La loi constitutionnelle instituant les lois de financement de la sécurité sociale, adoptée par le Parlement réuni en Congrès à Versailles le 19 février (1), est parue (2). Reste à élaborer le projet de loi organique précisant les conditions dans lesquelles députés et sénateurs voteront chaque année les projets de lois de financement de la sécurité sociale, qui rappelons-le, devrait être adopté par le conseil des ministres début avril. Au regard des travaux parlementaires et des déclarations du garde des Sceaux, Jacques Toubon, les éléments suivants peuvent d'ores et déjà être apportés.
La loi organique devrait limiter explicitement la portée des lois de financement aux seuls régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, à l'exclusion des régimes complémentaires ou d'autres régimes de protection sociale comme l'Unedic, l'ARRCO, l'AGIRC... S'agissant des objectifs de dépenses qui seront fixés chaque année par le Parlement, le ministre de la Justice a indiqué qu'il s'agirait « de plafonds exprimés en pourcentages de croissance d'une année sur l'autre qui n'auraient pas un caractère strictement limitatif ». Ils s'imposeraient au gouvernement dans ses négociations avec les partenaires sociaux et seraient traduits d'abord dans les conventions nationales conclues entre le gouvernement et les caisses nationales puis dans les conventions conclues entre ces caisses et les professionnels de la santé, ainsi que dans les budgets des établissements hospitaliers. Le dépassement éventuel des objectifs pouvant, à titre exceptionnel, entraîner la mise en place de « mécanismes correcteurs ».
Concernant les prévisions de recettes, dont les lois de financement doivent tenir compte, il ne s'agirait « que de prévisions retracées qui donneront un sens à la notion d'équilibre mais n'auront pas le caractère d'une autorisation au sens budgétaire », a indiqué Jacques Toubon. Concrètement, les compétences actuelles de détermination des ressources de la sécurité sociale resteraient inchangées :les taux de cotisations demeurant fixés par le gouvernement, les concours budgétaires continuant d'être arrêtés par la loi de finances, et la création, le taux et l'assiette des recettes fiscales affectées (comme la CSG) relèvant toujours de la loi.
Abordant le schéma d'élaboration des lois de financement, le ministre a enfin indiqué que « les conditions générales de l'équilibre financier des régimes seraient définies en fonction des objectifs de la politique sanitaire et sociale », déterminés chaque année lors d'une conférence nationale de la santé, « et des recettes attendues ».
Par ailleurs, Alain Juppé a réuni, le 28 février, lors d'une réunion informelle, les différents ministres concernés par la réforme de la sécurité sociale pour faire le point avec eux sur l'avancement des travaux. Il a ainsi confirmé que les trois projets d'ordonnances sur la réforme structurelle de la sécurité sociale (gestion des caisses, maîtrise des dépenses de santé et réforme de l'hôpital) seront présentés au conseil des ministres du 24 avril (3). Jacques Barrot, ministre des Affaires sociales, et Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la sécurité sociale, en présenteront une première mouture à l'Assemblée nationale le 12 mars et au Sénat le 13.
S'agissant de l'ordonnance sur la réforme hospitalière, dont l'élaboration s'avère complexe, l'idée majeure du gouvernement consiste à substituer une approche contractuelle à la tutelle traditionnelle (DRASS pour les hôpitaux et CRAM pour les cliniques). Chaque établissement, qu'il soit public ou privé, passerait un contrat d'objectifs pluriannuels (qui remplacerait l'actuel budget global) avec une instance régionale unique (dont les contours ne sont pas encore arrêtés) réunissant les financeurs (Etat et assurance maladie). Il lui appartiendrait de favoriser, selon les cas, les regroupements d'activités, les reconversions voire les fermetures d'établissements. Parallèlement, une agence d'accréditation, indépendante de l'instance régionale, serait chargée de promouvoir dans les établissements une démarche de qualité. L'accréditation serait attribuée par établissement et non par service.
Quant aux schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale (SROSS), qui définissent les structures sanitaires, ils deviendraient « opposables », donc contraignants. Autrement dit, lors des renouvellements d'autorisations d'activité, toute activité non prévue dans le SROSS ne serait pas permise. Dernier point, les maires ne présideraient plus d'office les conseils d'administration des établissements de santé.
(1) Voir ASH n° 1963 du 23-02-96.
(2) Loi n° 96-138 du 22 février 1996, J.O. du 23-02-96.
(3) Voir ASH n° 1963 du 23-02-96.