Le conseil des ministres du 24 janvier a adopté deux des cinq ordonnances prévues pour la réforme de la protection sociale (1), l'une relative au « remboursement de la dette sociale » (RDS), l'autre portant « mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale ».
Rappelons que si les ordonnances, une fois signées par le président de la République, sont applicables dès leur publication au Journal officiel, la plupart des mesures qu'elles contiennent entreront en vigueur rétroactivement le 1er janvier 1996 (le 1er février pour le RDS).
Remboursement de la dette sociale
Après plusieurs tergiversations (2), le RDS sera finalement assujetti sur les revenus « perçus du 1er février 1996 au 31 janvier 2009 ». Alors qu'au ministère du Travail et des Affaires sociales, on précise que les allocations chômage et pensions de retraite perçues au mois de février, au titre du mois de janvier, ne se verront appliquer le RDS qu'à partir du mois de mars. Des instructions seront diffusées prochainement, dans ce sens, aux caisses de retraite et de chômage, précise-t-on au ministère.
Comme annoncé (3), le RDS recouvrera en fait plusieurs contributions.
La première contribution concernera les revenus d'activité et de remplacement déjà soumis à la CSG et sera calculée sur 95 % des sommes perçues. Y seront également assujetties :
les contributions patronales aux régimes complémentaires de prévoyance et de retraite
les indemnités de licenciement ou de mise à la retraite, et toutes autres sommes versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail quand elles excèdent les minima légaux ou conventionnels, ainsi que toutes les sommes versées à l'occasion de la modification du contrat de travail
les allocations parentales complémentaires versées par l'employeur au salarié en congé parental d'éducation
les allocations contributives de chômage, de retraite ou d'invalidité versées aux contribuables exonérés d'impôt sur le revenu
les indemnités journalières (IJ) ou allocations versées par les organismes de sécurité sociale ou les employeurs, à l'occasion de la maladie, de la maternité, des accidents du travail et des maladies professionnelles (y compris les IJ de longue maladie)
les allocations de logement, y compris l'aide personnalisée au logement et l'allocation de logement social.
La plupart des autres prestations familiales, versées en métropole comme en outre-mer, tout comme la majoration de l'AGED, seront également soumises au RDS, mais seulement à partir du 1er janvier 1997.
En revanche, ne seront pas soumis au RDS :
les indemnités de licenciement n'excédant pas le montant légal ou conventionnel
les allocations de veuvage
les pensions militaires d'invalidité et les retraites du combattant
les rentes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles
les minima sociaux (minimum vieillesse, RMI, AAH, allocations chômage du régime de solidarité) et certaines prestations familiales (allocation de parent isolé, allocation d'éducation spéciale).
La deuxième contribution concernera les revenus du patrimoine déjà soumis à la CSG, en retenant les revenus du patrimoine des contribuables non imposables et en écartant l'abattement de 8 000 F (16 000 F pour un couple) applicable sur les revenus de placement. Les revenus d'activité et de remplacement de source étrangère, principalement les salaires des travailleurs frontaliers, y seront également soumis.
Une troisième contribution portera sur les revenus de placements, non soumis actuellement à la CSG. C'est-à-dire les primes ou intérêts de l'épargne (comptes et plans d'épargne logement, assurance vie, plans d'épargne populaire, plans d'épargne en actions, participation et plans d'épargne d'entreprise...). Seront exonérés les revenus du livret A et des livrets assimilés.
Enfin, plusieurs autres contributions viseront les ventes de métaux ou d'objets précieux, ainsi que les jeux exploités par la Française des jeux, les paris hippiques et les recettes des casinos.
Le taux des contributions « RDS » sera identique et fixé à 0,5 %. L'ensemble des fonds ainsi récoltés seront reversés à une caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) spécialement créée à cet effet. La CADES sera notamment chargée d'apurer la dette existante de la sécurité sociale, et d'effectuer les versements nécessaires à l'apurement des déficits de la caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés (CANAM). Le Fonds de solidarité vieillesse sera, quant à lui, dégagé de ce versement, et pourra donc se consacrer à la seule prise en charge des prestations non contributives de solidarité attribuées aux personnes âgées.
Mesures urgentes pour l'équilibre financier de la sécurité sociale
Les références médicales opposables approuvées par arrêté du 3 mars 1995 (4), ainsi que les dispositions relatives aux sanctions applicables aux médecins qui ne les respectent pas, demeurent applicables jusqu'à approbation pour l'année 1996 d'une nouvelle annexe à la convention nationale des médecins. Les ministres en charge de la santé et de la sécurité sociale pourront demander aux parties à la convention de modifier ou d'abroger une référence médicale dont le maintien en l'état n'est plus justifié dans l'intérêt de la santé publique. En l'absence d'accord des parties, constaté deux mois après leur saisine, un arrêté pourra procéder à la modification ou à l'abrogation souhaitée.
Comme annoncé, les bases mensuelles de calcul des prestations familiales ne seront pas revalorisées en 1996. La prochaine revalorisation, qui interviendra en 1997, ne tiendra pas non plus compte de la hausse des prix enregistrée en 1996. Les plafonds de ressources seront indexés à partir de 1997 sur l'indice des prix à la consommation hors tabac, et non plus sur l'évolution des salaires. Par ailleurs, l'allocation pour jeune enfant sera soumise à un plafond de ressources dès le 1er janvier 1996. Par contre, l'idée de réduire le délai de prescription, dans lequel les allocataires peuvent revendiquer le paiement de prestations familiales, n'a pas été retenue par cette ordonnance. Le délai devrait rester fixé à deux ans.
Trois contributions supplémentaires seront également instituées. A compter du 1er janvier 1996, une taxe de 6 % sera prélevée sur les contributions au financement des prestations de prévoyance complémentaire versées par les employeurs et les organismes de représentation collective du personnel. Cette taxe, à la charge des employeurs, sera affectée au Fonds de solidarité vieillesse.
Le tiers responsable d'un accident, que sa responsabilité soit entière ou partagée, pourra se voir exiger une indemnité forfaitaire par la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident. Cette indemnité compensera les frais engagés par la caisse pour obtenir le remboursement des frais engagés en faveur des assurés du régime général ou assimilés. Elle sera égale au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant minimum de 500 F et d'un montant maximum de 5 000 F. Et sera applicable aux dossiers réglés à partir du 1er janvier 1996, que ce soit par voie amiable ou par décision de justice passée en force de chose jugée.
Toute reconnaissance de maladie professionnelle, intervenue à compter du 1er janvier 1996, obligera désormais la branche des accidents du travail à assurer un reversement forfaitaire au régime maladie ayant supporté les dépenses en nature avant cette reconnaissance. Le montant de ce reversement sera fixé ultérieurement par décret.
(1) Voir ASH n° 1951 du 1-12-95.
(2) Voir ASH n° 1958 du 19-01-96.
(3) Voir ASH n° 1957 du 12-01-96.
(4) Voir ASH n° 1917 du 10-03-95.