Annoncé d'abord comme un « plan Marshall pour les banlieues », puis dénommé « programme national d'intégration urbaine » ou PNIU, c'est finalement un « pacte de relance pour la ville » que le Premier ministre a présenté, le 18 janvier 1996 à Marseille, devant les membres du comité interministériel pour la ville, élargi en l'occurrence aux représentants d'élus locaux et d'associations. L'ambition affichée par Alain Juppé étant de mettre en place « à la fois un programme d'ensemble et une démarche collective pour mobiliser tous les partenaires concernés par sa mise en œuvre ».
Lancée le 4 juillet dernier par Alain Juppé qui invitait le Conseil national des villes à se mobiliser (1), l'élaboration de ce texte aura été pour le moins laborieuse et entourée d'un certain flou. Tandis que les consultations se succédaient avec les élus locaux, les associations et diverses personnalités (2), la charge du dossier passait, en effet, de Françoise de Veyrinas, alors secrétaire d'Etat en charge des quartiers en difficulté, à Eric Raoult, d'abord ministre de l'Intégration et de la Lutte contre l'exclusion, puis dans le gouvernement Juppé II, ministre délégué à la ville et à l'intégration sous l'autorité de Jean-Claude Gaudin, ministre de l'Aménagement du territoire, de la Ville et de l'Intégration. En outre, pendant longtemps, il a été bien difficile de savoir si ce plan pour la ville constituerait un ensemble avec la loi-cadre contre l'exclusion. Laquelle, finalement, traitée indépendamment, devrait être présentée au printemps.
En rendant publique cette longue liste de mesures le 18 janvier, le Premier ministre aura mis l'accent sur la nécessité d'une démarche« concertée » et non« imposée ». Celle-ci devant se poursuivre, durant plusieurs mois, à travers le comité interministériel pour la ville élargi, tant pour préparer les textes juridiques nécessaires que pour en vérifier l'application (sur le calendrier de mise en place des mesures, voir encadré).
Si l'ambition d'Alain Juppé, à travers ce programme, est d'embrasser tous les aspects de la vie des villes et de ne pas limiter l'application du pacte aux seuls quartiers difficiles, celui-ci a néanmoins dégagé deux priorités :
• premièrement la relance de l'activité économique, avec notamment la création de zones franches où impôts et cotisations sociales seront réduits
• deuxièmement lasécurité, avec l'arrivée annoncée de policiers« chevronnés » et la prise en charge éducative et judiciaire renforcée des mineurs multirécidivistes.
Mais, d'autres secteurs sont aussi concernés, comme l'éducation, le logement, l'intégration urbaine, le fonctionnement et la présence des services publics, le renforcement du partenariat des acteurs de la ville.
Au total, ce sont 5 milliards de francs par an en moyenne sur les 3 prochaines années qui seront consacrés à ce pacte, provenant essentiellement deredéploiements financiers au sein du budget de l'Etat.
Il n'en reste pas moins que ce long « catalogue » de dispositions apparaît davantage comme une extension ou une institutionnalisation de mesures actuellement engagées. Et ne contient que quelques mesures réellement novatrices. D'où des réactions en demi-teinte, et parfois une certaine amertume, tant du côté des élus que des associations et des syndicats.
Le pacte de relance pour la ville prévoit plusieurs mesures pour favoriser l'emploi, soit directement par le biais des emplois de ville, soit indirectement par le biais d'allégements fiscaux ou d'exonérations de cotisations sociales pour les entreprises.
100 000 emplois de ville seront offerts aux jeunes des quartiers en difficulté dans les 4 prochaines années, soit 25 000 par an. Ce dispositif confirme la proposition faite sous le précédent gouvernement par Françoise de Veyrinas (3). Les emplois de ville ont pour but de répondre, comme les contrats emplois consolidés qui demeurent en vigueur, à des besoins collectifs non satisfaits dans les collectivités territoriales, les autres personnes morales de droit public, les organismes de droit privé à but non lucratif et les personnes morales chargées de la gestion d'un service public (4).
Le jeune, embauché sous « emploi de ville », devra être âgé de 18 à 25 ans, résider dans un quartier qualifié de zone urbaine sensible (voir encadré) et rencontrer des difficultés d'accès à l'emploi. L'accès au contrat sera direct sans nécessiter le passage préalable en contrat emploi-solidarité, comme pour un contrat emploi consolidé classique.
Le contrat peut être à durée indéterminée ou déterminée renouvelable dans la limite de 5 ans. La durée hebdomadaire de travail sera fixée entre 20 et 30 heures. Et une formation « à la carte » sera prévue pour permettre aux jeunes « d'acquérir un vrai métier ».
Ces emplois seront subventionnés par l'Etat pour la partie du salaire inférieure à 120 % du SMIC mensuel et dans la limite de 30 heures :
• soit à hauteur de 75 % du salaire la première année, ce taux de prise en charge étant ensuite dégressif de 10 points par an, jusqu'à la cinquième année
• soit par une prise en charge constante à hauteur de 55 % du salaire sur 5 ans.
En outre, l'employeur bénéficiera d'une exonération totale de cotisations patronales de sécurité sociale dans les mêmes limites de salaire et d'horaires.
Dans les zones de redynamisation urbaine (ZRU), le montant de l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise (ACCRE), qui bénéficie aux demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE depuis plus de 6 mois ainsi qu'aux bénéficiaires du RMI, seraaugmenté. Alors que dans le cadre général, son montant, actuellement de 32 000 F, devrait être revu à la baisse (par décret, non publié à ce jour) (5).
Un système général de discriminations positives va être activé. Désormais, tout nouveau dispositif d'aide à l'emploi ou toute modification d'un dispositif existant (apprentissage, aide à l'embauche des jeunes, aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise...) devra intégrer une analyse de la pertinence d'une telle incitation. Les personnes habitant dans les quartiers difficiles, et tout spécialement les jeunes, devront ainsi être particulièrement concernées.
De même, les programmes régionaux d'insertion, mis en place à l'issue de négociations en cours avec les conseils régionaux, devront faire apparaître des objectifs d'insertion professionnelle des jeunes de ces quartiers, ainsi que des modalités spécifiques de suivi professionnel de leur parcours d'insertion.
Les entreprises nouvelles bénéficient déjà, dans les ZRU, d'une exonération de la taxe professionnelle, à hauteur du plafond de base nette de 1, 074 million de francs en 1995. Cette exonération sera étendue aux entreprises existantes, pour une période de 5 ans (6), mais seulement à hauteur d'une base nette de 500 000 F. Cette mesure coûtera, selon une première estimation, 450 millions de francs.
En outre, dans les zones franches, plusieurs exonérations seront applicables aux entreprises établies dans les 5 années à venir :
• l'exonération d'impôt sur les sociétés, ou sur le revenu pour les entreprises individuelles, dans la limite annuelle de 400 000 F par établissement
• l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de plein droit
• l'exonération de la taxe professionnelle sur une base nette portée à 3 millions de francs, pour les entreprises nouvelles comme pour les entreprises existantes. Seront exclues, en revanche, les entreprises qui déplaceront simplement leur activité au sein de la commune.
Le dispositif sur la ville s'articule désormais autour de trois types de zones qui« s'intègrent » les unes dans les autres.
La loi du 4 février 1995 relative à l'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire avait déjà qualifié de zones urbaines sensibles (ZUS) les quartiers prioritaires de la politique de la ville en renvoyant pour leur définition à la loi d'orientation pour la ville du 13 juillet 1991, c'est-à-dire aux grands ensembles et quartiers d'habitat dégradé connaissant un déséquilibre accentué entre l'habitat et l'emploi. Un décret du 5 février 1993 avait déterminé 546 quartiers (7).
Le pacte de relance pour la ville reprend cette définition en l'actualisant. Au lieu de 546 actuellement, le nouveau découpage permettra d'établir une liste de 700 quartiers en métropole et 31 en outre-mer.
L'actuel critère d'éligibilité - la dotation de solidarité urbaine - sera remplacé, après un vote du Parlement, par une série de critères statistiques socio-économiques : poids de la population, taux de chômage, nombre de jeunes de moins de 25 ans, proportion de non-diplômés de plus de 15 ans sortis du système scolaire et potentiel fiscal de la commune.
Parmi les ZUS, certaines seront qualifiées de zones de redynamisation urbaine (ZRU). Le nombre de ZRU, actuellement de 470, sera donc ramené à 350 ; en fait, la moitié la plus défavorisée des ZUS. Cette liste sera complétée par un décret spécifique pour tenir compte de la situation particulière applicable dans les départements d'outre-mer.
Au sein des ZRU, sera éligible une trentaine de quartiers, les plus touchés par l'exclusion urbaine, et disposant d'opportunités foncières limitrophes permettant d'inciter à la création d'activités. La liste de ces zones sera établie sur la base d'un appel d'offres auquel répondront les maires intéressés. Une vingtaine de quartiers environ sera sélectionnée comme zone franche au sein d'un projet de loi. Cette zone franche pourra d'ailleurs dépasser la ZRU et s'étendre dans certaines limites vers les espaces fonciers libres limitrophes.
Mais ce dispositif, comme tout système dérogatoire au droit commun, devra être soumis pour accord à la Commission de l'Union européenne qui devra notamment vérifier que cela n'entrave aucunement la concurrence.
Les entreprises établies en zone franchebénéficieront d'une exonération des cotisations patronales de sécurité sociale pour leurs 50 premiers salariés, dans la limite de 150 % du SMIC mensuel, sur 5 ans. Elle sera subordonnée à une clause d'emploi des habitants des quartiers et limitée aux PME.
Rappelons qu'une exonération est déjà applicable dans les ZRU jusqu'à la cinquantième embauche, pour une durée d'un an (8), et qu'elle n'est ouverte qu'aux employeurs individuels non salariés, aux SARL, aux mutuelles, aux associations, aux groupements d'employeurs artisans ou agriculteurs et à certaines structures agricoles.
Des interventions de remembrement des commerces seront menées dans les sites en difficulté où la fragmentation de la propriété du bâti et des fonds de commerce ne permet pas d'enrayer le déclin des commerces. Un établissement public sera créé pour la restructuration de ces espaces, le rachat et la recherche de repreneurs. Il pourra user de la procédure de déclaration d'utilité publique, qui peut justifier une expropriation.
L'installation ou le transfert des établissements de débits de boisson dans les grands ensembles d'habitation construits après le 1er janvier 1965, ou à proximité, sera désormais possible.
Dans le cadre du rétablissement de « la paix publique », le Premier ministre a fixé la sécurité comme la deuxième priorité du pacte de relance pour la ville. Cet « objectif sera poursuivi non seulement en luttant contre la délinquance, mais aussi en développant la prévention et en apportant de nouvelles réponses judiciaires à la délinquance des mineurs récidivistes », car « la protection des plus faibles et le respect de la loi comptent parmi les missions prioritaires de l'Etat républicain qui ne peut accepter le recul du droit sur aucune partie du territoire », a indiqué Alain Juppé.
Institué en 1990 par Michel Delebarre, le service national ville permet à de jeunes appelés d'effectuer leur service national dans les quartiers en difficulté. Actuellement, 7 000 jeunes appelés effectuent leur service national dans ce cadre, 1 500 appelés supplémentaires rejoindront ce contingent en 1996, dont 1 000 dans les établissements scolaires. L'objectif étant de 10 000 jeunes appelés« au service des habitants des quartiers » en 3 ans. La formule sera ouverte aux jeunes filles sur la base du volontariat.
Considéré comme « efficace », ce dispositif bénéficiera aux maires, aux associations, aux clubs sportifs, aux établissements scolaires situés dans des sites urbains prioritaires pour l'éducation.
Pour multiplier les espaces d'accueil des jeunes et la mise en place d'activités éducatives et de loisirs liées au sport, l'ouverture des équipements sportifs des collectivités locales, des clubs et mouvements sportifs, des établissements scolaires en dehors des horaires scolaires sera encouragée.
Elargissement des plages horaires, allégement du coût de la pratique sportive, accueil, encadrement et animation de ces espaces feront l'objet de conventions locales visant spécifiquement la responsabilité des biens et des personnes (à la charge de l'exploitant).
Dans le cas des établissements scolaires, le budget ville pourra être utilisé.
Dans les zones franches, la réalisation d'équipements sportifs de proximité sera en partie financée par le ministère de la Jeunesse et des Sports (10 millions de francs) en partenariat avec les collectivités locales.
Placée sous l'égide du ministère de la Jeunesse et des Sports, l'opération « défi-jeunes » vise à accompagner techniquement les jeunes de 18 à 25 ans dans la réalisation de leurs projets et à les soutenir financièrement (9). Le ministère contribuera à cette opération dans les 350 quartiers classés zone de redynamisation urbaine à hauteur de 10 millions de francs.
Afin de coordonner les actions financées par l'Etat, les conseils généraux et les communes, et de recentrer ces actions sur une prévention spécialisée des jeunes les plus fragiles et sur la prévention de la toxicomanie, les plans départementaux de sécurité (10) seront complétés par des plans départementaux de prévention de la délinquance. Et dix départements expérimenteront des observatoires départementaux de la sécurité.
Dans le cadre du développement du gardiennage, déjà mis en œuvre par la loi relative à la sécurité du 21 janvier 1995 (11), et de l'entretien des immeubles en zone urbaine sensible, la faculté d'utiliser les emplois de ville sera encouragée au profit de tous les organismes HLM. Objectif : la création de 1 000 postes par an. Pour favoriser la mise en place de ce dispositif, un protocole sera signé avec l'Union nationale des fédérations d'organismes d'HLM.
Par ailleurs, il est précisé que le décret d'application de l'obligation de gardiennage des immeubles, inscrite dans la loi « sécurité », attendu depuis un an, concernera les zones dans lesquelles s'applique l'obligation de gardiennage dans les immeubles d'habitation de 100 logements et plus, lesquelles inclueront les zones urbaines sensibles.
Le traitement des faits à caractère non pénal sera organisé dans 20 circonscriptions de sécurité publique par la mise en œuvre d'unservice public de quartier spécifique associant la police, la justice, les services d'action sociale et de prévention spécialisés et la caisse nationale d'allocations familiales.
« Pour en finir avec les zones de non-droit », 4 000 policiers supplémentaires seront affectés en 3 ansdans les départements comportant des« quartiers confrontés à l'augmentation de la délinquance et de la violence urbaine ». Dès cette année, 2 000 policiers seront nommés en renfort dans les départements comptant des quartiers difficiles : petite et grande couronne parisienne, Nord, Oise, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Rhône et Seine-Maritime. Ces renforts proviendront, d'une part, de la création de 200 emplois d'enquêteurs, fonctionnaires d'investigation, qui seront affectés dans les départements sensibles et, d'autre part, de l'arrivée de 1 000 policiers auxiliaires, permettant ainsi le redéploiement de 800 fonctionnaires de police expérimentés qui se verront confier des missions de police de proximité et d'îlotage.
Cette action s'inscrit là encore dans la continuité de loi de programme relative à la sécurité (12) qui, par redéploiement, a affecté 1 000 policiers en 1995 dans les départements de la grande couronne de Paris et en Seine-Saint-Denis.
Aux termes de la présentation à la presse,« ces mesures rendront les îlotiers plus disponibles et faciliteront le développement d'un service judiciaire de proximité. Elles permettront de créer et d'étoffer les unités départementales particulièrement adaptées à la lutte contre les violences urbaines (sûretés départementales, brigades anticriminelles...) ».
La lutte contre la toxicomanie sera « la priorité de l'année pour la police », selon le Premier ministre. L'usage et le trafic de drogues illicites « constituent un des éléments majeurs du problème des cités et des banlieues, spécifiquement identifiés dans 500 quartiers ».
Aussi, une formation particulière au titre de la lutte contre la toxicomanie et le trafic de stupéfiants sera donnée à tous les fonctionnaires de police affectés en 1996 dans les quartiers les plus sensibles. En outre, la prévention sera intensifiée, notamment par la poursuite de campagnes d'information auprès des jeunes et de leurs parents, en étroite relation avec les animateurs des comités d'environnement social, par une protection mieux ciblée des établissements scolaires, centres commerciaux et transports publics, par le développement de la capacité d'écoute et de conseil des services de sécurité publique.
Enfin, la répression sera accentuée, centrée d'abord sur le « petit deal ». Les dispositions du projet de loi relatif au « blanchiment des produits du crime », qui tendent notamment « à améliorer la lutte contre le trafic de stupéfiants » (et que le Sénat a examiné en première lecture le 18 octobre dernier), permettront, est-il indiqué, une répression accrue du « deal » et de l'économie souterraine liée à la drogue.
Des « unités à encadrement éducatif renforcé » vont être instituées (9) afin d'assurer la« prise en charge des mineurs délinquants multirécidivistes ». L'ouverture de ces structures de petite taille sera effective dès 1996 avec la création de 26 unités (soit une par région) 50 étant prévues dans les 3 années à venir, pour un total de250 places.
Ces structures, créées selon le gouvernement pour« combler le chaînon manquant entre le suivi judiciaire et la prison », accueilleront cinq jeunes suivis par cinq éducateurs, permettant ainsi« une prise en charge individualisée, contraignante et continue ». Au cours de ce placement pris sur décision judiciaire, pour une période déterminée, un projet d'insertion sera élaboré.
Dans le cadre d'un projet de loi modifiant l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante (10), une procédure de « comparution à délai rapproché » sera instituée. Elle devrait permettre au procureur de la République de faire comparaître le mineur délinquant multirécidiviste devant un juge des enfants dans un délai qui ne dépassera pas 3 mois entre la constatation des faits et le jugement.
Pour répondre à la délinquance, le ministre de la Justice a annoncé la généralisation du traitement en temps réel des procédures pénales (11). Ce dispositif, déjà expérimenté par certaines juridictions, permet aux parquets, pour les faits présentant un certain degré de gravité ou les mineurs récidivistes, de saisir rapidement le juge des enfants et d'améliorer leur prise en charge par les services compétents.
En pratique, et selon le cas, le parquet est avisé téléphoniquement de l'affaire élucidée. Il peut alors se faire déféré le mineur, notamment en vue d'un rappel à la loi.
Déjà annoncée en février 1995 par l'ancien garde des Sceaux, Pierre Méhaignerie, qui souhaitait sa généralisation d'ici à 1997, cette systématisation sera organisée par circulaire.
Dans le cadre du développement de la justice de proximité, dix nouvelles maisons de justice et de droit seront créées par an. Leur nombre sera ainsi doublé en 3 ans, 32 étant actuellement implantées dans dix départements (13).
Rappelons que ces maisons consistent en des permanences tenues par un magistrat et des travailleurs sociaux. Elles assurent une information et une orientation juridiques, une aide aux victimes et gèrent les problèmes de médiation pénale.
En outre, les groupes de traitement local de la délinquance, qui rassemblent les autorités du quartier (procureur, élu, commissaire de police, chef d'établissement scolaire, bailleur social) pour apporter des réponses immédiates et conjointes aux incidents, seront « activés ».
Une cellule d'information centralisant les capacités disponibles dans les foyers et structures d'accueil pour les jeunes en danger permettra de renseigner les magistrats sur les possibilités de placement et de trouver des lieux d'accueil pour les mineurs hors des limites départementales de leur domicile. Cette mesure sera financée à hauteur de 5, 126 millions de francs.
Réagissant aux mesures relatives à la justice des mineurs, en particulier à la création d'unités à encadrement éducatif renforcé, leSyndicat national des personnels de l'éducation surveillée-Protection judiciaire de la jeunesse-FSUrappelait, dès avant la présentation du pacte, que« regrouper les mineurs en difficulté dans un même lieu a toujours montré son inefficacité ». D'autant, précisait-il, qu'il « est irréaliste de penser que quatre éducateurs, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, vont pouvoir à eux seuls prendre en charge les mineurs les plus difficiles ».
Un projet à propos duquel le Syndicat de la protection judiciaire de la jeunesse-Fédération de l'éducation nationale (SPJJ-FEN-UNSA) émettait également, le 12 janvier, « les plus profondes réserves », estimant« insuffisant » l'encadrement prévu et craignant que toute l'organisation de la PJJ ne soit ainsi « remise en cause ».« Ne conviendrait-il pas d'améliorer, de renforcer les réponses diversifiées offertes par la PJJ ? », s'interrogeait le SPJJ-FEN, reconnaissant néanmoins que la césure du procès pénal et la procédure de comparution à délai rapproché, également prévues, « vont dans le bon sens » en donnant du sens à l'intervention judiciaire.
Quant au Syndicat de la magistrature, exprimant« sa déception et son inquiétude », il déplore que les mesures annoncées dans les domaines de la justice et de la police soient « principalement orientées, à l'image de ce qui est prévu pour les mineurs, sur une logique sécuritaire et répressive » et que « rien n'est prévu pour développer les mécanismes de prévention et de médiation ».
Une convention entre juridiction et service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) sur le signalement des mineurs a été expérimentée par certaines juridictions et des conseils généraux. Ce système, qui « améliore la cohérence et l'efficacité des différents services intervenant dans le domaine de la protection de l'enfance », sera prochainement développé. Une circulaire adressée aux juridictions en précisera les modalités.
Des conventions entre les parquets, la protection judiciaire de la jeunesse et les établissements scolaires ont été expérimentées par certaines juridictions, qui permettent de systématiser le signalement et d'apporter sans délai une réponse judiciaire auxfaits délictueux commis en milieu scolaire. Une circulaire conjointe du ministère de la Justice et de l'Education nationale en préconisera le développement.
En outre, l'absentéisme scolaire fera l'objet d'un suivi particulier, comportant la saisine du parquet dès lors que la durée de l'absence et la situation des jeunes le justifient. Ce suivi pourra aller jusqu'à la saisine du juge des enfants en assistance éducative.
« Il n'y a pas de raisons pour que les quartiers difficiles soient exclus des innovations pédagogiques. Il faut même qu'ils soient des sites exemplaires [...], des sites pilotes [...] pour la formation des jeunes », a déclaré Alain Juppé en présentant le volet éducation du pacte de relance pour la ville. D'où la volonté du gouvernement d'harmoniser les actions de l'Education nationale et des ministres chargés de la ville en créant, d'ici à 3 ans, des sites urbains prioritaires pour l'éducation dans les 700 zones urbaines sensibles.
Le pacte de relance pour la ville prévoit une extension du dispositif « école ouverte », qui permet d'accueillir pendant les vacances des jeunes de 11 à 18 ans pour des activités éducatives et de loisirs.
Cette opération, qui a concerné en 1995 128 établissements du second degré dans 14 académies (14), sera proposée dans les 3 ans à tous les établissements scolaires des zones urbaines sensibles qui le souhaitent et à cinq régions supplémentaires en 1996.
En outre, des activités similaires seront expérimentées durant les jours de congé inclus dans l'année scolaire (mercredi, samedi...).
Les budgets de l'Education nationale et de la Ville y consacreront respectivement 12 millions et 8 millions de francs dès 1996.
Jusqu'à la fin mars, la mise en œuvre de chacun des objectifs poursuivis par le pacte de relance pour la ville fera l'objet d'une concertation avec l'ensemble des acteurs de la politique de la ville et les ministères concernés.
Des réunions thématiques seront organisées par les ministres en charge de la ville, pour écrire les décrets d'application du pacte de relance pour la ville avec les partenaires intéressés. Ces consultations se tiendront, si nécessaire, sur le terrain dans les quartiers en difficulté, annonce le gouvernement.
Le Conseil national des villes, le Conseil national de l'aménagement du territoire et le comité de finances locales seront associés à la préparation des textes législatifs et réglementaires.
Le Premier ministre réunira prochainement l'ensemble des participants à la rencontre organisée à Marseille le 18 janvier (ministres, collectivités locales, associations...). Un comité interministériel de suivi se tiendra ensuite chaque moispour veiller à l'avancement concret de la mise en application du pacte de relance pour la ville.
Des négociations ont démarré avec la Commission de l'Union européenne, compétente pour autoriser la création de zones franches. Dès le mois de février, un appel à projets sera lancé aux communes dont un quartier est susceptible d'être éligible à la création d'une telle zone.
La liste des zones urbaines sensibles a été adressée pour information aux préfets qui, à leur tour, consulteront les maires concernés. Cette liste devrait être définitivement fixée fin février, après consultation du Conseil national des villes et du comité de finances locales.
Un premier projet de loi comportant la plupart des dispositions législatives nécessaires à la mise en œuvre du pacte sera déposé sur le bureau des assemblées parlementaires début avril.
Le projet de loi portant création des zones franches sera, quant à lui, déposé dès que l'accord de la Commission de l'Union européenne aura été obtenu.
Dans les 6 mois qui suivront la présentation de ce pacte, les maires et les préfets procéderont à une évaluation des actions conduites dans le cadre des contrats de ville, afin de pouvoir réorienter leurs démarches au sein des priorités et des nouveaux moyens définis par le pacte. Ils disposeront à cet effet de deux documents méthodologiques établis conjointement par la délégation interministérielle à la ville et l'Insee.
L'aménagement des rythmes scolaires (5 jours d'école avec temps libéré l'après-midi pour pratiquer des activités culturelles ou sportives) sera encouragé dès cette année dans 100 villesclassées en zone franche, a indiqué le ministre de la Jeunesse et des Sports.
Des projets locaux associeront à la collectivité locale et aux établissements scolaires les centres de loisirs, les centres culturels, les conservatoires de musique ainsi que les associations sportives et culturelles.
La mesure, dont le coût global est évalué à 90 millions de francs , sera financée à hauteur de 20 millions par le ministère de la Jeunesse et des Sports, de 40 millions par le Fonds d'action sociale (FAS), 30 millions seront apportés par les collectivités locales.
Jusqu'à 30 000 enfants pourront être concernés sur la base d'un coût moyen de 3 000 F par enfant et par an. « Ce coût par enfant plus élevé que la moyenne nationale s'explique par la présence d'animateurs plus nombreux sur des plages horaires plus larges », est-il indiqué.
La prise en charge pédagogique des enfants en dehors des cours va être poursuivie et institutionnalisée. A cette fin, dans les sites urbains prioritaires pour l'éducation, l'Etat, le FAS et la CNAF mettront en place des « contrats locaux d'accompagnement scolaire » à partir d'un cahier des charges et d'un appel à projets locaux.
Ces actions concerneront 40 000 enfants dans quelque 400 sites qui répondent à la géographie commune zones d'éducation prioritaire/politique de la ville.
L'aide financière prendra la forme d'une aide à la personne versée aux structures agréées par des comités départementaux, dont les financeurs seront membres de droit, ou par le ministère de l'Education nationale. L'aide apportée tiendra compte de l'effort fait par ces structures pour impliquer étroitement les parents ou responsables légaux dans le suivi éducatif de leurs enfants.
Ces propositions seront soumises à l'accord des conseils d'administration de la CNAF et du FAS.
Sur la base du volontariat, des étudiants, ayant accompli avec succès un premier cycle universitaire, pourront s'engager bénévolement dans des actions de tutorat et de soutien scolaire.
Concrètement, des conventions visant à encourager la participation des étudiants à l'accompagnement scolaire des enfants des quartiers en difficulté seront engagées entre l'Etat, l'université et les collectivités locales.
Elles prévoiront les conditions dans lesquelles l'université validera, dans le cadre de son cursus universitaire, l'engagement consenti par l'étudiant au service de la politique de la ville.
Plus de 1 000 étudiants devraient être concernés par cette mesure dès 1996.
L'affectation des postes créés au budget 1996 pour renforcer dans les établissements secondaires la présence d'adultes ayant des responsabilités éducatives et médico-sociales, concerneraprioritairement les établissements des quartiers en zone urbaine sensible.
La présence renforcée d'adultes, « importante pour les élèves en difficulté qui ne disposent pas dans leur entourage d'interlocuteurs adultes capables de les écouter et de les aider », sera donc assurée dans les lycées et collèges par l'affectation de 35 conseillers principaux d'éducation, 10 médecins, 38 assistants sociaux, 102 infirmiers.
Le projet « petite enfance » a pour objet de « créer le lien indispensable » entre les structures d'accueil de très jeunes enfants (crèches) et les écoles maternelles. Il consistera en une présence conjointe des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, des assistantes maternelles, des éducateurs de jeunes enfants et des enseignants, avant et après la classe, auprès des enfants de 2 ans. Il « permettra la constitution d'équipes efficaces d'adultes mettant en commun leurs compétences au service des jeunes enfants ».
Afin de favoriser la mise en place d'actions de promotion de la santé, la nutrition des enfants en école maternelle et primaire fera l'objet d'une convention avec l'Union nationale des centres communaux d'action sociale. Des petits déjeuners seront servis dans les classes maternelles et primaires d'écoles des communes qui se seront portées volontaires.
Pour appuyer les initiatives culturelles et artistiques de proximité et le développement d'équipements culturels de qualité dans les quartiers, un programme spécifique de 67 millions de francs par an sera affecté au soutien des actions diverses d'initiation et d'animation dans les domaines de la lecture, du cinéma, de la musique, du théâtre, des arts de la rue.
Une soixantaine de projets culturels de quartiers seront ainsi initiés dès 1996 en partenariat avec 27 collectivités locales, permettant également d'assurer « l'accompagnement de l'enfant hors du temps scolaire ».
Plusieurs mesures du pacte de relance pour la ville concernent le logement et le cadre de vie. Elles visent à entretenir les logements, favoriser la mixité sociale et restructurer l'environnement urbain.
La Caisse des dépôts et consignations pourra débloquer ces 3 prochaines années, au taux privilégié des prêts locatifs aidés très sociaux (4, 8 %), 5 milliards de francs de prêts aux organismes HLM pour financer les travaux d'entretien et de grosses réparations des500 000 logements sociaux des quartiers difficiles.
Cette mesure donnera lieu prochainement à la signature d'une convention entre l'Union nationale des fédérations d'organismes d'HLM et l'Etat.
Afin de favoriser « la mixité sociale dans l'habitat », et complétant le souhait de Pierre-André Périssol de modifier les conditions d'attribution des HLM (15), les préfets seront autorisés à déroger localement et temporairement aux conditions de ressources pour l'accès au logement locatif social dans le neuf et l'ancien au sein des quartiers classés en zone urbaine sensible (ZUS).
Conformément à la loi de finances pour 1996, les logements sociaux situés en ZUS seront exonérés de la contribution due par les bailleurs sociaux pour les logements occupés par les locataires dépassant de plus de 40 % les plafonds de ressources (16). De même, le surloyer ne s'appliquera pas dans les HLM des ZUS.
Et, afin de permettre les transformations de grands logements en petits logements, notamment pour favoriser l'installation des étudiants ou des jeunes couples, les règles de subvention de l'Etat en matière de réhabilitation seront modifiées.
Le logement locatif privé sera développé dans les quartiers en difficulté afin de diversifier les opérateurs des logements et d'attirer de nouvelles familles à revenus moyens. Pour cela, un avantage fiscal significatif sera attribué aux personnes investissant dans le logement locatif situé en zone franche.
L'accession à la propriété dans les quartiers en difficulté sera également facilitée, afin de stabiliser des familles dont les revenus ont augmenté et d'attirer de nouvelles familles à revenus moyens. Ainsi, le prêt à taux zéro sera rendu plus attractif dans les zones franches, la part du prêt passant de 20 % à 25 % du coût de l'opération (17).
Dans chaque quartier classé en zone urbaine sensible, les flux d'accès au logement social devront être coordonnés et concertés entre les collectivités locales, les organismes bailleurs, l'Etat et les représentants des habitants.
A cette fin, outre l'obligation d'établir des plans locaux de l'habitat au sein de l'agglomération et de mettre en place des conférences intercommunales du logement chargées d'élaborer les chartes communales ou intercommunales d'attribution des logements, une commission d'harmonisation des attributions sera créée dans chaque quartier sensible. Cette commission, présidée par une personnalité indépendante, sera commune à l'ensemble des organismes d'HLM intervenant dans le quartier et veillera à l'application concertée des objectifs fixés par la conférence communale ou intercommunale du logement (15).
Des établissements publics de restructuration urbaine pourront être créés, en accord avec les collectivités locales, pour les opérations de restructuration urbaine les plus importantes dans lesquelles l'Etat s'engage fortement, notamment les grands projets urbains.
Ces établissements publics auront des compétences plus larges que celles des établissements d'aménagement afin de leur permettre de réaliser ou faire réaliser toute action ou opération de développement social urbain, particulièrement dans les domaines de l'habitat et de l'insertion par l'emploi.
Une ligne budgétaire sur le budget ville sera dotée de 150 millions de francs pendant 3 ans, afin d'honorer les engagements de l'Etat inscrits au contrat de plan au titre de la participation des ministères autres que celui de la Ville à la mise en œuvre des grands projets urbains. Elle sera dotée par redéploiement sur les ministères concernés.
Les propriétaires publics et privés intéressés par des opérations de restructuration urbaine et de développement économique et social dans les zones urbaines sensibles pourront se regrouper en associations foncières d'intégration urbaine et sociale.
Dans les communes en contrat de ville et dans le cadre d'opérations programmées d'amélioration de l'habitat, des mesures de sauvegarde seront instaurées pour la requalification de copropriétés en difficulté.
Enfin, des primes à l'amélioration de l'habitat seront mobilisées en faveur des propriétaires occupants, ainsi que des primes de l'ANAH pour les propriétaires bailleurs lors des travaux de réhabilitation. Les fonds spécifiques d'aide au logement (Fonds de solidarité logement, Fonds d'aide aux accédants en difficulté) seront ouverts aux propriétaires occupants surendettés sous certaines conditions de ressources afin de les aider à faire face à des impayés de charges, voire d'emprunts.
En outre, 7, 5 milliards de francs de prêts seront accordés aux communes concernées pour les équipements publics et l'aménagement du cadre de vie dans ces quartiers, à des taux réduits le taux pour ces prêts projets urbains de la Caisse des dépôts et consignations étant ramené de 6, 5 % à 5, 8 %.
En complément du pacte de relance pour la ville, le fonctionnement des services publics « sera amélioré et leur présence renforcée », annonce le gouvernement. Par ailleurs, diverses mesures permettront aussi aux associations et collectivités locales situées dans ces quartiers de voir leurs ressources financières accrues.
Les réseaux de soins visent à coordonner l'action sanitaire et sociale préventive en faveur de publics qui ont un recours « faible et tardif » aux soins, débouchant sur des traitements plus lourds et souvent hospitaliers.
Afin de poursuivre et compléter ce dispositif, des espaces de santé de proximité seront ouverts dans15 sites de contrats de ville.
Ces espaces de santé seront soit implantés dans une structure existante soit créés. Les différents partenaires devant mettre à disposition les moyens relevant de leurs compétences respectives sous la « forme d'association support d'organismes médico-sociaux expérimentaux ».
Afin de favoriser l'affectation de fonctionnaires expérimentés dans les quartiers, la loi du 25 juillet 1994 relative à l'organisation du temps de travail dans la fonction publique et son décret d'application du 21 mars 1995 ont modifié leur déroulement de carrière (18). Les agents de l'Etat bénéficient, en effet, d'un droit de priorité pour les mutations et d'un avantage spécifique d'ancienneté.
L'arrêté prévu par le décret du 21 mars 1995 fixera la géographie d'application de ces mesures compte tenu de la définition des zones urbaines sensibles.
La nouvelle bonification indiciaire (NBI) versée aux agents affectés dans les quartiers en difficulté sera doublée dans les zones franches.
Par ailleurs, Alain Juppé demandera à ses ministres, d'une part, la révision des effectifs de référence des fonctionnaires affectés dans les sites urbains des contrats de ville pour le 30 juin 1996, d'autre part, un programme d'ajustement par redéploiement sur 3 ans de ces effectifs et le suivi trimestriel d'un indicateur de réduction de la durée des vacances d'emploi.
Et les agents affectés dans les quartiers en difficulté bénéficieront de formations spécifiques, de lettres de mission et d'entretiens réguliers avec leur hiérarchie sur les contraintes de leur emploi. Un module de formation à l'accueil concernera progressivement chaque site en contrat de ville.
Un audit des dispositifs d'aide au logement des fonctionnaires existant dans les différents ministères sera effectué par le ministère de la Fonction publique qui proposera, au 30 juin 1996, les adaptations nécessaires pour que ces dispositifs bénéficient en priorité aux agents affectés dans les quartiers en difficulté ou dans les services publics bénéficiant principalement aux populations de ces quartiers.
Les 13 postes de sous-préfet à la ville à temps plein existants actuellement seront complétés par cinq créations de poste enSeine-Maritime, Gironde, Vaucluse, Loire-Atlantique et Var.
Un sous-préfet spécifiquement chargé de mission pour la politique de la ville sera désigné dans chacun des 80 départements où sont mis en œuvre des contrats de ville. Il pourra être chargé, en outre, des fonctions de délégué départemental du Fonds d'action sociale.
Des délégués de l'Etat, fonctionnaires de catégorie A provenant de l'ensemble des services déconcentrés de l'Etat, seront désignés pour améliorer le niveau des contrats de ville ou des quartiers en difficulté, assurant ainsi l'interface nécessaire avec les collectivités locales, les associations et les chefs de projet.
L'intervention des animateurs travaillant dans les collectivités locales sera organisée au sein d'un cadre d'emploi spécifique d'animateurs, créé avec recrutement direct au premier grade : concours interne ou sur titres pour les non-titulaires détenteurs d'un diplôme, intégration pour les fonctionnaires.
L'implantation de plates-formes de service public, à vocation spécifique pour l'insertion et l'emploi pour la jeunesse, comme à vocation généraliste pour faciliter l'accueil et les démarches des usagers, sera développée par redéploiement des crédits du budget du ministère de la Ville.
Dans 5 ans, la délocalisation des services publics devra être significative dans les zones franches, sans préjudice des délocalisations qui devront intervenir au profit des quartiers en zone de redynamisation urbaine.
Ces délocalisations pourront concerner des directions ou organismes nationaux comme des services déconcentrés. Il sera demandé aux préfets de départements de faire des propositions de délocalisations de services déconcentrés ou implantés dans leur département, en s'intéressant notamment aux services actuellement mal installés.
Une loi associera les habitants au devenir de leur quartier. Concrètement, dans chaque quartier, le conseil municipal créera un comité d'initiative et de consultation de quartier, composé de représentants des associations exerçant leur activité dans ce quartier et volontaires pour participer à ce dispositif.
Ce comité sera consulté par le maire sur toute question ou projet intéressant les services publics et équipements de proximité, et entrant dans le domaine d'activité des associations membres du comité. Il pourra également transmettre au maire, pour que le conseil municipal en délibère, tout vœu ou toute proposition portant sur les affaires intéressant le quartier.
Comme annoncé le 15 janvier par le Premier ministre devant le CNVA (19), les associations pourront désormais bénéficier de contrats d'objectifs pluriannuels sur 3 ans fixant de façon explicite les actions attendues, la méthode d'évaluation retenue et le montant de la subvention. Celle-ci sera ensuite versée dans les 3 mois de la date d'exigibilité.
Pour les associations engagées dans le développement social urbain, ce système est précisé. Les avenants annuels inférieurs à 300 000 F seront payables à leur signature. Les avenants pour des dépenses supérieures feront l'objet d'une avance de 50 %, le solde étant versé au vu du compte rendu d'activité.
Enfin, toujours en vue de réduire les délais de versement, un fonds local associatif sera instituésur des financements de l'Etat et des collectivités locales pour assurer le paiement des subventions publiques aux associations.
Et pour apporter une aide à la gestion des associations, le FAS contribuera au financement de 500 postes d'animateurs du Fonds national jeunesse éducation populaire (Fonjep) dans les associations de quartiers en contrat de ville (20).
La réforme de la dotation de solidarité urbaine (DSU), adoptée par le gouvernement le 17 janvier, permettra « un rééquilibrage en faveur des villes les plus pauvres ». La DSU sera portée à 60 % de la dotation globale d'aménagement (21), soit une augmentation de 500 millions de francs en 1996.
Un programme triennal d'amélioration de la desserte et de la qualité des transports en commun dans les quartiers en contrat de ville sera mis en œuvre par appel à projets. Une enveloppe annuelle de 100 millions de francs y sera affectée. Les projets devront notamment permettre de renforcer la présence humaine et de favoriser l'insertion par l'emploi des habitants des quartiers. Enfin, l'expérimentation de nouvelles tarifications de proximité sera encouragée.
Le pacte de relance pour la ville a été diversement accueilli, tant chez les politiques que du côté des associations et des syndicats.« Ce qui est important, c'est que le Premier ministre ait accepté de présenter le pacte comme ouvert à la discussion », explique ainsiFrançois Geindre, vice-président du Conseil national des villes (CNV) et maire (PS) d'Hérouville-Saint-Clair. « Je ne rejette rien de son contenu. L'ensemble des mesures s'inscrit dans la continuité de la politique de la ville. Cependant, même si ce pacte est intéressant, ce n'est pas le plan Marshall annoncé », poursuit-il, estimant que l'on est encore loin des 250 000 à 300 000 emplois de ville sur 5 ans nécessaires. « On doit ouvrir des négociations sur chacun des grands programmes prévus. Il faut qu'on se dote d'une programmation reconnue éventuellement par le gouvernement et le Parlement. C'est l'enjeu des 2 mois de concertation à venir. »
Le son de cloche est plutôt positif à l'Assemblée des présidents de conseils généraux (APCG) où l'on observe, de la part du gouvernement, « une réelle volonté de recherche, de cohérence et de concertation dans la mise en œuvre des moyens et actions supplémentaires » annoncés. Invité à Marseille, Michel Mercier, vice-président de l'APCG, a cependant souligné la volonté des présidents de conseils généraux « d'être considérés comme des acteurs privilégiés et des partenaires à part entière de la politique de la ville », espérant que le pacte de relance « ne se réduise pas, comme c'est le cas pour les contrats de ville, à privilégier les relations entre l'Etat et les communes, sans prendre en compte [...] le conseil général ».
Dans le secteur associatif, les avis sont assez partagés. Ainsi, le MRAP se félicite de la conclusion d'un« pacte pour rendre vie à un tissu social en pleine désintégration et donner dans ce processus toute leur part aux associations ». Toutefois, il appelle les autorités politiques à « adopter des mesures de prévention de l'échec scolaire, de lutte contre les discriminations en matière d'emploi et de logement, de prévention de la drogue ». A Droit de cité, où l'on reconnaît l'effort du gouvernement, on se demande si« des annonces de bonne volonté feront une forte volonté politique ». Et l'on craint que le pacte de relance ne souffre des « soustractions budgétaires » et du « pouvoir d'empêchement des féodalités administratives et locales ». Ancien responsable de Banlieuscopie,Adil Jazouli estime, quant à lui, que« l'ensemble des mesures annoncées est cohérent et représente un effort relativement important en termes financiers ». Mais, prévient-il, « la vigilance s'impose pour que les moyens dégagés aillent bien là où il le faut ». En revanche, pour SOS Racisme, « on est loin du plan Marshall » annoncé, l'association reconnaissant toutefois que la création des emplois de ville est « importante ». Autre réaction : celle de la Fédération des maisons des potes qui, ayant déjà exprimé son scepticisme à propos du pacte de relance, déplore que les habitants des quartiers n'aient pas été suffisamment entendus. En outre, poursuivent ses responsables à propos des mesures d'incitation fiscale à l'implantation d'entreprises, « s'il y avait de l'argent à faire en banlieue, les entreprises viendraient toutes seules ». Enfin, concernant la question du logement, l'association Droit au logement (DAL) craint que le pacte de relance ne soit, en réalité, un « pacte d'éviction des pauvres ». En effet, selon le DAL, « il est prévu de détruire, de restructurer ou de sortir de leur vocation sociale des logements sociaux, et ce en plus grand nombre possible ». Et l'association s'insurge contre l'absence de mesures visant à construire dans des quartiers mieux pourvus « au moins le même nombre de logements sociaux que ceux qui auront été détruits ».
Par ailleurs, interrogé par les ASH, Marc Valette, responsable du Club des chefs de projets urbains, regrette, pour sa part, que le pacte ne prévoit aucune mesure visant à contractualiser plus concrètement le rôle des équipes de projets intervenant dans les quartiers, par exemple au travers d'une lettre de mission émanant du maire ou du préfet. En outre, remarque-t-il, « le problème de l'évaluation des politiques de la ville n'a pas été évoqué par le Premier ministre ».
Enfin, du côté des organisations syndicales, on déplore généralement le manque de moyens consacrés à ce plan, au regard des difficultés que connaissent les banlieues. Et l'on s'interroge sur les conséquences, à terme, de la création d'emplois de ville et de zones franches. Il s'agit d'une série de « mesures ponctuelles et limitées dont on cherche la cohérence », regrette la CFDT, estimant que « le gouvernement n'a pas su tirer les enseignements de ces dernières années ». « L'Etat et les communes continueront à rester impuissants à maîtriser la situation, tant que préfets et maires n'impliqueront pas, d'une part, les habitants de ces cités, d'autre part, les salariés travaillant dans ces quartiers », poursuit la confédération qui réclame non pas « plus d'Etat » mais « mieux d'Etat ». Le pacte de relance est« non seulement insuffisant, inadapté, mais aussi dangereux et illusoire », dénonce pour sa part la CGT. « Il confirme le refus du gouvernement de s'attaquer aux causes essentielles qui sont à la source des graves problèmes [...] qui ont pour nom : chômage, misère, exclusion, bas salaires, surconcentrations urbaines et aussi échec des politiques de traitement social », juge la centrale syndicale, considérant que le gouvernement « s'enfonce une nouvelle fois dans le développement d'un emploi en mode dégradé avec la mise en place de zones franches et de nouvelles exonérations fiscales et sociales ». Un point de vue proche de celui deFO. Laquelle constate que ce plan « continue à s'inscrire dans une logique de déréglementation » en instituant« une nouvelle forme de contrats précaires ». « Dans la mesure où nombre d'emplois sont nécessaires, il est indispensable de créer des emplois sous contrat de travail normal, qualifiés », insiste l'organisation syndicale. Avant d'ajouter « qu'au lieu de procéder à une démarche volontariste d'intégration, les dispositions gouvernementales s'inscrivent dans la reconnaissance quasi institutionnelle de zones marginalisées rendant de plus en plus difficile, dans les faits, l'objectif d'égalité sociale ».
(1) Voir ASH n° 1934 du 7-07-95.
(2) Voir ASH n° 1951 du 1-12-95.
(3) Voir ASH n° 1945 du 20-10-95.
(4) Voir ASH n° 1927 du 19-05-95.
(5) Voir ASH n° 1945 du 20-10-95.
(6) Voir ASH n° 1913 du 9-02-95.
(7) Voir ASH n° 1820 du 19-02-93.
(8) Voir ASH n° 1913 du 9-02-95.
(9) Voir ASH n° 1957 du 12-01-96.
(10) Voir ASH n° 1957 du 12-01-96.
(11) Voir ASH n° 1915 du 23-02-95.
(12) Voir ASH n° 1918 du 17-03-95.
(13) Voir ASH n° 1919 du 24-03-95.
(14) Les académies dans lesquelles se déroulent actuellement ces actions sont celles de Paris, Créteil, Versailles, Lille, Lyon, Grenoble, Aix-Marseille, Nice, Corse, Dijon, Reims, Bordeaux, Rouen, La Réunion. Voir ASH n° 1914 du 16-02-95.
(15) Voir ASH n° 1934 du 7-07-95.
(16) Voir ASH n° 1958 du 19-01-96.
(17) Voir ASH n° 1952 du 8-12-95
(18) Voir ASH n° 1920 du 31-03-95.
(19) Voir ASH n° 1958 du 19-01-96.
(20) Voir ASH n° 1958 du 19-01-96.
(21) Voir ASH n° 1958 du 19-01-96.