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Une association joue le partenariat avec les communes

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En Seine-Saint-Denis, un partenariat avec certaines villes permet à Interlogement 93, une association qui fédère 36 structures, de reloger des familles en difficulté. Au besoin en rachetant des immeubles pour les transformer en structures d'hébergement temporaire.

Il a été une ancienne clinique, il deviendra une résidence sociale (1). Cet immeuble de trois étages situé sur l'un des principaux axes de Montreuil, en Seine-Saint-Denis, abritera en septembre prochain pas moins de 32 logements temporaires destinés à des jeunes de 18 à 30 ans.

Tel est le résultat d'un accord établi entre la collectivité locale (PC) et Interlogement 93, une association qui œuvre sur le département pour le relogement et l'insertion des plus démunis. C'est donc dans cette optique que les deux partenaires (2) se sont engagés à ce que chaque jeune, salarié ou en formation professionnelle rémunérée, puisse obtenir un logement définitif dans un délai maximum de deux ans. Autrement dit, pour l'association, l'achat et la gestion de logements temporaires est un outil d'appui à l'obtention de baux de droit commun.

Garantir le relogement

Ce projet n'est pas un coup d'essai puisqu'en mars 1994, en accord avec la municipalité du Raincy (RPR), elle achetait, cette fois, un hôtel deux étoiles et y aménageait 16 chambres et 3 studios en hébergement collectif temporaire. Depuis cette date, des personnes seules ou des familles monoparentales y sont accueillies pour une durée de 6 à 12 mois. La ville et l'association se sont engagées à leur garantir un logement définitif : l'une en pesant sur le parc immobilier  l'autre en assurant l'accompagnement social.

Concrètement, à Montreuil comme au Raincy, le suivi des opérations est pris en charge par un comité de pilotage réunissant tous les partenaires. Dans le cas de Montreuil, sont représentés la ville, l'Etat, le conseil général et les adhérents d'Interlogement. « Il est essentiel que la ville s'engage à ce que les jeunes de Montreuil soient relogés sur Montreuil », fait remarquer Eric Jouan, directeur d'Interlogement 93.

A l'heure du dernier rapport du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (3)  - qui propose d'instituer une obligation de résultat à l'égard des communes -, cette démarche attire l'attention. D'autant plus que, malgré la loi Besson de mai 1990 (4), les municipalités montrent toujours aussi peu d'empressement à s'ouvrir à l'accès au logement.

Alors qu'est-ce qui a permis, dans ces deux cas précis, l'instauration du partenariat ? Tout d'abord, le fait pour Interlogement 93 - qui fédère 36 structures adhérentes dont la vocation est l'hébergement ou le suivi des personnes en difficulté sociale (5)  - d'être une association connue et reconnue, et donc crédible  ensuite, l'acceptation des deux communes de jouer le jeu. «  Si la municipalité dit : “nous voulons entreprendre telle action”, les choses se font », constate ainsi Eric Jouan.

Et quand est-ce que cela ne marche pas ? Lorsque la ville voit d'un mauvais œil l'arrivée éventuelle d'une nouvelle structure d'hébergement temporaire. D'une part, « parce qu'étant le plus souvent déjà gestionnaire de logements sociaux, explique Eric Jouan, elle craint une surcharge de son service, ce qui l'empêcherait de pouvoir répondre à la demande ». D'autre part, parce qu'elle met en avant la délicate question du logement définitif. Où l'immobilier et le social sont étroitement liés.

Parmi les autres freins utilisés par les communes, la notion de territoire invoquée comme prétexte à l'inertie. A ce jeu du « c'est pas chez moi », l'exemple du chantier du Stade de France, ouvert en 1994 à Saint-Denis, est significatif. Interlogement 93, en effet, a pris en charge le relogement de neuf familles qui habitaient, depuis plusieurs années, sur le site retenu pour la construction. Un terrain situé à Saint-Denis mais appartenant en fait à la Ville de Paris. D'où le jeu de ping-pong entre les deux municipalités et une perte de temps préjudiciable.

Des résultats encourageants

Depuis sa création en octobre 1990, l'association a ainsi relogé, par le biais ou non d'un hébergement temporaire, près de 500 familles ou personnes seules, la moyenne annuelle étant aujourd'hui d'environ 150 ménages (voir encadré). Des résultats encourageants pour cette association.

La démarche repose sur un fondement inébranlable : l'engagement au relogement, au besoin par l'intermédiaire d'un hébergement temporaire, dans le cadre de l'accompagnement social. Lequel est effectué par les travailleurs sociaux des différentes associations. Et suppose un long travail, au quotidien, afin de permettre l'acquisition ou la réappropriation, par la personne ou la famille, de son autonomie personnelle, professionnelle et sociale. « C'est l'outil fondamental, commente Eric Jouan, car notre objectif est depuis le départ le bail de droit commun, c'est-à-dire l'intégration. »

Des opportunités de parcours

Si Interlogement 93 se retrouve aujourd'hui - par l'intermédiaire du partenariat - à être propriétaire d'établissements d'hébergement temporaire, elle le doit davantage à des opportunités de parcours qu'à une volonté de départ.

Partie d'une simple recherche de baux de droit commun, l'association s'est progressivement ouverte à la quête de baux glissants (au nombre de 60 à ce jour), d'appartements relais (l'association en gère 40) et à la formule des aides au logement temporaire (ALT).

Mais l'amorce véritable de la reconnaissance extérieure n'a eu lieu qu'en novembre 1993, le jour où la ville de Saint-Denis fit appel à ses services. Sous la pression des médias, celle-ci se devait de résoudre le problème posé par quelques familles capverdiennes qui, depuis deux ans, « squattaient » des garages dans un quartier pavillonnaire. « C'était la première fois qu'une collectivité nous contactait, souligne Eric Jouan. Après avoir relancé le débat entre “fédérateur” et “opérateur”, nous avons estimé qu'ayant des moyens d'agir, il était effectivement dans notre rôle de savoir répondre à des besoins publics. » Et celui-ci d'ajouter : « Nous n'avions aucun logement, nous avons donc donné notre accord à condition que la commune, mais aussi les autres partenaires institutionnels, s'engagent à en fournir. » Et finalement, toutes les personnes ont pu accéder à un logement définitif. C'est ainsi qu'Interlogement 93 se fit connaître. Sa réputation se renforça encore lors de l'épisode du Stade de France à Saint-Denis. Les médias ayant là aussi braqué les projecteurs sur le cas des familles menacées par sa construction.

Mais lorsque la volonté municipale s'exprime sous influence médiatique, les résultats restent à double tranchant. Car si les retombées immédiates bénéficient à une minorité de familles en difficulté, le parcours au sein des filières habituelles n'en reste pas moins long et difficile pour la majorité des personnes. Cependant, cette médiatisation a aidé Interlogement 93 à se faire connaître. Ce qui, du coup, lui permet aujourd'hui d'être mieux entendue des partenaires et d'être plus efficace pour l'ensemble des personnes qu'elle a en charge.

Pour l'association, le fait d'être propriétaire de logements temporaires n'est pas sans soulever quelque interrogation. Notamment vis-à-vis du décalage avec sa vocation pédagogique. Cependant, pour l'instant, cette solution présente surtout des avantages. D'une part, l'acquisition permet de mettre directement à la disposition des adhérents un outil de soutien nécessaire au relogement  lequel permet, dans certaines situations, de procéder à une étape intermédiaire indispensable. D'autre part, cette fois vis-à-vis des communes, s'ajoute à la reconnaissance professionnelle celle d'ordre financier.

EN 1995 : PRÈS DE 200 MÉNAGES RELOGÉS

Près de 500 ménages ont été relogés par Interlogement 93 depuis sa création, dont 90 % au service des adhérents.

 Evolution (en tenant compte des baux glissants) De 20 relogements en 1991, l'association est passée à 198 en 1995. En 1994, sur 266 dossiers, 120 relogements ont été effectués dont plus de la moitié ont trouvé une solution dans un délai inférieur à six mois.94 % des relogements sont effectués dans le département ; 5 % en Ile-de-France ; 1 %en province.

 Les personnes relogées35 % environ des relogements concernent des familles monoparentales ; 30 % des personnes seules ;26 % des couples sans enfant ; 8 % des couples avec enfants.37 % des familles ont moins de 5 000 F de ressources mensuelles, dont 12 % moins de 3 000 F, lors de l'accès dans les lieux.

 Les bailleurs90 % des ménages ont été relogés par des bailleurs HLM et 10 % par des particuliers.

 Les structures demandeuses90 % des relogements font suite aux demandes des associations adhérentes : 48 % des CHRS, 26 % des FJT, 26 % des autres structures.10 % des relogements concernent des demandes relevant de conventions particulières (ex. : engagement avec la Fondation abbé Pierre).

Des « points-jeunes » logement

Toujours en relation directe avec certaines communes, Interlogement 93 développe également l'information auprès des jeunes, par le biais de lieux d'accueil que l'on peut assimiler à des points-jeunes spécialisés dans le logement. « L'objectif est de pouvoir apporter au jeune une vision réaliste de son projet, insiste Eric Jouan. Qu'il puisse appréhender la question du logement en cessant de croire que rien n'est possible. » A Montreuil, la ville a donné une ancienne boutique pour cette antenne et une coopération avec la mission locale s'est rapidement établie.

Et si « le logement temporaire n'est valable que s'il est accompagné d'un objectif d'insertion, c'est-à-dire d'une gestion, d'un accompagnement et d'une sortie », comme le souligne Eric Jouan, cette règle d'or apparaît d'autant plus fondamentale auprès des jeunes.

Pascal Massé

Notes

(1)  Les logements-foyers pour travailleurs migrants et ceux pour jeunes travailleurs sont désormais regroupés sous un même terme, celui de résidence sociale (décrets du 23 décembre 1994).

(2)  Auxquels il faut ajouter l'Etat, le conseil régional, le FAS, la Fondation abbé Pierre, le SCIC et les collecteurs.

(3)  Voir ASH n° 1958 du 19-01-96.

(4)  Voir ASH n° 1691 du 18-05-90.

(5)  Les structures d'hébergement : foyers de jeunes travailleurs (FJT), centres d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS), foyers éducatifs, structures d'urgence, logements-relais, accueil en hôtel ; celles qui exercent un suivi : services d'accompagnement social lié au logement, centres de soins pour toxicomanes, clubs de prévention, boutiques solidarité, services de protection de l'enfance, d'assistance éducative en milieu ouvert ou d'insertion sociale et professionnelle de différents publics.

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