« Les partenaires sociaux et le Premier ministre, accompagné des membres du gouvernement principalement concernés, se sont rencontrés le jeudi 21 décembre 1995.
Les partenaires sociaux et le gouvernement ont affirmé leur commune détermination à faire de l'emploi leur priorité absolue.
Dans cet esprit, le gouvernement et les partenaires sociaux se sont accordés pour constater que les perspectives économiques du premier semestre 1996 rendent nécessaire un encouragement à la consommation des ménages et à l'activité des entreprises.
Le gouvernement a annoncé un ensemble de mesures visant à favoriser l'utilisation de l'épargne existante en faveur de la consommation, à encourager les dépenses en faveur du logement et à accentuer les effets de l'investissement public sur l'activité.
Mais la recherche d'une croissance plus forte ne pourra suffire à elle seule à résoudre la situation du chômage et de l'exclusion.
Les jeunes connaissent des difficultés particulières pour accéder à un emploi. La gravité du chômage des jeunes entretient dans notre société une crainte devant l'avenir qui affecte la croissance de notre économie en pesant fortement sur la consommation.
Favoriser l'embauche des jeunes, réduire le temps de travail sont deux voies sur lesquelles il faut s'engager avec ambition et volonté.
Affirmer le devoir national d'insertion et d'embauche des jeunes
En ce qui concerne l'emploi des jeunes, il faut inverser la tendance et changer d'échelle et de rythme pour atteindre 250 000 embauches supplémentaires en 1996.
Le gouvernement et les partenaires sociaux reconnaissent la nécessité d'améliorer le taux d'activité des jeunes, en rapprochant leur situation de celle de la moyenne de la population active.
Les partenaires sociaux engageront dans les semaines qui viennent des négociations pour définir les moyens nécessaires pour arriver à ce résultat, ainsi que la façon dont le suivi en sera effectué.
Le gouvernement invite les entreprises à se fixer comme objectif d'arriver, dans le cadre de leurs embauches, à un recrutement de 50 % de jeunes. Une évaluation sera effectuée à la fin de l'année 1996 pour mesurer les efforts réalisés.
Le gouvernement attend des grandes entreprises françaises qui ont un développement à l'international, qu'elles offrent par la négociation un nombre de stages de une à deux années dans leurs filiales à l'étranger.
Les partenaires sociaux sont convenus d'ouvrir rapidement une négociation interprofessionnelle pour développer la cessation progressive d'activité en fin de carrière permettant l'embauche de jeunes. Ils conviennent également d'évaluer dans les meilleurs délais l'accord du 6 septembre 1995 (1) et de prendre toutes mesures susceptibles d'en accélérer la mise en œuvre et d'en améliorer l'efficacité, et le cas échéant les modalités.
Ils conviennent enfin de consolider le fond paritaire en faveur de l'emploi auquel l'Etat apportera, le cas échéant, son concours au vu du bilan des actions engagées.
Le renforcement des dispositifs de l'alternance fera l'objet de décisions nouvelles, notamment par la prochaine présentation au Parlement d'un projet de loi sur l'apprentissage et par le développement des contrats de qualification. Il tiendra compte des coûts pédagogiques et du coût différentiel de rémunération pour les plus de 18 ans. L'Etat maintiendra ses efforts pour le financement du contrat de qualification, notamment pour la prime incitatrice.
Le gouvernement et les partenaires sociaux conviennent de réfléchir à la mise en place pour les étudiants d'expériences de longue durée en entreprise, s'intégrant aux cursus universitaires. Le ministre de l'Education nationale prendra les dispositions nécessaires pour la mise en œuvre de cette étape vers le droit à l'insertion.
Les partenaires sociaux discuteront des modalités du renforcement de l'orientation professionnelle des jeunes.
Pour les jeunes sans qualification, les dispositions suivantes sont arrêtées :
- créer les conditions d'une meilleure utilisation du contrat d'orientation pour l'accès à une première expérience en entreprise
- ouvrir le contrat initiative-emploi aux jeunes en grande difficulté sans condition d'inscription à l'ANPE
- mettre en place un contrat d'initiative locale à la disposition des collectivités locales, pour la création d'emplois d'intérêt collectif.
En outre, l'Etat se fixe comme objectif de garantir pour les CES une formation et un suivi.
Il est proposé d'engager des négociations en vue de mettre en place des programmes régionaux d'insertion. Ces programmes fixeront des objectifs régionaux d'insertion professionnelle pour les jeunes en difficulté et détermineront les modalités d'un suivi opérationnel de leurs parcours d'insertion afin de leur offrir de nouvelles chances en cas d'échec. En outre, au niveau national seront discutées les conditions du développement du tutorat pour l'accompagnement de ces jeunes en entreprise, notamment en ce qui concerne les modalités de prise en charge des heures de tutorat ainsi que de la formation des tuteurs.
La mise en œuvre de ces initiatives en faveur des jeunes et la réalisation des objectifs annoncés fera l'objet d'un bilan d'étape à la fin du premier semestre de l'année 1996. Le bilan prendra en compte les expériences d'insertion des jeunes réalisées dans des entreprises ou des collectivités pilotes.
Au vu de ces résultats, le gouvernement prendra toute disposition utile, au besoin en proposant l'adoption de dispositions législatives.
En outre, les dispositifs d'allégement du coût du travail donneront lieu à la fin du premier semestre de 1996 à une évaluation. Ce bilan permettra de voir comment garantir, dans la poursuite de ce processus, l'effectivité des contreparties en termes d'emplois créés ou sauvegardés, en priorité pour les jeunes.
Favoriser la création d'emplois par l'aménagement et la réduction du temps de travail
Les partenaires sociaux sont convenus d'accélérer le processus engagé par l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 (2) en vu de pouvoir conclure un nouvel accord national interprofessionnel dans toute la mesure du possible, avant le 31 juillet.
Le gouvernement tirera les conséquences de ce processus et, s'il y a lieu, préparera un projet de loi.
Le gouvernement a confirmé l'ouverture, en janvier 1996, de négociations portant à la fois sur l'aménagement et la réduction du temps de travail dans les fonctions publiques. Il demandera aux entreprises publiques de se montrer innovatrices dans ce domaine et d'engager des négociations de même nature.
Le gouvernement étudiera la possibilité de transposer l'accord national interprofessionnel du 6 septembre 1995 aux fonctions publiques.
Le gouvernement proposera en temps utile la simplification de la législation sur la durée du travail, et assurera le respect du cadre légal et conventionnel ainsi rénové, dans le respect de la spécificité des petites entreprises.
Les mutations de notre société et les transformations qui se sont engagées dans l'organisation du travail au sein des entreprises rendent plus que jamais nécessaire le développement d'un dialogue social intense et régulier.
Seul le dialogue social peut permettre les évolutions nécessaires en trouvant des solutions qui tiennent compte des intérêts légitimes de toutes les parties prenantes.
La relance du dialogue interprofessionnel intervenue en 1995 a déjà abouti à la signature de quatre accords importants pour l'emploi.
Les partenaires sociaux ont exprimé leur volonté de donner à leurs contacts un caractère permanent et de se rencontrer en tout état de cause au moins deux fois par an au niveau national interprofessionnel.
Le gouvernement a souhaité que les partenaires sociaux relancent les négociations sur le relèvement et l'adaptation des minima conventionnels inférieurs au SMIC. Il a également demandé que les négociations de branche sur les classifications et la structure des grilles salariales soient engagées ou poursuivies dans les secteurs où elles n'ont pas abouti.
Le gouvernement a par ailleurs proposé que trois nouvelles réunions avec les partenaires sociaux se tiennent dès le premier semestre 1996. Elles seront consacrées à la politique familiale, à l'emploi des jeunes et au temps de travail.
Le gouvernement s'engage à examiner systématiquement avec les partenaires sociaux, les conditions dans lesquelles les accords nationaux interprofessionnels seront, le cas échéant, transcrits dans la loi.
Dans un souci d'apaisement et de réconciliation, toutes les sanctions disciplinaires qui auraient pu être prononcées dans les entreprises publiques affectées par le récent mouvement social, à l'exception de celles ayant trait à des faits portant atteinte à la sécurité des personnes et des installations sensibles, seront rapportées. Les participants à la réunion ont souhaité qu'il en soit de même pour les entreprises privées. »
(1) NDLR : voir ASH n° 1943 du 6-10-95.
(2) NDLR : voir ASH n° 1948 du 10-11-95.