Une circulaire du ministère de la Justice du 26 septembre 1995 relative « à l'autorité judiciaire et à la lutte contre l'immigration clandestine » vise à « améliorer l'efficacité » du dispositif mis en œuvre par les lois des 24 août et 30 décembre 1993 portant sur la maîtrise de l'immigration. Elle va à l'encontre de la circulaire de ce même ministère du 11 juillet 1994 (1) qui demandait aux procureurs de ne pas poursuivre les étrangers en situation irrégulière n'ayant commis aucune infraction.
La circulaire du 26 septembre appuie explicitement le « plan d'action » du gouvernement en matière de lutte contre l'immigration clandestine en précisant que « l'autorité judiciaire doit y prendre toute sa part ».
Il arrive trop fréquemment, poursuit-elle, que des étrangers détenus faisant l'objet de mesures d'interdiction du territoire ou d'arrêtés de reconduite à la frontière ou d'expulsion ne puissent être reconduits à l'issue de leur peine de détention parce que les démarches nécessaires (détermination de l'état civil, production de documents d'identité) n'ont pu être effectuées en temps utile. C'est ainsi que 76 % des échecs d'exécution des interdictions du territoire sont dus au défaut de document « transfrontière », indique la circulaire. « C'est d'ailleurs l'une des situations où le taux de reconduites à la frontière effectivement ramenées à exécution est le plus faible, ce qui n'est pas admissible. »
Aussi, dès lors que « l'identité de l'étranger en situation irrégulière ne sera pas précisément établie par des documents incontestables », les procureurs de la République sont invités à requérir des mandats de dépôt et des peines d'emprisonnement ferme. De même, « la période d'incarcération doit être mise à profit pour réunir les éléments nécessaires à l'éloignement effectif des étrangers » en situation irrégulière, est-il indiqué.
Ce texte, qui incite les procureurs de la République à requérir des peines de prison ferme, est entaché d'excès selon le syndicat de la magistrature (2), qui a déposé un recours, aux motifs qu'il « comporte des règles générales et impératives adressées aux magistrats du parquet », alors que ces derniers disposent normalement du pouvoir d'opportunité des poursuites.
De même, le MRAP (3) proteste contre ce texte qu'il juge illégal car il constitue une « double immixtion dans le pouvoir judiciaire » : d'une part, « il porte atteinte au principe de l'autorité judicaire » et, d'autre part, il « méconnaît le principe d'opportunité des poursuites détenu par les procureurs », estime l'association.
(1) Voir ASH n° 1903 du 1-12-94.
(2) Syndicat de la magistrature : BP 155 - 75523 Paris cedex 11 - Tél (1) 48.05.47.88.
(3) Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples : 89, rue Oberkampf - 75011 Paris - Tél. (1) 43.14.83.53.