loyer de référence est au moins égal à celui du niveau national . Ce montant minimal s'impose à chaque organisme d'HLM pour ses logements situés dans une même zone et dans un même département.
C'est au cours d'une délibération que les organismes d'HLM doivent fixer les paramètres intervenant dans le calcul du surloyer.
Première délibération
L'organisme d'HLM communique sa première délibération relative au mode de calcul du supplément de loyer au représentant de l'Etat dans le département du siège de l'organisme et à celui du lieu de situation des logements. La délibération comporte en annexe les éléments permettant le calcul du montant moyen par mètre carré des suppléments de loyer de référence.
Cette délibération devient exécutoire à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de sa communication au représentant de l'Etat dans le département du lieu de situation du logement concerné, si ce dernier n'a pas demandé, dans ce délai, une seconde délibération.
Seconde délibération
Le préfet peut demander une seconde délibération, qui doit être motivée. Cette demande est communiquée aux membres de l'organe délibérant de l'organisme d'HLM préalablement à la délibération. Elle peut notamment porter sur les montants des loyers pratiqués dans le voisinage pour des immeubles ou groupes d'immeubles équivalents et dont les loyers sont fixés par référence à la loi du 6 juillet 1989 réglant les rapports locatifs privés.
La délibération devient exécutoire dès que le représentant de l'Etat en a reçu communication. Car, quel que soit le contenu de cette délibération, le préfet ne peut s'y opposer sauf, note le rapporteur au Sénat (Rap. Sén. nº 167, Braye), en cas d'illégalité flagrante où il peut saisir le juge administratif.
A noter : actuellement, l'autorité de tutelle sur les délibérations des organismes d'HLM est différente selon que les délibérations concernent les barèmes des loyers ou des surloyers. Le représentant de l'Etat dans le département du siège de l'organisme d'HLM est compétent dans le premier cas, celui du département de situation des logements dans le second. A compter du 1er octobre prochain (pour les délibérations relatives aux loyers transmises à compter de cette date), le représentant du département de situation des logements sera compétent dans les deux cas.
En l'absence de décision exécutoire (l'organisme d'HLM n'a jamais délibéré, l'organisme n'a pas pris de seconde délibération, la délibération a été annulée), le supplément de loyer appliqué par l'organisme d'HLM est calculé par lui en fonction de données nationales qui constituent, rappelons-le, des minima que les organismes doivent respecter.
Le surloyer ne sera exigé qu'à partir d'un dépassement du plafond de ressources supérieur à 40 %.
D'après les informations communiquées au rapporteur au Sénat, Dominique Braye, la valeur du coefficient de dépassement du plafond de ressources pourrait être fixée comme suit par décret :
0 pour les dépassements de plafond inférieurs à 40 %
1 pour les dépassements compris entre 40 % et 60 %
1,5 pour les dépassements compris entre 60 % et 80 %
2 pour les dépassements supérieurs à 80 %.
Le montant par mètre carré habitable du supplément de loyer de référence sera également fixé par décret selon les zones géographiques et en tenant compte, notamment, de la population des agglomérations.
Selon le rapporteur au Sénat, le gouvernement pourrait retenir, en l'absence de délibération de l'organisme d'HLM, des montants par mètre carré habitable calculés en fonction des tarifs arrêtés par l'article 14 de la loi de finances pour 1996 pour la taxe annuelle prélevée par l'Etat sur les recettes de surloyer (voir ASH nº 1958 du 19-01-96).
Les zones retenues seront en principe les zones habituellement utilisées par la politique du logement, qui distingue Paris et les communes limitrophes, le reste de l'agglomération parisienne et les villes nouvelles de la région Ile-de-France, les autres communes d'Ile-de-France et les agglomérations de plus de 100 000 habitants, et enfin le reste de la France.
Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés :
le barème servant de base au calcul des surloyers de la régie immobilière de la Ville de Paris qui avait été annulé par le Conseil d'Etat
tout barème devenu exécutoire avant la date de publication de la loi établi en fonction du loyer du marché ou en fonction d'un plafond de loyer fixé par l'administration pour certaines catégories de logements HLM
tout barème devenu exécutoire avant la date de publication de la loi qui n'a pas été établi en fonction du nombre ou de l'âge des personnes vivant au foyer.
Dans le premier cas, la validation a pour effet d'empêcher les locataires concernés de demander le remboursement des surloyers qu'ils ont versés. Dans les deux dernières hypothèses, l'exigibilité des loyers résultant des barèmes validés ne peut être contestée.
(1) Sur la taxe « produit des surloyers » à la charge des organismes d'HLM, voir ASH n° 1958 du 19-01-96.
(2) Le surloyer s'applique également aux ILM 28 (immeubles à loyer moyen créés en 1928 à Paris) qui, jusqu'à présent, bénéficiaient de dispositions spécifiques en matière de surloyer.
(3) Palulos : prime à l'amélioration de l'habitat de logements à usage locatif et à occupation sociale.
(4) Voir ASH n° 1963 du 23-02-96.
(5) Sur la liste des grands ensembles et quartiers d'habitat dégradé, voir décret n° 93-203 du 5 février 1993, J.O. du 13-02-93.
(6) Voir ASH n° 1959 du 26-01-96.
(7) Les catégories de ménages correspondent au nombre de personnes composant le ménage. Cependant, une personne seule ayant au moins une personne à charge compte pour deux, soit un ménage de catégorie 3. Les jeunes ménages, mariés depuis moins de 5 ans et n'ayant pas plus de 55 ans à eux deux, sans enfant, comptent pour trois.
(8) Le conjoint est actif lorsque chacun des deux a gagné au moins, au cours d'une année, 12 fois la base mensuelle de calcul des allocations familiales en vigueur au 31 décembre de l'année considérée, soit 24 651,84 F pour 1994.
(9) Telle que définie par l'arrêté du 17 mars 1978 modifié relatif au classement des communes par zones géographiques.
(10) Sont donc exclues, selon le rapport du Sénat n° 167 du 17 janvier 1996, page 45, les annexes du logement telles que la cave ou le parking.