La Cour européenne des droits de l'Homme (Strasbourg) a condamné la France à verser un million de francs à un fonctionnaire de la Ville de Paris, contaminé par le VIH à la suite de fréquentes transfusions sanguines, sa séropositivité ayant été révélée en octobre 1983. Si la Cour de Strasbourg s'est déjà prononcée sur ce thème à plusieurs reprises, c'est par contre la première fois qu'elle se prononce sur la validité même de la procédure française d'indemnisation.
Deux procédures avaient en effet été engagées par l'intéressé aux fins d'être indemnisé : l'une, en décembre 1991, contre la Fondation nationale de transfusion sanguine devant les tribunaux l'autre transactionnelle, devant le Fonds d'indemnisation des hémophiles et transfusés, instauré spécifiquement par la loi du 31 décembre 1991 (1).
La solution est contrastée. Si le Fonds d'indemnisation accorde à la victime une indemnité de 993 750 F, à laquelle s'ajoute une somme de 331 250 F versable lors de la déclaration du sida, la cour d'appel de Paris refuse de lui octroyer une indemnisation supplémentaire, estimant que le requérant a été totalement indemnisé par le Fonds. Ce refus est confirmé en janvier 1994 par la Cour de cassation, saisie à son tour.
L'intéressé saisit alors la Cour européenne des droits de l'Homme, estimant qu'il n'avait pas disposé, conformément à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, d'un droit d'accès concret et effectif devant un tribunal. Cette demande a été acceptée par la Cour européenne et le jugement rendu le 4 décembre 1995 post mortem, le requérant étant décédé en novembre 1995.
Si la Cour remarque que « la mise en place par l'Etat français d'un mécanisme d'indemnisation spécifique des personnes hémophiles et transfusées atteintes du sida démontre un remarquable esprit de solidarité », elle constate que « l'intéressé pouvait raisonnablement croire à la possibilité d'introduire ou de poursuivre des actions parallèles à sa demande d'indemnisation présentée au Fonds d'indemnisation ». « Au total, le système ne présentait pas une clarté et des garanties suffisantes pour éviter un malentendu quant aux modalités d'exercice des recours offerts et des limitations découlant de leur exercice simultané. »
(1) Voir ASH n° 1768 du 17-01-92 et ASH n° 1775 du 6-03-92.