D'ici à quelques semaines, une réforme de la procédure disciplinaire applicable aux détenus devrait voir le jour. Un projet de décret, qui sera suivi d'une circulaire d'application, est en effet en cours de préparation à l'administration pénitentiaire. Objectif : fixer précisément la liste des fautes disciplinaires pouvant être reprochées aux détenus ainsi que les sanctions applicables et inscrire les garanties accordées aux intéressés dans un texte réglementaire. Les textes actuels (pour l'essentiel deux décrets de 1972 et de 1975) se contentent de poser des interdictions sans définir clairement les fautes et laissant les sanctions à l'appréciation discrétionnaire du chef d'établissement. Lequel peut, quelle que soit la faute, prononcer un simple avertissement, la privation de cantine, la suppression de télévision ou encore le placement en quartier disciplinaire ( « le mitard » )pour 45 jours.
Le projet de décret prévoit donc de classer les fautes selon leur gravité, en trois degrés. Constituerait une faute du premier degré (la plus grave) par exemple le fait pour un détenu d'exercer des violences physiques à l'encontre d'un membre du personnel de l'établissement ou d'un codétenu, de participer à une action collective de nature à compromettre la sécurité, de détenir des stupéfiants ou encore de participer à une évasion ou à une tentative d'évasion. Relèverait notamment du deuxième degré (faute intermédiaire), le fait de proférer des insultes ou des menaces à l'égard d'un membre du personnel, d'imposer à la vue d'autrui des actes obscènes ou susceptibles d'offenser la pudeur, de se soustraire à une sanction disciplinaire, de se trouver en état d'ébriété ou d'absorber, sans autorisation médicale, des substances de nature à troubler le comportement, de provoquer un tapage de nature à troubler l'ordre de l'établissement. Enfin, serait classé en faute du troisième degré (faute mineure), le fait pour un détenu de proférer des insultes ou des menaces à l'égard du personnel de l'établissement, des autorités judiciaires ou encore à l'encontre d'un codétenu, de refuser d'obtempérer aux injonctions des membres du personnel de l'établissement, de négliger de préserver ou d'entretenir la propreté de sa cellule, d'entraver les activités de travail, de formation, culturelles ou de loisirs, de communiquer irrégulièrement avec un codétenu.
Le projet de l'administration pénitentiaire élargit l'échelle des peines encourues par le détenu et distingue désormais entre les sanctions pouvant être prononcées quelle que soit la faute disciplinaire, et celles pouvant être édictées en fonction des circonstances de la faute. Parmi les nouvelles sanctions inscrites dans le texte réglementaire, citons notamment le confinement en cellule ordinaire, prononcé quelle que soit la faute disciplinaire, qui emporte pendant toute sa durée (au maximum 45 jours pour une faute du premier degré, 30 jours pour une faute du deuxième degré et 15 jours pour une faute du troisième degré) la privation de cantine et de toutes les activités à l'exception de la promenade et de l'assistance aux offices religieux. Le placement en quartier disciplinaire ne pourra excéder 45 jours pour les fautes les plus graves, 30 pour les fautes intermédiaires et 15 pour les fautes les plus légères. A noter toutefois, comme le soulignent certaines organisations syndicales, que si une distinction est établie entre les sanctions, le chef d'établissement conserve une marge de manœuvre importante.
Au chapitre des garanties accordées aux détenus, le projet prévoit que toute comparution devant la commission de discipline sera désormais précédée d'un compte rendu d'incident et le détenu disposera de trois heures minimum pour préparer sa défense et pourra être assisté d'un interprète. Mais surtout, le projet de décret prend indirectement en compte la jurisprudence du Conseil d'Etat de février 1995 qui a reconnu un droit de recours juridictionnel aux détenus sanctionnés. Ces derniers devront au préalable saisir le directeur général des services pénitentiaires dans un délai de 15 jours.
Présentée aux organisations syndicales le 8 février dernier lors du comité technique paritaire de l'administration pénitentiaire, cette réforme a été accueillie favorablement par FO, la CGT et l'Union des syndicats pénitentiaires (USP), l'Union fédérale autonome pénitentiaire (UFAP) s'étant, pour sa part, abstenue.
« Dans votre note sur les conditions de détention vous évoquez la sécurité des détenus. De quelle sécurité parlez-vous et par qui est-elle menacée ? Ne s'agit-il pas plutôt de l'intégrité physique et au-delà du respect dû à la personne détenue ? », interroge le personnel de direction de la CFDT-Justice (1) dans une lettre ouverte au directeur de l'administration pénitentiaire Gilbert Azibert. « Les conditions de placement au quartier disciplinaire, les règles sur la prévention, l'intervention médicale dans le processus de sanction, le problème posé par les suicides ou la nudité méritent d'être redéfinis de manière urgente », interpelle encore le syndicat, qui rappelle que la norme concernant les conditions de détention devrait passer par la mise en place d'un numerus clausus.
(1) CFDT-Justice branche administration pénitentiaire : 47-49, avenue Simon-Bolivar - 75019 Paris - Tél. (1) 42.38.18.15.