Intervenant à TF1, le 17 décembre, Alain Juppé est resté ferme sur sa volonté de mener à bien son plan de réforme de la sécurité sociale (1), tout en souhaitant la « réconciliation » à l'occasion du sommet social sur l'emploi qu'il devait présider, comme prévu, le 21 décembre (2).
S'agissant de la « mise en œuvre concrète » de son plan, le Premier ministre a affirmé qu'il y avait « un immense champ pour la discussion et la négociation au cours des six prochains mois ». Propos confirmés dans deux lettres adressées, le 16 décembre, à Marc Blondel et Louis Viannet, respectivement secrétaire général de FO et de la CGT, dans lesquelles il rappelle que Jacques Barrot, ministre du Travail et des Affaires sociales, a été chargé de « réunir des ateliers de travail » sur les différents aspects de la réforme et, en particulier, sur l'organisation de la sécurité sociale et son financement, « de telle façon que l'ensemble des organisations syndicales et professionnelles soient parties prenantes dans le processus d'élaboration et de mise au point des mécanismes, des procédures et des textes ». C'est Jean Marmot, conseiller-maître à la Cour des comptes et président de la commission des comptes de la sécurité sociale, qui a été désigné pour prendre contact avec chacune d'entre elles et « déterminer, de manière concertée, le périmètre des ateliers de travail », qui devront être opérationnels dès les premiers jours de janvier. Il recueillera également les observations des partenaires sociaux sur les mesures relatives au remboursement de la dette sociale et au rétablissement de l'équilibre de la sécurité sociale.
Trois chapitres devaient être abordés lors du sommet social : la croissance, à laquelle « il faut donner de nouveaux aliments » ; l'emploi des jeunes à propos duquel il semble qu'Alain Juppé ait l'intention de proposer des mesures évoquées jusqu'ici au sujet de la lutte contre l'exclusion, tels qu'un véritable service public de l'insertion des jeunes (3), la réorientation des FAJ en direction des jeunes sans qualification (4) ou encore la création d'un contrat spécifique d'insertion des jeunes ; le temps de travail, le Premier ministre évoquant notamment « le temps partiel, pour qu'il ne soit pas un temps subi mais choisi, et la réduction du temps de travail ».
Un menu diversement apprécié par les partenaires sociaux qui devaient participer à cette réunion. Après un difficile débat interne et un vote à bulletins secrets, le CNPF a finalement annoncé sa participation au sommet, lors de son congrès annuel, le 19 décembre. Jean Gandois, son président, a déclaré, à cette occasion, qu'il souhaitait voir traiter de l'emploi des jeunes mais qu'il entendait « faire barrage » sur des sujets que le CNPF ne voulait pas voir aborder, tels les salaires ou le temps de travail. Il a également averti qu'il veillerait à ce que la politique contractuelle mise en œuvre depuis le début de l'année ne soit pas remise en cause. Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT, a précisé que ce sommet ne devait pas être un sommet « fourre-tout », mais une « rencontre débouchant sur des décisions et des orientations précises », « un coup d'accélérateur » donné aux réformes. Craignant un « sommet alibi », Marc Vilbenoît, président de la CFE-CGC, devait proposer « la mise en place d'un contrat de génération qui concernerait tous les salariés » (départ à la retraite à 57 ans après 38 années de cotisations contre embauche obligatoire d'un jeune). Tandis que la CFTC devait réclamer une « relance de la politique familiale ». Face au refus d'Alain Juppé et du CNPF de discuter sur les salaires, Marc Blondel qui, à la veille du sommet, affichait son pessimisme devait notamment demander une révision des « minima sociaux » (SMIC, RMI, AAH...) pour « redonner du pouvoir d'achat aux plus défavorisés ». Quant à Louis Viannet, il attendait que la rencontre apporte des réponses sur « le SMIC, la réduction de la durée du travail, la transformation d'emplois précaires en emplois à temps complet », tout en mettant en garde contre « un retour de flamme » si le sommet social n'aboutissait pas.
Du côté des associations, des voix se sont fait entendre pour regretter leur absence au sommet social. Ainsi, l'UNAF (5) a adressé, le 18 décembre, une lettre au Premier ministre pour lui demander d'être « associée au sommet social » arguant que « les familles qui sont actrices économiques, sociales et culturelles ont également, de ce fait, le caractère de partenaires ». Jugeant « positif » sa tenue, la FNATH (6) a demandé à en être « partie prenante » car il constitue, selon elle, « une réponse à la nécessité d'un vrai dialogue social ». Aussi entend-elle être vigilante dans les conclusions à tirer du sommet social « pour que l'insertion des travailleurs handicapés en milieu ordinaire de travail, y compris dans les fonctions publiques, ne soit pas oubliée ». Quant au CNRPA (7), il s'est étonné que le ministre du Travail et des Affaires sociales, président du comité, « ait pu ignorer le comité qui représente 11 millions de retraités », sur trois sujets fondamentaux du plan Juppé : « la cotisation maladie, le problème des retraites et le report de la loi sur la prestation d'autonomie ». Et a regretté que malgré de nombreuses demandes, Jacques Barrot ne l'ait toujours pas reçu. Souhaitant elle aussi être associée au sommet social, la FNARS (8) a demandé que l'on aborde notamment, à cette occasion, la question de la réduction du temps de travail, du chômage des jeunes, du droit au logement, de l'assurance maladie universelle et du soutien aux dispositifs d'insertion par l'économique.
De leur côté, les « sans » (sans-emploi, logement, papier, protection sociale, ressources, formation...) ont décidé d'organiser un sommet bis en marge du sommet social officiel auquel ils ont souhaité en vain être représentés. Après avoir obtenu, la semaine dernière, l'ouverture d'un espace au centre Georges Pompidou (9), afin de débattre de la situation, ils devaient donc se réunir le mercredi 20 décembre à l'appel de plusieurs associations : AC !, ACTIT, APEIS, MNCP, CDSL, DAL et Droits devant !!
Ce sommet des « sans », outre des témoignages de « lutte » et d'action collective, devait accueillir notamment Albert Jacquard et Léon Schwartzenberg pour évoquer « les alternatives » possibles. « Nous demandons la redistribution des richesses et la réduction massive du temps de travail sans baisse des salaires afin que chacun, Français et immigrés, accède à un emploi et réintègre ses droits », soulignent les organisateurs.
(1) Voir ASH n° 1949 du 17-11-95.
(2) Voir ASH n° 1952 du 8-12-95.
(3) Voir ASH n° 1948 du 10-11-95.
(4) Voir ASH n° 1951 du 1-12-95.
(5) Union nationale des associations familiales : 28, place Saint-Georges - 75009 Paris - Tél. (1) 49.95.36.00.
(6) Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés : 20, rue Tarentaize - 42029 Saint-Etienne - Tél. 77.33.01.58.
(7) Comité national des retraités et personnes âgées : 49, rue Mirabeau - 75016 Paris - Tél. (1) 45.27.66.13.
(8) Fédération nationale des associations d'accueil et de réadaptation sociale : 76, rue du Faubourg-Saint-Denis - 75010 Paris - Tél. (1) 45.23.39.09.
(9) Contact au centre Georges Pompidou - Tél. (1) 44.78.15.15 ou (1) 42.77.77. 31.