ASH : Comment réagissez-vous au procès qui vient de s'achever à Montpellier ? J.-P.R. : Je ne souhaite pas commenter cette décision de justice. Le seul regret que l'on peut avoir concerne l'écho qui en a été donné dans les médias. En effet, il a été davantage question de l'autisme en général et de la prise en charge des autistes que de l'affaire elle-même. Pour moi, il ne s'agit pas d'un cas exemplaire mais d'une situation particulière dont ne relèvent pas tous les autistes et parents d'autistes. Il faut éviter de généraliser. En outre, il me semble qu'il y a une véritable désinformation quand on laisse entendre qu'on ne fait rien pour l'autisme en France. En ce qui nous concerne, ça fait quand même des années que l'on reçoit des jeunes et des adultes. Par contre, ce qui est réel, c'est l'échec des traitements. Cela ne signifie pas que les professionnels fassent preuve de mauvaise volonté mais simplement qu'il y a quelque chose de particulièrement difficile dans le traitement des personnes autistes. C'est une dimension qu'il ne faut pas négliger et que l'on ne peut régler seulement par voie législative. ASH : Justement, est-ce que la proposition de loi qui vient d'être adoptée à l'unanimité vous paraît répondre aux attentes des parents et des professionnels ? J.-P.R. : Ce que l'on connaît du texte montre qu'il s'agit surtout de répondre au problème de la prise en charge. On sait qu'il y a de graves lacunes dans ce domaine, en particulier pour les adultes. C'est donc un point tout à fait positif. En revanche, ce qui est plus délicat, c'est que l'on envisage l'autisme simplement comme un handicap. Avec l'inconvénient de ne plus mettre au premier plan la dimension du traitement thérapeutique. Ainsi, pour régler le problème de la prise en charge, on risque de ne plus accorder suffisamment d'attention au soin. C'est une chose sur laquelle nous sommes tous ici un peu inquiets. En outre, en considérant l'autisme comme un handicap, en se plaçant du point de vue de la prise en charge, on risque de créer une catégorie fourre-tout mêlant l'autisme et les psychoses. Ce qui reviendrait à amoindrir les catégories cliniques actuelles. Pour moi, la question du soin demeure donc primordiale. Ensuite, je regrette que, dans les différents études et rapports qui ont inspiré les auteurs du projet, on ne considère la psychanalyse que sur le seul versant des travaux d'Anna Freud et de Mélanie Klein autour de la relation d'objet. Ça n'est pas du tout l'option lacanienne. Très tôt, Lacan s'est battu contre cette conception qui ramenait tout à la relation précoce mère/enfant. La façon dont nous considérons le traitement psychanalytique en général, et celui de l'autisme en particulier, n'a aucun rapport avec cette conception des choses. Nous sommes nombreux en France à travailler à partir du signifiant, du discours, du langage... Et pas du tout sur le rapport aux personnes en tant que tel. ASH : Faut-il créer des établissements spécifiques pour les personnes autistes ? J.-P.R. : Non, je ne crois pas. On a besoin de conserver une certaine souplesse parce qu'aucune méthode ne s'est révélée absolument adaptée et efficace. C'est d'ailleurs ce que sous-entend le projet de loi. Pour nous, ce qui compte, c'est de privilégier le cas par cas dans la mesure où les autistes présentent des comportements radicalement différents. Il n'y a pas une réponse globale. En outre, mettre en avant l'autisme, c'est délaisser les autres catégories pour lesquelles il y a aussi des problèmes de prise en charge. Et faire un cas particulier, c'est déjà établir une distinction avec le risque d'une ségrégation. Autrement dit, délaisser un certain nombre de personnes.
(1) Voir ASH n° 1962 du 16-02-96.
(2) Jean-Pierre Rouillon avait déjà réagi à la circulaire Veil sur la prise en charge des enfants autistes - Voir ASH n° 1931 du 16-06-95. Centre thérapeutique et de recherche de Nonette : Place Henri-Salveton - 63340 Nonette - Tél. 73.71.65.93.