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Du petit enfant à l'adulte : quelle intégration ?

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Si les structures de prise en charge des infirmes moteurs cérébraux se sont développées pour les enfants, elles sont encore insuffisantes pour les adultes. Tout reste à faire pour les IMC vieillissants, d'autant que leur espérance de vie augmente.

Faut-il, comme l'Association des paralysés de France  (APF), considérer que l'infirme moteur cérébral est un handicapé comme un autre, même s'il est plus compliqué à appréhender en raison des déficiences multiples dont il est atteint ? Ou doit-on, à l'instar de la Fédération française des associations d'infirmes moteurs cérébraux (FFAIMC), souligner la spécificité de ce handicap et la prise en charge adaptée qu'il suppose ? (1)

Au-delà des divergences de vues sur le type d'accompagnement à mettre en œuvre et les querelles de définitions, une certitude : en dépit des progrès médicaux, l'infirmité motrice cérébrale  (IMC) n'a pas disparu. Et on estime à 40 000 le nombre de personnes concernées  (voir encadré au verso). Les causes de l'IMC ont toutefois évolué au cours de ces dernières années. « Souvent le fait d'incompatibilités de rhésus ou d'accouchements difficiles il y a 20 ans, les infirmités motrices cérébrales sont aujourd'hui davantage liées à la prématurité et aux conditions d'hygiène de vie », estime ainsi Yvonne Boucard, présidente de la FFAIMC. « On observe actuellement une augmentation des causes anténatales par rapport aux causes néonatales ou postnatales par survie des enfants de petit poids ou très prématurés », confirme d'ailleurs le docteur Véronique Leroy-Malherbe dans un ouvrage à paraître prochainement (2). Une évolution qui s'accompagne d'un alourdissement des handicaps.

Une prise en charge précoce

Une évidence également, apparue fortement lors du dernier colloque de l'APF sur le sujet (3)  : la nécessité de la prise en charge précoce de l'infirmité motrice cérébrale. Et, sur ce point, deux voies développées depuis une vingtaine d'années ont fait leurs preuves : les centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP) pour les enfants de 0 à 6 ans et les services d'éducation et de soins spécialisés à domicile (SESSD) pour les 0 à 20 ans. Dans les deux cas, le partenariat entre les services de néonatologie ou de pédiatrie locaux, les équipes des CAMSP et les parents, est essentiel. « La prise en charge précoce est du plus grand intérêt pour le médecin lorsqu'elle s'appuie sur un travail d'équipe », soutient ainsi le docteur Vincent Gautheron, chef du service de médecine physique et de réadaptation au CHU de Saint-Etienne. « L'interactivité professionnelle » permettant, selon lui, de « coller au plus près de la réalité et d'ajuster l'offre à la demande. »

Un partenariat d'autant plus nécessaire que les situations familiales s'alourdissent en raison des difficultés socio-économiques :précarité, chômage, carence de soins, etc.

Certes, l'intérêt de l'intervention précoce, réalisée en collaboration avec la famille, n'est plus à démontrer. C'est ainsi qu'au CAMSP de Grenoble, le projet de prise en charge est élaboré en étroite collaboration avec les parents. Ce qui permet de tenir compte des besoins des enfants et du parcours de la famille, et d'éviter que l'équipe médico-pédagogique n'ait qu'une vue parcellaire, comme le relève le directeur Bernard Pardo. D'ailleurs, les parents revendiquent le droit à la négociation des propositions thérapeutiques qui leur sont faites. « J'étais intimement convaincue de la capacité de mon fils à parler un jour », raconte, par exemple, la jeune mère d'un IMC. Et elle souligne comment son intuition a pu apporter un autre éclairage à l'équipe du CAMSP. On ne saurait non plus ignorer les effets bénéfiques directs pour l'enfant d'intervenir au plus tôt. « Encourager celui-ci dès le plus jeune âge à exprimer le meilleur de lui-même, c'est peut-être lui donner le goût de l'effort pour se dépasser et atteindre des objectifs toujours plus élevés », estime ainsi Vincent Gautheron.

Il n'en reste pas moins que la prise en charge précoce a également ses limites et ses revers. Pour l'enfant d'abord, qui se voit affublé, dès son plus jeune âge, de l'étiquette du handicap  pour les parents ensuite, qui, du coup, peuvent se désinvestir en se déchargeant sur les professionnels ou, au contraire, s'éparpiller dans la recherche de solutions réparatrices.

Des listes d'attente en établissements spécialisés

Depuis 20 ans, le regard que porte la société sur le handicap a évolué, aidant les parents à mieux l'accepter et à souhaiter en plus grand nombre le maintien à domicile de leur enfant, assorti de soins appropriés. D'ailleurs, seuls 8 000 IMC sont pris en charge par des établissements spécialisés. Un chiffre qui cache toutefois la réalité de la demande : les listes d'attente sont longues et les structures existantes ne suffisent pas.

Quelle orientation ?

En fonction du handicap, de l'équipement local et des désirs de la famille, l'enfant peut être orienté vers les structures médico-éducatives où l'aspect rééducatif occupe une place importante, ou bien intégrer un parcours scolaire classique, plus ou moins aidé.

Depuis la loi d'orientation de 1975, la scolarisation en milieu ordinaire s'est accélérée. En permettant aux jeunes enfants de côtoyer leurs camarades valides, la fréquentation, même de courte durée, de l'école maternelle ou primaire joue un rôle important dans leur intégration. Toutefois, si du point de vue de l'intelligence ils peuvent être scolarisés, dans la pratique, les choses sont plus compliquées. Notamment en raison de leur handicap moteur qui peut nécessiter des aides sophistiquées, ou encore de leur lenteur, qui impose souvent une adaptation du rythme des acquisitions.

En outre, cette intégration scolaire se heurte à un paradoxe. Les efforts que les jeunes infirmes moteurs cérébraux déploient dans leur souci de ne pas se différencier des autres diminuent d'autant leur disponibilité aux apprentissages, les conduisant à leur « désadaptation scolaire ». Ce qui pousse les enseignants à individualiser l'enseignement et à accroître encore leur différence avec le groupe.

Ainsi donc, explique Jean-François Nurit, directeur adjoint d'APF-Formation, « le surinvestissement social de l'IMC sur ce qui le rend ressemblant renforce sa différence... ». Une récente étude menée, par un service de soins de l'APF à Arpajon, auprès des enseignants de 69 enfants intégrés en milieu scolaire ordinaire, confirme ce constat. Il en ressort en effet que les infirmes moteurs cérébraux sont plutôt moins perturbateurs que leurs petits camarades, plus respectueux des règles de conduite et du maître, mais également moins anxieux par rapport à la réussite scolaire, plus vite découragés par leurs échecs et globalement moins attachés aux exigences productives liées à leur scolarité.

L'intégration sociale passe également par l'insertion dans la vie professionnelle. A cet effet, les structures visant l'acquisition et l'exercice de savoir-faire professionnels se sont développées : centres d'aide par le travail (CAT), ateliers protégés et instituts d'éducation motrice (IEM), notamment.

Ces structures spécialisées n'en restent pas moins insuffisantes. Les demandes de places de CAT s'élèvent à 20 000, tous handicaps confondus, et à plus de 1 000 pour les seuls IMC. Pour Jean-Claude Tabary, professeur à la faculté de Paris, « il faut corriger de façon urgente le décalage qui existe actuellement entre la prise en charge durant l'enfance, au moins relativement surabondante, et le déficit persistant de solutions d'accueil à l'âge adulte ». Reste que la tendance des politiques publiques est plutôt au maintien à domicile et aux restrictions budgétaires.

Même constat d'insuffisance concernant les foyers de vie et les appartements de préparation et d'entraînement à l'autonomie (APEA)  : ils sont utiles mais trop peu nombreux. De plus, seuls les handicapés les plus légers sont susceptibles d'accéder réellement à une vie autonome, ne serait-ce que parce que le parc de logements « ordinaires » n'est pas accessible. Pourtant, « lorsque les parents de l'IMC vieillissent, il n'est pas souhaitable que l'enfant demeure au sein du foyer familial où il n'a pas une ouverture suffisante sur le monde », indique ainsi Yvonne Boucard.

De plus en plus âgés

La question du vieillissement ne se pose d'ailleurs plus seulement pour les parents mais pour les infirmes moteurs cérébraux eux-mêmes. Leur espérance de vie est en effet passée de 35 à plus de 50 ans et leur prise en charge spécifique n'est actuellement pas assurée. Or, il est difficile de faire admettre à un IMC d'intégrer les établissements existants non spécialisés : « Devoir à 50 ou 60 ans intégrer une maison de retraite ou un foyer médicalisé, alors que la moyenne d'âge tourne autour de 80 ans, n'est pas un projet auquel les personnes handicapées adhèrent spontanément », reconnaît-on à l'APF. De plus, le manque de moyens en personnels, dont souffrent déjà les établissements de personnes âgées, ne les encourage guère à accueillir des personnes lourdement handicapées pour lesquelles un encadrement plus important est nécessaire.

Virginie Besson

QU'EST-CE QUE L'INFIRMITÉ MOTRICE CÉRÉBRALE ?L'infirmité motrice cérébrale, qui résulte d'une lésion du cerveau avant ou pendant la naissance, provoque un trouble moteur assorti de troubles de la posture et du mouvement plus ou moins importants, ainsi que de troubles perceptifs et sensoriels. Les enfants présentant un trouble moteur d'origine cérébrale (IMOC) représentent 2,14 naissances pour 1 000 et les IMC au sens strict 0,6 naissance pour 1 000. Des chiffres qui ont peu varié depuis dix ans, malgré la surveillance plus stricte des grossesses et la diminution des prématurités (6,8 % des naissances en 1975 et 5,6 % en 1981). On estime aujourd'hui à 40 000 le nombre d'IMC, même si aucun recensement récent ne permet d'être sûr de la justesse de cette estimation. Il faudra attendre 1997 pour obtenir des données plus précises de l'Insee. Déjà dans les années 50, selon le neurologue Guy Tardieu qui fut le premier à identifier et définir ce handicap, le risque d'IMC fluctuait entre une et deux naissances pour 1 000, soit 25 000 à 40 000 infirmes moteurs cérébraux de moins de 20 ans.

Notes

(1)  APF : 17, bd Auguste-Blanqui - 75013 Paris - Tél. 1 40.78.69.00 - FFAIMC : 269, bd Jules-Michelet - 83000 Toulon - Tél. 94.03.39.88.

(2)  Déficiences motrices et handicaps/Aspects sociaux, psychologiques, médicaux, techniques et législatifs, troubles associés - Edité par l'APF au 2e trimestre 1996.

(3)   « L'infirmité motrice cérébrale »  - Les 29,30 et 31 janvier 1996 à l'Unesco.

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