ASH : Le regard sur les parents d'enfant placé a-t-il évolué ces dernières années ? D.B. : Oui. Je crois que ce qui a changé c'est que l'on essaie de porter un regard positif sur ces parents. Ce que traduit avec force l'idée selon laquelle le parent est une personne. Je ne dis pas que cela se concrétise toujours dans le quotidien mais il existe une véritable volonté d'aller dans ce sens. Par ailleurs, on commence à s'interroger sur le sens de la loi quand elle parle de « maintien des liens ». S'agit-il de maintien des liens, de la relation, des rencontres ? On a beaucoup traduit « maintien des liens » par « obligation de relations ». En outre, aujourd'hui, on accepte davantage de se questionner au cas par cas et d'envisager plusieurs solutions possibles, sans s'enfermer dans des réponses toutes faites. ASH : Les équipes éducatives ignoraient donc les parents auparavant ? D.B. : Pendant des années, on a peu parlé des parents. Mais depuis quelque temps, on se rend compte qu'un enfant a beaucoup de mal à s'en tirer si on ne prend pas en compte le fait qu'il vient de quelque part. L'exclusion des parents constitue donc la pire des réponses car, même absents, ils peuvent continuer à exister à condition que de la parole circule à leur sujet et que l'on ne porte pas sur eux un regard trop négatif. Et même s'il paraît nécessaire d'envisager, dans certains cas, un éloignement long, cela n'implique pas que l'on perde leur trace. Même s'ils ne donnent pas signe de vie, l'équipe éducative doit signifier aux enfants que leurs parents existent. C'est parce que l'on reconnaît cette appartenance de l'enfant à une famille que celui-ci peut construire sa propre représentation de son père et de sa mère, parfois sans les rencontrer. Il est vrai que les choses sont plus compliquées dans la pratique. Il faudrait que les services aient les moyens, notamment en personnel, de poursuivre un travail intense avec les parents quoiqu'il arrive. ASH : Est-ce que l'image du « bon parent », véhiculée de façon plus ou moins consciente par les travailleurs sociaux, n'occulte pas la place réelle des parents d'enfant placé ? D.B. : Le bon parent n'existe pas. Ce n'est qu'une construction. Au cours du colloque, nous nous sommes beaucoup attachés à distinguer les différents rôles parentaux : éducatif, affectif... On peut être défaillant sur le plan éducatif et maintenir une relation affective suffisante avec son enfant. Un service dans le Gard prépare à la séparation en maintenant, pendant un temps, un droit d'hébergement important aux parents. Et leur évite ainsi de se sentir disqualifiés dans leur fonction parentale. En France, tous les juges ne sont pas prêts à ce genre de mesures. A l'inverse, dans d'autres cas, peut-être n'y a-t-il pas urgence à solliciter les parents immédiatement après la séparation. On veut trop souvent, et trop vite, renouer des liens. Or, il ne faut pas oublier que si l'on sépare, c'est non seulement parce qu'il y a danger pour l'enfant mais aussi, parce que l'on attend que cet éloignement produise un changement. En effet, dans les situations graves de « collage », de violence... il est nécessaire que, de part et d'autre, se modifie quelque chose de la représentation de l'autre afin d'éviter une répétition des situations pathogènes. Il faut donc parfois du temps pour permettre une possible élaboration du lien.
(1) Pour-suivre les parents des enfants placés - Nîmes les 16,17 et 18 novembre - Groupe de recherche et d'action pour l'enfance : 8, rue Mayran - 75009 Paris - Tél. 1 48.78.30.88.