La dynamisation des dépenses du chômage, visant à transformer les dépenses dites « passives » (versement d'allocations suivant le système de l'assurance) en dépenses « actives » (création d'emplois), trouve un nouvel essor dans la loi du 21 février 1996. Laquelle donne un fondement légal à l'accord du 6 septembre 1995 qui ouvre la possibilité, jusqu'au 31 décembre 1996, aux salariés de moins de 60 ans ayant cotisé 40 ans de cesser leur activité (1).
La loi permet ainsi la création d'un Fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi et détermine les conditions générales nécessaires à la cessation anticipée d'activité (mode de rupture du contrat de travail, sanctions en cas de non-respect de l'obligation d'embauche), sans limiter le dispositif dans le temps.
La loi crée un Fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi pour une durée indéfinie. Ce Fonds permet aux partenaires sociaux, signataires de l'accord sur l'assurance chômage, d'affecter une partie des contributions chômage au soutien à l'emploi dans la limite d'un plafond. Ce dernier devrait être fixé par décret à 4 milliards de francs pour 1995 et 1996 (Rap. Sén., nº 187, Souvet).
Les modalités de fonctionnement et les mesures financées par le Fonds sont déterminées par voie d'accord conclu entre les partenaires sociaux et agréé par arrêté du ministre chargé de l'emploi. L'agrément n'est accordé que si les dispositions de l'accord sont compatibles avec la politique de l'emploi et ne sont pas dérogatoires aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur.
La publication de l'arrêté d'agrément au Journal officiel aura pour effet de rendre l'accord applicable à tous les employeurs et salariés du secteur privé soumis à l'obligation d'assurance chômage , quel que soit leur secteur d'activité (agriculture, industrie et commerce, sanitaire et social, sécurité sociale...). Il s'appliquera également à certains salariés du secteur public dont l'employeur aura opté pour l'affiliation à l'assurance chômage : salariés des entreprises publiques, des établissements publics industriels et commerciaux des collectivités territoriales ou des sociétés d'économie mixte dans lesquelles ces dernières ont une participation majoritaire, salariés non statutaires des services consulaires.
A noter : afin de tenir compte de la volonté des partenaires sociaux, les cessations d'activité intervenues dans le cadre de l'accord du 6 septembre 1995 sontvalidées rétroactivement au 1er octobre 1995, la loi du 21 février posant le principe de la validation dudit accord.
Peuvent prétendre à la cessation d'activité les salariés qui, selon la loi, « remplissent des conditions tenant notamment à la durée de périodes d'assurance dans les régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse sans avoir l'âge requis pour l'ouverture du droit à une pension de vieillesse à taux plein ».
Peuvent ainsi en bénéficier, selon l'accord du 6 septembre 1995, les salariés qui :
• justifient de 160 trimestres d'affiliation au régime d'assurance vieillesse et de 12 années d'affiliation au régime d'assurance chômage, y compris au titre de périodes assimilées
• sont âgés d'au moins 58 ans. Sont ainsi concernés : depuis le 1er octobre 1995, les salariés nés en 1936 ou 1937 depuis le 1er janvier 1996, les salariés nés au cours du premier semestre 1938 à partir du 1er juillet 1996, les salariés nés au cours du second semestre 1938. Cette condition d'âge n'est pas requise pour les salariés justifiant d'au moins 172 trimestres d'affiliation (soit 43 années) au régime d'assurance vieillesse
• disposent d'une ancienneté minimale d'une année chez leur dernier employeur et dont le contrat de travail n'est pas rompu
• ne bénéficient pas déjà d'un complément de ressources au titre d'un dispositif de cessation d'activité, sauf au titre de la préretraite progressive.
La cessation anticipée d'activité suppose que lesalarié volontaire au départ ait présenté à son employeur une demande de cessation d'activité (au plus tôt dans un délai de 3 mois avant la date à laquelle il remplit les conditions pour bénéficier du dispositif), et que ce dernier l'ait acceptée expressément (dans un délai d'un mois). Le dossier est ensuite transmis à l'Assedic compétente localement qui a 15 jours pour accepter ou non le dossier. La cessation d'activité doit intervenir au maximum dans un délai de 2 mois après l'acceptation de l'employeur.
Le contrat de travail est considéré comme rompu d'un commun accord à la date de la cessation d'activité mentionnée dans la lettre d'acceptation de l'employeur, sous réserve de la prise en charge de l'intéressé par le Fonds paritaire d'intervention.
L'autorisation de l'inspecteur du travail est obligatoire pour les salariés protégés : conseillers du salarié, conseillers prud'hommes, représentants du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou au comité d'entreprise, délégués syndicaux, délégués du personnel. L'inspecteur vérifie notamment que les conditions légales sont remplies et s'assure du consentement du salarié.
Le comité d'entreprise, ou à défaut les délégués du personnel, reçoit un bilan des demandes de cessation d'activité, des cessations effectives et des embauches ainsi réalisées, lors de la réunion d'information sur l'emploi (trimestrielle ou semestrielle selon la taille de l'entreprise).
Dès le mois de décembre 1995, des négociations ont été engagées pour transposer dans le secteur sanitaire, médico-social et social sans but lucratif l'accord du 6 septembre 1995 sur la cessation anticipée d'activité. A ce jour, deux accords ont été signés qui, pour être applicables, doivent encore être agréés par arrêté du ministre des Affaires sociales.
• Le 22 décembre 1995, l'Union des fédérations et syndicats nationaux d'employeurs sans but lucratif du secteur sanitaire, médico-social et social (UNIFED) (2), d'une part, la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC, FO, d'autre part, ont conclu un accord qui complète ce dispositif sur deux points. En matière deretraite complémentaire, les salariés bénéficieront du maintien du versement des cotisations aux régimes complémentaires AGIRC et ARRCO pour la partie au-delà des taux obligatoires et dans la limite des taux conventionnels applicables à l'établissement. Ils disposeront également, jusqu'à leur 60e anniversaire, de la couverture du régime de prévoyanceconventionnel (décès, invalidité) sur la base des taux conventionnels applicables à l'établissement. L'incidence financière de ces dispositions sera supportée par l'organisme employeur.
• Dans les centres d'hébergement et de réadaptation sociale et dans les services d'accueil, d'orientation et d'insertion pour adultes, le SOP, d'une part, la CFDT et FO (3), d'autre part, ont signé, le 24 janvier 1996, un protocole d'accord dont les termes sont identiques à ceux de l'accord du 22 décembre 1995.
Signalons enfin que des négociations sont actuellement en cours dans les trois fonctions publiques(Etat, territoriale, hospitalière).
La rupture du contrat de travail ouvre droit pour le salarié au versement par l'employeur d'une indemnité de cessation d'activité d'un montant égal à celui de l'indemnité de départ à la retraite.
Cette indemnité est calculée sur la base de l'ancienneté acquise au moment de la rupture du contrat de travail, sauf dispositions plus favorables prévues par une convention, un accord collectif ou le contrat de travail. Elle obéit au même régime social et fiscal que l'indemnité de licenciement (exonération totale de cotisations sociales, exonération de CSG, de CRDS et d'impôt si elle ne dépasse pas, selon l'administration fiscale, les minima fixés par la convention collective ou la loi).
Jusqu'à l'âge de la retraite, le salarié cessant son activité reçoit une allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE).
L'ARPE est égale, selon l'accord du 6 septembre 1995, à 65 % de la moyenne mensuelle du salairede l'intéressé perçu lors des 12 derniers mois. Elle ne peut être inférieure au montant minimum de l'allocation spéciale du FNE (156, 72 F au 1er juillet 1995), dans la limite de 85 % du salaire brut antérieur, et être supérieure à 4 fois le plafond de la sécurité sociale (53 320 F au 1er janvier 1996).
Elle supporte une cotisation spécifique de sécurité sociale à hauteur de 5, 5 %, ainsi que la CSG et la CRDS (4).
Les bénéficiaires de l'ARPE ont droit aux prestations en nature maladie et maternité du régime général de la sécurité sociale. Ils bénéficient de la validation de leurs droits à retraite complémentaire ainsi que, si un accord de branche le prévoit, de la couverture des régimes de prévoyance et des cotisations supplémentaires aux régimes de retraite obligatoire.
L'employeur est tenu, en contrepartie du départ du salarié, de procéder (dans un délai de 3 mois) à une ou plusieurs embauches compensatrices dedemandeurs d'emploi.
Ces embauches doivent permettre de maintenir un volume d'heures de travail au moins égal à celui que le salarié, volontaire au départ, aurait accompli jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge requis pour l'ouverture du droit à une pension de vieillesse à taux plein.
Lorsque le salarié partant est titulaire d'un contrat à durée déterminée (CDD), le volume d'heures doit être au moins égal à la durée restant à courir si le CDD s'était poursuivi jusqu'à son terme. La durée de chaque contrat conclu dans ce cadre doit être, au minimum, de 6 mois.
En cas d'inobservation de cette obligation, l'employeur est tenu de rembourser au Fonds paritaire le montant total des sommes versées par ce dernier au salarié ayant cessé son activité, majoré de 50 %, au prorata du nombre d'heures non accomplies.
(1) Voir ASH n° 1943 du 6-10-95.
(2) L'UNIFED réunit notamment les signataires employeurs suivants : le Syndicat général des organismes privés sanitaires et sociaux à but non lucratif (SOP), le Syndicat national des associations de parents et d'enfants inadaptés (SNAPEI), le Syndicat national des associations de sauvegarde de l'enfant à l'adulte (SNASEA) pour la convention collective du 15 mars 1966, la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés (FEHAP) pour celle du 31 octobre 1951.
(3) La CFTC et la CGC, non présentes à la négociation, ont annoncé leur intention de signer ce texte.
(4) Voir ASH n° 1963 du 23-02-96.