Le Conseil économique et social (CES) a adopté, le 24 janvier, un rapport sur l'inspection du travail préparé, au nom de la section du travail, par Marcel Fabre (CGT-FO).
Si les inspecteurs du travail sont une idée ancienne - le principe d'un corps d'inspecteurs fut posé en 1841 -, l'institution, qui a la charge de faire appliquer le droit du travail dans les entreprises, se heurte aujourd'hui à de nombreuses difficultés sur le terrain : indépendance précaire, manque d'effectif, droit de plus en plus complexe et différencié. Aussi, les propositions du Conseil s'articulent autour de plusieurs axes :
Donner la priorité au contrôle. Si le nombre de postes d'inspecteurs du travail est passé de 391 postes budgétaires en 1975 à 1 084 en 1995, cette progression s'est surtout opérée au profit des services tournés vers les politiques de l'emploi. Le nombre d'inspecteurs opérationnels n'atteint que 432 postes, lorsque l'effectif est complet. Or, dans le même temps, le tissu et l'implantation des entreprises ont considérablement évolué, les horaires de travail se sont individualisés, les liens juridiques et financiers des entreprises se sont développés les interventions des inspecteurs du travail se sont donc compliquées.
Ces éléments combinés contribuent, estime le CES, à une moindre efficacité des contrôles, le taux de pénétration de l'inspection du travail ne représentant plus que 14 % des établissements assujettis et 28 % des salariés occupés. Le CES recommande donc, s'appuyant sur une expérience menée de 1972 à 1977, le recrutement exceptionnel d'inspecteurs parmi des salariés du secteur privé ayant dix ans d'expérience professionnelle. Il demande aussi la révision de la carte des sections d'inspections du travail et la réorganisation des méthodes et charges de travail.
Combler le manque d'autorité de l'institution. Le CES fait état de statistiques édifiantes. Sur environ 900 000 infractions constatées en un an, 95 %font l'objet de simples observations et seules 2 à 3 %donnent lieu à des procès-verbaux, soit 30 000 par an. Fait d'autant plus inquiétant, note le rapporteur Marcel Fabre, que la justice fait peu cas de ces procès-verbaux qui se traduisent souvent par des peines minimales, voire des relaxes pures et simples. Le CES suggère donc une collaboration accrue entre administration du travail et système judiciaire. Il propose également que les « lettres d'observation » adressées à l'employeur par l'inspecteur du travail soient officiellement communiquées aux représentants du personnel ou, à défaut, que les salariés puissent avoir, par un affichage adapté, connaissance de cette visite et de la possibilité d'obtenir communication de ces lettres. Mieux contrôler les aides à l'emploi et à la formation. En raison du cloisonnement actuel existant dans les services déconcentrés du ministère du Travail, les décisions d'attribution d'aides aux entreprises ne sont pas automatiquement portées à la connaissance de l'inspecteur du travail, ce que déplore le CES. Etendre le contrôle à d'autres établissements. Le CES souhaite que les inspecteurs du travail disposent de prérogatives semblables à celles qui leur sont reconnues dans le secteur privé, pour contrôler les établissements publics de soins et les établissements dispensant un enseignement technique.
Le ministre du Travail et des Affaires sociales, présent lors du débat au Conseil économique et social, le 23 janvier, a repris et complété certaines propositions du CES. Il a convenu que les moyens d'expertise internes (médecins inspecteurs du travail, ingénieurs de sécurité, juristes) chargés d'apporter un appui technique aux inspecteurs du travail méritent d'être consolidés. Et que le renforcement des services d'accueil-information-renseignements est un objectif prioritaire. Il a également approuvé l'idée d'une ouverture du corps de l'inspection du travail à des personnels du secteur privé. Sur le plan des procédures, il a indiqué travailler sur trois pistes principales. Pour prévenir des situations potentiellement conflictuelles, une expérimentation de « médiation préventive » est mise en place dans la région Rhône-Alpes, en liaison avec l'ANACT. La procédure d'arrêt de travaux, actuellement en usage dans le bâtiment et les travaux publics, pourrait être élargie à des situations de risques graves facilement identifiables et pour lesquelles il est nécessaire d'agir vite (travaux de confinement et de retrait de l'amiante). Enfin, pour certaines infractions, le ministre souhaite « expérimenter un système d'amendes pénales à caractère forfaitaire ».
L'inspection du travail - Rapport au Conseil économique et social : 9, place Iéna - 75016 Paris.