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...Gabrielle Balazs, sur les indicateurs de pauvreté

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Peut-on mesurer la pauvreté ?Alors que l'on n'a jamais autant parlé des pauvres et que le gouvernement prépare sa loi-cadre contre l'exclusion, on ne dispose d'aucun indicateur fiable en la matière. C'est ce qu'a rappelé la sociologue Gabrielle Balazs (1), le 24 janvier à Paris, lors du colloque « Précarité et action sociale »   (2).

ASH : Pourquoi est-il si difficile d'obtenir des données précises sur la pauvreté en France ? G.B. : La première difficulté, c'est la résistance à l'objectivation des personnes concernées. D'abord parce que la pauvreté est une situation de descente sociale que l'on cache aux autres et à soi-même. Mais aussi parce que toute enquête comporte un risque de violence symbolique inhérent à la position inégale des interlocuteurs. Pour les pauvres, cette violence est encore renforcée par la menace du contrôle, ou de ce qui est vécu comme un contrôle, le risque étant de perdre le peu auquel ils ont droit. ASH : Est-ce aussi parce que l'on manque d'une définition précise de la pauvreté ? G.B. : Effectivement, il n'existe pas d'indicateurs officiels, la mesure de la pauvreté étant récente en France. Ceci dit, je pense que ce serait une erreur de vouloir s'en tenir à des critères définis une fois pour toutes. Il n'y a pas un seuil à partir duquel on devient pauvre. D'ailleurs, d'un point de vue sociologique, il n'est pas judicieux d'examiner uniquement des situations individuelles car la pauvreté, c'est d'abord un ensemble de parcours de descente sociale, lié notamment au déclin et à la recomposition du groupe ouvrier ainsi qu'à la décomposition/recomposition de la famille. Quelques enquêtes s'attachent d'ailleurs, aujourd'hui, à mettre en œuvre une série d'indicateurs qui ne sont pas uniquement le revenu ou les conditions de logement, mais aussi l'isolement, l'illettrisme, les conditions de santé et les conditions de vie au sens large. Il reste que nous sommes confrontés à deux problèmes. En premier lieu, la relation de l'enquêteur et de l'enquêté doit être fondée sur une certaine confiance. D'où la nécessité, pour les chercheurs, d'avoir une bonne connaissance du milieu, de réaliser un travail sur les biographies et de mener de longues enquêtes de terrain... L'autre problème consiste à ne pas croire que l'observation des pauvres ou des lieux de pauvreté, par exemple les banlieues, puisse déboucher sur des principes d'explication. On peut décrire les pauvres et leurs conditions de vie à l'infini, il n'en sort que du misérabilisme, voire du populisme. Les principes explicatifs sont ailleurs, dans le système de santé, les institutions scolaires, les politiques de l'emploi et du logement... ASH : Selon vous, l'exclusion constitue-t-elle une catégorie sociologique ou statistique pertinente ? G.B. : Non. On utilise cette notion à défaut d'une catégorie scientifique. C'est un mot du sens commun qui reprend, en réalité, des conceptions politiques ou médiatiques. Pour nous, c'est une catégorie trop générale à éviter. Et surtout, ce mot n'est pas satisfaisant car il masque tout ce qui touche à l'analyse des processus de pauvreté :désagrégation des liens sociaux, désorganisation du groupe ouvrier, démoralisation des salariés... ASH : Dans ces conditions, une loi-cadre contre l'exclusion a-t-elle du sens ? G.B. : Ce n'est peut-être pas au sociologue de le dire. Il est vrai que j'ai du mal à penser en termes de loi-cadre. Ce que je peux dire, c'est qu'il est nécessaire de réfléchir aux questions liées à la protection sociale et de trouver des solutions qui empêcheraient, à tous les niveaux, les liens sociaux de se défaire.

Notes

(1)  Gabrielle Balazs a participé aux travaux de Pierre Bourdieu sur La misère du monde.

(2)  Colloque « Précarité et action sociale » organisé les 24,25 et 26 janvier à Paris par le centre régional ressources Ile-de-France en sciences médico-sociales : 280, av. Jean-Jaurès - 92290 Châtenay-Malabry - Tél.  (1)  46.30.34.32.

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