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L'accueil indigne des sans-abri à Nanterre

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C'est un véritable réquisitoire contre les conditions d'accueil des sans-abri au Chapsa de Nanterre qui a été remis, le 22 janvier, à Xavier Emmanuelli (longtemps responsable de son antenne médicale) par l'IGAS. Un rapport dont l'impact est d'autant plus fort qu'il concerne un établissement symbolique de par sa taille, sa notoriété et son ancienneté.

« L'évolution de la population sans abri génère des problèmes nouveaux auxquels le Centre d'hébergement et d'accueil des personnes sans abri (Chapsa) n'a pas été préparé », déplore ainsi, d'emblée, l'inspection générale des affaires sociales (1). En effet, à une clientèle traditionnelle composée de clochards, se sont ajoutés de nombreux jeunes en difficulté « plus agressifs, plus exigeants, souvent détenteurs d'armes et davantage marqués par les pathologies comportementales ». Parallèlement, le nombre des étrangers a fortement augmenté pour atteindre, actuellement, 40 % des personnes accueillies dans l'établissement. Or, martèlent les rapporteurs, « cette évolution, qui n'est pas propre au Chapsa, se heurte, dans le cas de cette institution, à l'énormité de ses capacités (300 lits), à la vétusté des locaux, au manque de professionnalisme des agents d'accueil ». A cela s'ajoute « un profond clivage, nourri d'incompréhension et parfois d'hostilité réciproque, entre les agents chargés de l'accueil et le personnel médical et social affecté depuis peu au Chapsa ».

Manque d'hygiène et insécurité

Autre critique : « Les conditions de ramassage et de transport [des sans-abri] par les cars n'offrent pas le minimum d'hygiène et de confort nécessaire. » Trajets trop longs, ramassages plus ou moins sélectifs, orientations inadéquates et parfois absurdes, brusquerie de l'accueil sur place et médiocrité des prestations offertes : autant de raisons qui expliquent qu'en moyenne 40 % des personnes transportées refusent, une fois arrivées, d'être hébergées au Chapsa. « Les conditions d'accueil et d'hébergement sont incompatibles avec le respect élémentaire des personnes et compromettent l'utilité même du Chapsa », s'indignent les inspecteurs de l'IGAS, constatant que l'accueil se réduit au relevé souvent approximatif de l'identité des individus, que le dépôt théoriquement obligatoire des objets dangereux n'est pas respecté (ce qui n'est pas sans conséquences sur la multiplication des vols et des rixes dans les dortoirs) et que la douche, devenant l'exception, ne permet plus de détecter, par exemple, les affections cutanées. Et toutes les autres fonctions liées à l'hébergement « présentent de graves défaillances »   : dortoirs vétustes surpeuplés et dépourvus de sanitaires, draps et taies qui ne sont plus distribués, couvertures changées seulement tous les 15 jours, désinfection effectuée sans grande régularité. Conséquence la plus inquiétante de cette situation : « L'insécurité qui règne au Chapsa mais aussi, et plus largement, au sein du CASH et dans le quartier environnant. » A cet égard, le rapport de l'IGAS fait froid dans le dos : rackets, vols, usage et trafic de drogues, prostitution, bagarres à l'arme blanche. Et les personnels, qui ne sont pas à l'abri de ces violences, « expriment un sentiment de peur qui les conduit à limiter les rondes nocturnes dans les dortoirs ».

Au final, seule l'antenne médico-sociale, qui « répond à un besoin avéré et remplit utilement sa fonction », échappe aux foudres de l'IGAS. La forte fréquentation de cette structure par les hébergés et l'amélioration globale de leur état de santé étant autant d'indicateurs de son utilité. Cependant, s'inquiètent les rapporteurs, en l'absence d'un véritable responsable et d'objectifs clairement définis, « la dynamique de l'antenne semble actuellement s'affaiblir ». En outre, les travailleurs sociaux souffrent d'un certain isolement et de la mauvaise image du Chapsa.

Il est vrai, reconnaît l'IGAS, que la structure et l'organisation des personnels du Chapsa présentent une faiblesse structurelle « qui nuit considérablement à la cohésion et à la motivation de l'équipe ». Ils dénoncent ainsi la juxtaposition des statuts des agents (préfecture de police, personnel médical, paramédical et social) avec, en outre, l'absence de statut et d'encadrement des « auxiliaires » (d'anciens SDF résidant au sein du CASH) auxquels sont « sous-traitées » certaines tâches liées à l'accueil et à l'entretien. Par ailleurs, outre l'absence d'un « responsable fonctionnel unique et disponible sur place », les agents du Chapsa souffrent d'un « désarroi croissant face à l'ambiguïté de leur fonction qui allie maintien de l'ordre et accueil ». D'autant que le sentiment de ne pas être reconnus ni soutenus, « se traduit par une forte démotivation ». Enfin, difficulté supplémentaire, les sources de financement du centre apparaissent « hétéroclites, confuses et précaires ».

Faut-il fermer le Chapsa ?

Faut-il, pour autant, supprimer le Chapsa ? Non, répond l'IGAS, compte tenu de la réelle capacité d'expertise de cette structure et de la difficulté d'ouvrir de nouveaux lieux d'accueil en région parisienne. Il s'agit donc, plutôt, d'ajuster le fonctionnement du centre aux besoins des populations accueillies. Ce qui, selon les rapporteurs, requiert des mesures fermes et rapides, accompagnées d'un « fort soutien politique et administratif au plus haut niveau ». Parmi les solutions proposées : améliorer l'orientation initiale afin de recentrer l'activité du Chapsa sur sa clientèle traditionnelle, professionnaliser l'accueil, aménager et humaniser les locaux d'hébergement et les rythmes de vie. De même, il apparaît nécessaire d'encourager la prise en charge sanitaire des sans-abri, tout en limitant l'activité de l'antenne médico-sociale au dépistage et aux soins courants afin d'éviter qu'elle ne soit engorgée. En outre, la sécurité des personnes hébergées et du personnel « doit impérativement être rétablie » avec des mesures à la fois préventives et dissuasives et certains aménagements architecturaux. Enfin, conclut l'IGAS, la reconnaissance du Chapsa passe par l'octroi des moyens indispensables à son fonctionnement, tant sur le plan humain que financier. Et, à moyen terme, le centre devra être doté d'un statut juridique et budgétaire propre. Au secrétariat d'Etat à l'action humanitaire d'urgence, on annonce, dans l'immédiat, qu'une somme de 53 millions sera débloquée sur deux ans, dont une partie a déjà été versée afin de financer 22 emplois supplémentaires. En outre, les dortoirs vont être réaménagés au bénéfice de chambres accueillant au plus 20 lits. Avant qu'une réforme plus globale de l'accueil ne soit menée. Objectifs : humaniser, professionnaliser, moderniser.

Jérôme Vachon

Notes

(1)  Rapport relatif au fonctionnement du Chapsa de Nanterre - Rapport IGAS du 22 janvier 1996. Non disponible.

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